Boubacar Sèye, lecture post sommet islamo-américain et périple de Trump : « L’erreur d’une volonté d’isoler l’Iran … »

Invité de la Rédaction de votre site www.lactuacho.com, Boubacar Sèye, le président de l’Organisation internationale de défense, d’orientation et d’intégration des migrants Horizon Sans Frontières, donne sa lecture différente du sommet islamo-américain et le voyage triangulaire du président américain. Au-delà d’une volonté ferme d’isoler l’Iran, il parle même d’un concept qui retarde nos pays en voie de développement : « Le Tourisme diplomatique »…Entretien…

 

L’actualité a été marquée récemment par le récent périple de Trump, Président des Etats Unis. Quelle lecture en faites-vous ?

Arabie Saoudite, Israël, Vatican,  un projet  migratoire, triangulaire  qui symbolise  les trois religions, voilà  le trajet  fixé par Donald pour sa première sortie officielle.

L’Arabie  saoudite comme première destination  peut paraitre surprenant si l’on sait que son prédécesseur Barack Obama avait la direction du Canada, pays  voisin pour sa première sortie officielle.

Pour ceux qui connaissent l’homme, fin  businessman, les enjeux de ce voyage sont économiques et pour preuve, un contrat inédit et juteux de  plus 110 milliards de dollars y a été décroché.

Le contrat donne accès aux immenses aux  ressources pétrolifères du pays contre l’assurance d’une sécurité face à ses ennemis  jurés qui sont  l’Iran, les frères  musulmans et  les djihadistes qui partagent  le même référentiel que le royaume.

Au-delà des aspects économiques, l’enjeu est diplomatique car il s’agit de reconquérir un allié de taille qui peine à trouver sa place de leader dans un Moyen Orient miné par des conflits.

Pour la seconde étape du voyage, Israël, Donal Trump très affaibli sur le plan  intérieur au sein même des Etats-Unis, cherche à se positionner comme médiateur dans le conflit entre israéliens  et palestiniens. Il est sous menace d’une éventuelle destitution avec les scandales qui se répètent depuis son accession au pouvoir.

L’étape du Vatican est guidée par un  souci d’apaisement,  car il faut rappeler  que tout oppose le souverain pontife  à l’actuel locataire de la maison  blanche.

Celui qui pense à construire des murs, et non des ponts, n’est pas chrétien» avait  critiqué   le pape lorsque Trump avait  évoqué le mur entre les Etats-Unis et le Mexique.

L’enjeu de ce voyage à Rome est très politique si  l’on sait que l’homme traverse des moments  difficiles aux Etats  et il  aura  besoin du vote des catholiques Américains au congrès.

Ce  voyage peut lui être  bénéfique vu la convergence des points de vue sur ce que le Pape Benoit VI appelait les   «  les  valeurs non négociables « : avortements , mariages homosexuels , euthanasie  .la nomination du  juge conservateur pro -vie  Neil Gorsuch a été   bien accueilli au Vatican .

Mais justement l’Arabie Saoudite est en disgrâce avec certains états membres de l’OCI, n’est-ce pas déjà une fausse note pour un pays organisateur ?

Absolument  mais il reconnaitre qu’à mon humble avis l’objectif de cette rencontre était de diaboliser et  d’écarter l’Iran. L’Arabie saoudite  voulait montrer qu’elle est capable de rassembler massivement  et isoler l’Iran  le pays ennemi. On gagne  en faisant une addition et non une soustraction. Pourtant ce pays quoi qu’on dise est incontournable dans un stable, dans un dialogue, entre les peuples et les religions. L’écarter, c’est diviser l’Islam, c’est raviver des tensions. Pourquoi son prédécesseur a-t-il préféré la Paix et tendre la main ? Trump est dans sa logique de campagne, il veut affaiblir l’islam…

Pour l’Arabie saoudite, elle est spécialiste des rencontres internationales,   une  tradition  qui remonte aux années 1920, je rappelle que la première conférence islamique a été organisée en 1926 pour  freiner les intentions de l’Egypte au califat.

Donc ces  rencontres sont des leviers politiques utilisés  par la diplomatie saoudienne pour défendre sa monarchie menacée par les djihadistes et les frères musulmans et  répandre aussi son influence à travers le wahhâbisme.

Un accord a été signé engageant les Etats-Unis, première puissance mondiale et les pays membres. Avez-vous un aperçu sur ses grands axes ?

Effectivement  un accord  commercial d’un montant de 110 milliards de dollars a été signé entre les deux pays.  Mais question qu’il faut se poser aujourd’hui est de savoir pourquoi Trump et les Etats-Unis?

Il faut dire que pour l’Arabie Saoudite,  les Etats-Unis sont le pays capable de les aider  à conserver leur monarchie, mais aussi à lutter contre  le terrorisme et ceci depuis la seconde guerre mondiale.

