L’Afrique doit-elle dénoncer ses contrats de concessions signés avec le capital étranger ?

Continent en croissance, où tout reste à faire, le Continent suscite de plus en plus d’intérêt du côté des investisseurs étrangers notamment dans ses projets d’infrastructures urbaines. Est-elle pénalisée dans la mise en œuvre de ces contrats ? Tout porte à le croire.
Les récents débats autour de la viabilité du Train express régional au Sénégal m’amènent à faire état de notre expérience internationale d’une vingtaine d’années dans les problématiques de financement de projets
Les Etats africains sont souvent exposés à des manques à gagner importants dans leurs relations avec leurs partenaires étrangers.
Les sociétés de gestion créées localement par ces partenaires pour administrer les sociétés de patrimoine sont parfois détenues à hauteur de 100% facilitant l’opacité la plus totale dans la gestion. Les Etats concernés n’étant pas dans les tours de table n’ont aucun pouvoir de contrôle encore moins d’influer sur les décisions
A cela s’ajoute qu’en général, les montages juridiques sont peu sécurisants. Les intérêts étrangers arrivent à connecter les sociétés de gestion locales créées non pas aux entreprises partenaires stratégiques de premier plan disposant d’expérience en l’occurrence la SNCF pour le cas du TER mais à des sociétés tampons. Essentiellement soi-disant pour ne pas ternir leur image de marque dans leurs relations avec des sociétés évoluant dans des pays en développement mais surtout pour dégager leur responsabilité le cas échéant. Dans de nombreux cas, c’est aussi pour soutraiter les questions de trafic d’influence et de corruption à ces sociétés écrans. Cela peut dès fois être motivé par des stratégies d’optimisation fiscale. Les Etats des pays en développement devraient amener leurs partenaires étrangers à mieux « mouiller le maillot » dans le partage des risques.
Au plan financier, les sociétés étrangères qui s’investissent dans les projets en Afrique sous forme de concession notamment d’affermage trouvent toujours le moyen de faire supporter leurs déficits d’exploitation non justifiés aux Etats. Les postes les plus importants liés à la gestion de la trésorerie et de manière plus générale aux finances sont confiés à des expatriés. Elles font supporter des charges salariales hors de proportions aux gouvernements en rémunérant parfois des dirigeants étrangers sans expérience dans le métier. Comment peut-on par exemple justifier des salaires de 50 millions de FCFA (76 000 euros) et autres avantages non compris dans des pays où le SMIG mensuel ne dépasse guère les 100 euros ? Qui plus est concernant des sociétés qui n’ont même pas encore atteint leur vitesse de croisière et leur début de profitabilité. Il est même arrivé dans certains projets que les investisseurs étrangers se rémunèrent de façon absolument peu orthodoxe dès l’excédent brut d’exploitation en ne souciant même pas des perspectives de rentabilité.
Au plan administratif, cette situation juridique bancale amène souvent les gestionnaires étrangers à vouloir écarter systématiquement le personnel d’encadrement local curieux d’en savoir plus et prompt à dénoncer les irrégularités.
En ce qui concerne les méthodologies de détermination du chiffre d’affaires, elles sont plombées depuis le départ par des business plan « gonflés », au demeurant peu conformes à la réalité et qui ont tendance à surestimer les trafics en dehors de toute logique commerciale. Parfois pour justifier d’éventuels appels en comblement de déficit d’exploitation ou de passifs selon les cas.
Les contrats sont en général mal rédigés ne protègent pas les intérêts supérieurs du pays et sont rarement publiés alimentant ainsi du côté de l’opinion toute sorte de supputation. Les gouvernements africains devraient être très prudents et s’entourer des meilleurs experts pour protéger les intérêts de leurs citoyens. Il faudrait qu’ils soient présents dans le capital des sociétés d’exploitation pour avoir une vue globale sur la gestion et éviter les abus et le manque de transparence.
Il faut revoir aussi la problématique des prévisions hasardeuses et incohérentes avec comme seul objectif de doper les avantages du gestionnaire étranger ;
Les Etats devraient par ailleurs être rigoureux en obligeant les opérateurs étrangers qui viennent convoiter leurs marchés publics à s’inscrire dans des stratégies gagnant/gagnant au lieu de toujours vouloir s’imposer en évoluant de manière solitaire. L’objectif ultime doit être d’accompagner un exploitant local et de favoriser des transitions favorables aux pays d’accueil grâce au transfert de compétence et de technologie. Les sociétés de gestion gagneraient à être constituées en joint-venture avec une structure de capital équilibrée dans laquelle, les Etats aec une minorité de blocage d’au moins 33%, seraient représentés non pas par des fonctionnaires mais par des cadres privés locaux hautement compétents.
Côté management, les Gouvernements pour aucune raison que ce soit ne devraient accepter que le poste de Directeur général soit confié à la partie étrangère. Évidemment ce sera à priori difficile mais les négociations devraient même viser la possibilité d’obtenir l’intervention directe du partenaire étranger stratégique lui-même, en tant qu’actionnaire ou garant.
A court terme, il faut dénoncer les contrats, trouver des moyens de les renégocier voire de les reprofiler en trouvant d’autres investisseurs plus crédibles.
Quant aux partenaires étrangers, ils devraient être moins arrogants et jouer plus collectifs.
Magaye GAYE
Economiste international
Professeur à l’institut Supérieur de gestion de Paris

Saër DIAL

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Saër DIAL

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