Parrainage, Crise scolaire, Situation en Casamance, Climat social : entretien sans détour avec Moustapha Bassène, Chef traditionnel casamançais

Chef traditionnel, gardien du culte, Moustapha Bassène très connu pour son engagement pour un pays stable et ouvert, a entamé depuis des mois des tournées auprès des chefs religieux et traditionnels  durant cette période préélectorale très tendue. Dans cette interview  accordé à www.lactuacho.com, à la suite d’une importante réunion au Parcelles Assainies, à Dakar, fidèle à son style de langage, il se prononce sans détour sur la situation actuelle du pays, de la Casamance leur terroir, tout en formulant des recommandations et des pistes de solutions pour un climat apaisé.

Moustapha Bassène, qu’est-ce qui motive cette tournée que  vous êtes en train de mener depuis des mois à travers le Sénégal ?

Je tiens d’entrée à remercier tous les chefs religieux, rencontrés ou contactés, pour leurs prières et engagements pour la réussite de cette mission qui n’est mue que par un but : une paix durable et une stabilité de notre Sénégal.

Notre pays traverse actuellement des moments difficiles, des tensions où on est en train de s’entredéchirer. Des gens sans scrupule, ni foi, ni loi enlèvent des enfants, des innocents pour des sacrifices. Sans compter les accidents, incendies et autres sinistres. Nous nous sommes dits « Ecoutez, il est temps que cela cesse, nous devons nous faire entendre ! »

Avec la période préélectorale, le parrainage, la crise scolaire, n’était-ce pas prévisible ? Avez-vous joué un rôle dans l’apaisement de cette tension ?

D’abord du côté politique, nous nous sommes rapprochés des responsables pour les dire que quels que soient leurs différends, ils sont et resteront toujours des frères. Ils doivent pouvoir discuter et s’entendre, mais aussi accepter que ce fauteuil tant convoité, c’est DIEU qui l’accorde à qui IL veut. Et aujourd’hui c’est sur le président Macky Sall que le choix s’est porté. En tant que croyants, les responsables de l’opposition doivent l’accepter et le laisser travailler.

Du côté du Pouvoir aussi, on doit aussi tendre la main à ces responsables de l’opposition, les écouter, prendre le côté positif de leurs doléances. C’est fort de cela que nous, chefs traditionnels et religieux, jouons notre rôle de médiateurs. Et j’insiste sur ce rôle.

Nous traversons des moments très graves et si on n’intervient pas, ce pays pourrait sombrer. C’est pourquoi nous avons compris clairement la crainte par exemple des parents d’élèves dans cette crise scolaire : une année de perdue, du retard dans le cursus des élèves, ce qui pouvait impacter des carrières.

J’ouvre une parenthèse pour saluer ce dénouement heureux, car quels que soient les appréciations diverses, je salue le rôle de la Première Dame. Une maman soucieuse du devenir de ses enfants, qui a compris que rien ne vaut la paix et la stabilité. C’est une première au Sénégal, de l’indépendance à nos jours. Car il faut oser le dire : des grandes dames comme elle, le pays en a besoin.

En tout cas, la Casamance  et nous ses fils, saluons ce geste et prions pour elle. Et je me demande même si ceux qui critiquent le rôle qu’elle a joué aiment réellement le Sénégal. Car moi, je l’aurais décorée publiquement si je pouvais…

Certains avancent des frustrations notées : à des postes de responsabilités en Casamance, il n’y a que l’ethnie Diola qui y accède. En tant que Casamançais qu’en dites-vous : Vrai ou faux ?

Je suis Diola. Mais j’avoue qu’avec l’APR, on note ce déséquilibre. Mais moi j’accuse nommément Benoit Sambou. Pourquoi ? Parce que de la liste des députés à l’ANRAC, sans compter d’autres postes, lui, le nouveau venu, n’a favorisé que ses proches, instaurant un sentiment de division que la Casamance n’a jamais connu. Entre Diola, Mandiaque, Baynouou autres, l’équilibre n’a pas été respecté. Et pourtant Benoit n’est pas Ziguinchor, mais de Bignona, et arrivé à Ziguinchor, il écarte ses fils, et leur fait même la guerre.  Quand on se rencontre, il fait semblant de m’ignorer…

C’est pourquoi je tiens à demander au Chef de l’Etat de rectifier le tir. La Casamance n’a pas besoin de ce genre de comportement. On doit retourner à nos valeurs de partage, d’équilibre.

