Lors du Conseil des Ministres du 6 mai 2020, vous avez rappelé à votre Gouvernement tout l’intérêt que vous accordez à la réalisation du nouvel écosystème des médias sénégalais, en enjoignant le ministre concerné de faire évoluer favorablement les projets de textes qui y concourent.
En effet, le communiqué du conseil des ministres de ce jour-là, nous rapporte que ‘’Le président de la République est revenu sur l’importance qu’il accorde au développement de la presse, en indiquant au ministre de la Communication l’urgence de finaliser le dispositif d’application du Code de la Presse’’.
Vous avez bien raison, Monsieur le Président de la République, de souligner l’urgence de prendre des textes d’application d’une loi votée depuis le 20 juin 2017. Presque trois ans, jour pour jour, la non-prise de ces textes doit inquiéter tout citoyen soucieux de la bonne marche de l’administration sénégalaise.
Mieux, pour nous autres acteurs des médias, qui n’avons cessé de relancer pour que simplement la République puisse continuer sa marche et qu’une loi qui régit un secteur aussi important, puisse être mise en pratique, ce rappel à l’endroit de votre ministre plus d’un an après vos premières instructions, nous inquiète. Oui, M. le Président de la République, au mois de mai 2019, la même instruction avait été donnée par vous-même.
Monsieur le Président de la République, les acteurs des médias regroupés au sein de la Coordination des Associations de Presse (CAP), sont plus qu’inquiets de l’attitude désinvolte, à la limite du mépris, que nous oppose celui qui s’est pourtant toujours présenté comme notre relais auprès de votre haute autorité.
Rien n’est fait pour que le secteur des médias puisse connaître les réformes indispensables à sa survie, dans un contexte en mutation continue et alors que le monde interroge le modèle de la production et de la diffusion de l’information à l’aune des nouvelles technologies. Le Sénégal, avec le ministre Abdoulaye DIOP est à la traîne et continuera d’occuper la dernière place au regard des décisions prises dans le secteur de la presse, décisions unilatérales et en violation flagrante de tous les consensus.
Il y a peu, Monsieur Abdoulaye Diop a passé outre les instructions que vous lui aviez données d’associer les acteurs à l’allocation aux médias de l’aide à la presse. Pourtant, Monsieur le Président, vous-même nous avez dit, lors de l’audience accordée à la presse dans le cadre de la Covid 19, le 27 mars 2020, votre souhait de voir les acteurs de la presse impliqués dans le dispatching de cette aide que vous avez exceptionnellement doublée, la faisant passer de sept cents millions (700.000.000 FCFA) à 1,4 milliard (1.400.000.000 FCFA). Au final, cet espoir légitime de certaines entreprises de presse de pouvoir compter sur ces ressources pour se réajuster dans ce contexte difficile, s’est évaporé.
Monsieur le Président de la République, nous acteurs de la presse sommes inquiets. Inquiets de voir le hiatus s’élargir entre vos intentions pour ce secteur que vous ne cessez de réitérer à chaque fois que de besoin et les actes posés à contre-courant par votre gouvernement.
Déjà, comme rappelé plus haut, devoir attendre plus de trois ans pour que les textes d’application d’une loi portant Code de la presse que vous, Monsieur le Président de la République Macky Sall, avez présenté à l’assemblée nationale pour vote, nous semble assez paradoxal.
Ensuite, Monsieur le Président de la République, voir le projet de loi sur la HARCA, pilier de la régulation qui devra mettre de l’ordre dans un secteur en ébullition permanente avec des écarts et excès, être remisé depuis plusieurs années aux calendes grecques n’apparaît pas comme un signal d’encouragement au moment où les acteurs peinent à vouloir s’auto-imposer un cadre règlementé de la pratique du journalisme. Les retards enregistrés tendent à faire croire que la situation du désordre actuel ne gêne pas les autorités publiques ou mieux, qu’elle les arrange.
Que dire alors Excellence, Monsieur le Président de la République, de la question de la publicité ? Une loi obsolète qui date des années 80, combinée à des besoins exponentiels, ont amené tous les acteurs à demander la mise sur pied d’une nouvelle loi sur la publicité. Aucun de vos ministres successifs, depuis huit ans que vous exercez le pouvoir suprême, n’y a accordé un quelconque intérêt.
Enfin, Monsieur le Président de la République nous concédera que la Maison de la Presse va continuer à symboliser le manque de considération de la presse de la part de son gouvernement. Le management du forcing qui se manifeste par un boycott depuis 8 ans de ce bijou, le plus imposant bâtiment dédié à la presse en Afrique de l’Ouest, s’est hélas poursuivi il y a une semaine. En procédant aux nominations du Président du Conseil d’Administration (PCA) et du Directeur général (DG) de la Maison de la Presse, nous sommes forcés de constater que le consensus obtenu chez le ministre qui nous avait convaincu de venir siéger au Conseil d’administration, bien qu’on y soit sous représenté (2 membres sur 11), n’a été qu’une ruse.
Monsieur le Président de la République, rendez-nous notre maison ! L’État du Sénégal, dont vous êtes le chef, a toujours entretenu un consensus pour l’érection de cette maison. Suite à l’entregent du regretté Alpha Sall, défunt Secrétaire général du SYNPICS, le terrain où se trouve la maison, a été mis à disposition par l’État qui a puisé dans son portefeuille pour financer cette bâtisse. Cette maison est donc la propriété des acteurs des médias.
Le Sénégal, qui a la plus imposante et grande maison de la presse de la sous-région, ne saurait faire moins que ses voisins. Aucune maison de la presse du monde n’est gérée par un État. Aucune !
Monsieur le Président de la République, nous vous saurons gré de nous rendre la Maison de la Presse, qui est un acquis de haute lutte des acteurs des médias.
Fait à Dakar, le 9 juin 2020.