Le royaume a besoin de  Washington pour se protéger des djihadistes et des frères musulmans qui leurs propres ennemis dans le monde sunnite.

Mais quel poids un sommet jugé par l’Iran comme « un show sans aucune valeur politique » peut-il avoir sur le plan géostratégie et géopolitique ?

Le sommet n’aura aucune résolution applicable,  son objectif était de dédouaner l’Arabie saoudite pointée du doigt dans les conflits qui minent la sous-région. Rien que par sa dénomination : arabo –islamo –américain, il visait isoler l’Iran  et placer le royaume saoudien comme seul défenseur   ou héritier de l’arabisme et de l’islam.

Comment appréciez-vous la participation des pays comme le Sénégal ?

Je suis pour le principe que Le Sénégal de sa position géostratégique  dans le monde musulman  puisse participer aux rencontres internationales allant dans  le sens d’un dialogue sincère entre les peuples  pour une paix durable.

Mais ce qui s’est passé en Arabie Saoudite était un show, du marketing pour   des intérêts géopolitiques  du royaume.

Il fallait accueillir le Trump pour sa première sortie officielle, un pari  gagné par le vice  prince héritier Mohamed Ben Salman et  demander solennellement l’isolation de l’Iran,  une faute stratégique très grave.

Ces sommets  nécessitent beaucoup de  moyens diplomatiques, politiques et  financiers pour la mise en œuvre et l’Arabie saoudite est le pays capable d’organiser  ce genre de rencontre.

Ecarter l’Iran de la scène politique dans e moyen Orient, dans la Humma Islamique est une faute stratégique très suicidaire qui peut raviver des tensions,  le Sénégal ne devrait pas participer à ce genre de rencontre et quelles qu’en soit les retombées  financières.

Cette rencontre a été aussi présentée comme une opportunité de plaidoyer pour notre compatrioteMbayang Diop condamnée à mort dans ce pays hôte. Pourtant rien n’a filtré sur une possibilité de demande de grâce du ministre Mankeur ou même du président Macky ?

Puisque l’Arabie Saoudite a utilisé beaucoup de pays  dont le Sénégal pour réussir le pari de mobilisation, le Sénégal en fin stratège devrait profiter de cette rencontre qui  réunit plus de cinquante pays pour demander la grâce  royale en faveur de Mbayang  Diop

Cette rencontre était une grosse opportunité  pour le Président  Macky Sall de sauver la vie d’une compatriote et de faire ramener Mbayang Diop. En cette veille du Mois, Béni du Ramadan, le Roi Saoudien ne pouvait pas refuser  une telle requête devant la hummah islamique et devant Donald Trump. Et même fervent défenseur des migrants, je peux sans sourciller dire que le cas Mbayang devrait l’unique raison  et prétexte pour participer à cette rencontre. Et le président devait diligenter une délégation en marge de ce sommet pour plaider la grâce  royale.

On parle souvent d’eux comme des figurants, que pèsent réellement les pays sous-développés dans ces organisations ?

Généralement ces pays sous développes jouent le rôle de   figurants  pour remplir les salles. C’est triste, c’est désolant, mais on a même vu des présidents ou représentants  d’un état dormir lors des séances et  je le regrette vivement.

C’est comme lors des rassemblements politiques en Afrique, on paie des gens pour remplir les chaises moyennant quelques billets ou privilèges. Souvent ces genres de rencontre sont sans retombées visibles pour les populations qui les ont élus. Majoritairement les déplacements des chefs d’état africains ou des pays sous-développés ne peuvent être classés que dans la rubrique « Tourisme diplomatique ». Pourtant malheureusement les urgences les attendent toujours au retour !

Avez-vous des recommandations pour plus d’efficience de ces genres de rencontres souvent très attendues ?

Pour le cas du Sénégal,  et je le répète de par sa position géostratégique, Ses dirigeants doivent être prudents en ce contexte  géopolitique très tendu et  miné par des conflits identitaires ou  par des crises ou chacun  gère ses  intérêts  géopolitique  ou géoéconomique.

La meilleure stratégie est d’affûter ses armes bien longtemps avant ces rencontres, définir ses priorités et bien identifier ses urgences. Nous avons vu un grand homme, suivez mon regard, qui, chaque fois qu’il se déplace accorde une place très importante à ses hommes d’affaires, son secteur privé. Qui ne revient presque jamais au pays sans décrocher de gros contrats, qui est en train de tisser une toile économique sur tout un continent et même au-delà…

C’est un exemple à suivre pour l’essor de son pays, car l’intérêt général de la nation   doit primer au-delà des petro dollars distribués comme frais déplacement pour ne pas utiliser le mot wolof « Seurithie » ou cadeaux de voyage.

Michel DIEYE

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Michel DIEYE

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