Pourquoi faire la guerre à Doudou Kâ, Angélique Manga alors qu’ils sont plus enracinés que lui, Benoit Sambou ?

Il est clair à vous entendre, que le courant ne passe pas entre vous et Benoit Sambou. Qu’en est-il entre lui et les autres chefs religieux et traditionnels ?

C’est le même climat et je vais même vous confier une chose sur la crise de Boffa, je salue au passage l’acte posé par le Chef de l’Etat. Macky Sall a mandaté des personnalités pour aller présenter ses condoléances, avec sa participation pour aider les populations.

Mais au niveau de l’APR personne ne s’est présenté à cette rencontre. C’est grave ! C’est après qu’ils sont venus, chacun de son coté, alors que si le président s’était déplacé en personne, ils auraient tout fait pour se faire voir.

C’est assez illustratif pour monter cette division au sein du parti.

Même pour l’Agence nationale pour la relance des activités économiques et sociales de la Casamance, (Anrac), qui est créée pour le développement de la Casamance, son fonctionnement doit être revu pour impliquer tous les fils de  cette région. Tous ses directeurs sont issus de Ziguinchor. On a l’impression que les autres localités sont oubliées.

Et où en est-on avec la crise en Casamance ?

Là, il faut reconnaître les efforts que le président la République et son gouvernement sont en train de déployer. Ils ont apporté des soutiens aux populations, nous avons listé les actions et actes posés et nous les soutenons.

Depuis son arrivée au pouvoir, nous avons noté une accalmie, beaucoup de changement. Il a même aidé au départ de Yaya Jammeh qui était un élément déstabilisateur. Des ponts, des dragages, le bateau, il marque de ses actions chaque cérémonie traditionnelle dès qu’il au courant. Il faut rendre à César ce qui est à César, avec lui l’espoir est plus que permis. Nous demandons au Chefs religieux et traditionnels de prier pour lui. Si erreur il y a, elle est humaine. En tout cas il a prouvé que la Casamance lui tient à cœur et nous serons à ses côtés.

Entre parenthèses, c’est pourquoi lors d’un CRD, lorsque Abdoulaye Baldé avait commencé à s’en prendre au Chef de l’Etat, j’ai pris la parole pour le recadrer. J’ai dit à ses éléments qu’il arrête, sinon il nous aura devant lui.

Pourtant, des gens ont fait des intoxications me faisant passer pour quelqu’un qui est foncièrement contre le président Macky Sall. Dans quel but ?  Je ne sais pas !

Quelles sont autres personnalités religieuses et traditionnelles que vous avez rencontrées et qui se sont impliquées dans votre mission de médiation ?

Nous avons rencontré et nous continuons à voir des chefs religieux et traditionnels pour un Sénégal de paix, un Sénégal stable et ouvert au dialogue. Aux Sénégalais nous demandons de ne pas écouter certains politiciens qui veulent voir ce pays troublé ou en flammes.

C’est pourquoi nous tenons à remercier le religieux Cheikh Tidiane Cissé, l’imam Rattib de Cheikh al Islam, Baye Niass qui nous appuie. Et le gouvernement doit à mon humble avis lui accorder une grande attention, il est facteur de stabilité. Quand nous sommes chez lui, c’est comme si on était chez nous. Et même que le khalife général des Niassène. Car au courant de certains sujets d’actualité relatifs à la Casamance, il a pris un document qu’il a remis main-à-main au président. Nous remercions Serigne Moustapha Al Akram Mbacké pour ses gestes envers les fils de la Casamance.

Nous remercions aussi l’Association Al Poulhar « Rendo » qui avec les liens qui nous unissent, nous convie toujours à leurs journées culturelles parrainées par leDG de la Lonase…Rencontre durant laquelle ils insistent souvent sur la Paix en Casamance. Donc un grand Merci à Oumar Daff et Néné Daff l’inspectrice régionale du tourisme à Thiès, mais surtout mes félicitations et remerciements à Gana Ngom pour son travail sublime et son soutien constant, sans oublier, le ministre Alioune Sarr qui a posé des actes incontestés dans le développement de la Casamance.

Notre dernier appel est à l’endroit du Président Macky Sall, nous lui demandons de se rapprocher, mais surtout de se concerter avec les populations casamançaises, pour ne pas se focaliser seulement sur ce que ces fils de la Casamance qui sont plus dakarois qu’autres choses lui disent.

Car la crise ne se réglera pas par les armes.

Momar Diack SECK
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