Sonko, la disruption et l’art de choquer…Par Mamadou Lamine Diatta

La Chronique De MLD : Question-colle à brûle-pourpoint : De 1960 à nos jours, quel est l’homme politique sénégalais qui a osé étaler au grand jour les tares de la justice pilier et actrice vitale de notre vivre-ensemble ? Personne, hormis Ousmane Sonko ! Il est clair que les magistrats ne sont pas des Saints. Loin s’en faut.

A l’image des autres catégories socioprofessionnelles comme les inspecteurs des impôts, les journalistes, les enseignants et même les militaires, ils comptent des « brebis galeuses » en leur sein. Faudrait-il alors nettoyer au karcher cette corporation ? Nous n’en sommes pas encore là.

Gardons les pieds sur terre au risque de tomber dans un populisme de mauvais aloi.  L’air de rien, l’actuel Premier ministre du Sénégal casse les codes et aborde sans sourciller  tous les sujets jugés tabous jusque-là  au risque de choquer…pour provoquer l’électrochoc.

Une stratégie de communication dont seuls les téméraires ont le secret d’autant que dans le cas d’espèce Sonko donne l’air d’agir tel un funambule qui se débrouille gaillardement pour ne pas tomber dans le précipice.

L’image du sniper embusqué n’est également pas loin. Le goût du risque pour un Premier ministre qui donne l’impression d’être seul contre tous même s’il prend la précaution peu banale de préciser que dans ce débat clivant lié à la justice, il se prononce avec la casquette du citoyen ordinaire. J

ustement, c’est en cela qu’il est intéressant d’analyser froidement l’attitude de ce personnage qui travaille H 24 sur la base d’une approche disruptive de l’action politique en attaquant bille en tête des sanctuaires quasiment imprenables comme cette justice qu’on dit gangrénée par la corruption active ou encore cette pauvre presse traitée en paria, ces activistes et chroniqueurs impartiaux à « effacer » sans oublier ces acteurs de  l’opposition relégués au rang dégradant de résidus.

Voilà en résumé le style Sonko. « Le style, c’est l’homme » disait le philosophe français Georges Louis Leclerc De Buffon repris par le Roi Hassan II ancien souverain chérifien.

Ousmane Sonko, qualifié  de méchant loup par ses contempteurs est plutôt dépeint comme un sauveur, un messie voire un ange par ses nombreux et chauds partisans. Allez savoir !

Certains soutiennent mordicus qu’il doit se mettre sur le divan d’un psychologue au regard de ces prises de position déroutantes et iconoclastes mais nous pensons que c’est caricatural.

Surtout que Sonko est pratiquement resté lui-même. Il l’a rabâché au cours de son live nocturne du mardi 1er juillet 2025 lorsqu’il disait en filigrane  que les ors et les fastes du pouvoir ne l’ont pas changé.

Autrement dit, il est plus que jamais offensif, combatif, percutant et surtout provocateur à souhait. Un trait de caractère qui a le don de mettre ses adversaires dans tous leurs états d’autant que ces derniers analysent souvent ses propos au premier degré. Or, un provocateur qui use de l’humour à profusion n’est pas forcément un profil méchant. C’est assez subtil et la nuance est importante.

Tout de même, le problème majeur avec Sonko c’est toujours de savoir la portée et l’ampleur de ses déclarations fracassantes sur les rapports du Sénégal avec les partenaires techniques et financiers et les pays amis comme la France, les Etats-Unis, l’Arabie –Saoudite  qui nous tiennent encore en haute estime.

La douloureuse crise que le pays est en train de vivre avec le FMI, gendarme financier du monde, confirme ces inquiétudes. Il est évident qu’au regard de ses fonctions hautement stratégiques de chef du gouvernement, le patron de Pastef qui agit pratiquement en actionnaire majoritaire du « Projet » a plutôt intérêt à soigner ses relations avec l’Establishment international. Il doit s’adapter à cet environnement exigeant du pouvoir qui rappelle souvent que le diable est dans les détails. L’idée, c’est que le Jambarisme débridé a ses limites.

Désormais, les moindres propos  de Sonko peuvent faire bouger la position du Sénégal dans les marchés internationaux. C’est cela l’enjeu car jusqu’en 2029, l’avenir de ce pays pauvre hyper endetté, nouvellement admis dans le cercle restreint des producteurs de pétrole et de gaz sera intimement lié à la posture et aux décisions de ce Premier ministre qui tient actuellement  le haut du pavé.

Et puis, au cœur du pouvoir Pastef, la place de ce gourou des temps modernes est tellement proéminente qu’il semble faire de l’ombre au Président de la République. C’est du moins ce que pensent bon nombre d’observateurs qui déplorent par ricochet cette situation inédite.

Mais le dispositif semble moins informel qu’on le croit. On assiste à une certaine  division du travail entre les deux têtes de pont du pays.

Le Président Bassirou Diomaye Faye travaille visiblement à arrondir les angles par un discours lisse, policé et conformiste envoyé aux bailleurs de fonds et aux partenaires traditionnels comme la France. En atteste d’ailleurs sa récente rencontre avec le Président Macron à Séville.

D’un autre côté, Ousmane Sonko se charge des missions délicates en envoyant des salves et autres coups de canons pour encaisser d’autres coups sur fond de discours offensif et sans filtre notamment à l’endroit des multinationales mais également de tous les segments de la société.

Il s’est récemment  payé le luxe d’annoncer en exclusivité le Plan de redressement du Sénégal  conçu pour sortir le pays de la crise économique actuelle.

Qui va changer ce Sonko qui s’impose en maître du Je et du jeu ? Qui doit s’adapter ? Lui ou le grand public ? Donnons notre langue au chat…

Dieyna SENE
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