Amnistie De Karim Et De Khalifa :Vers un « mackyllage » des crimes économiques ?

L’annonce faite par le Président de la république lors du premier conseil des ministres du gouvernement d’Amadou Bâ pour amnistier Khalifa Sall et Karim Wade est un piège tendu à l’opposition. Au lieu de changer quelques dispositifs du code électoral, le chef de l’Etat préfère une loi d’amnistie. L’amnistie visant des faits et non des personnes serait-il un prétexte pour le président de blanchir les crimes économiques qui pourraient être commis sous son règne par son entourage en mêlant Khalifa Sall et Karim pour narguer l’opinion?

Une loi d’amnistie ne vise pas des personnes, elle vise plutôt des faits a expliqué Me Doudou Ndoye au micro de nos confrères de la télévision 7tv. Donc voter une pareille loi permettra forcément à toutes les personnes ayant commis des détournements de deniers publics et des crimes économiques, d’éviter de subir des poursuites judiciaires et de rendre compte sur la gestion des biens communs. Ceci ne serait-il pas un complot ourdi sur le dos du peuple entre des politiciens roublards qui pillent sans gêne les ressources laissant en rade une écrasante majorité de la population dans la misère.

Les non-dits d’une proposition

Le régime de Macky Sall depuis quelques années est sur la sellette et les ténors perdent de plus en plus leur influence comme en attestent les résultats des élections locales puis les législatives. Dans beaucoup de grandes villes et capitales départementales, la coalition présidentielle a été mise en déroute entraînant une situation politique jamais vécue dans l’histoire politique du Sénégal.

L’opposition qui avait promis de voter des lois modifiant le code électoral en ses articles L29 et L30 pour permettre à Khalifa Sall et Karim Wade de participer à l’élection présidentielle de 2024, avait bien les cartes en main.

«Macky Sall sait mieux que quiconque qu’il ne dispose plus, depuis les législatives, des leviers politiques faisant de lui le maître du jeu politique. L’initiative de la loi est aussi bien d’origine présidentielle que parlementaire. Avec la rébellion d’Aminata Touré, la majorité présidentielle est devenue minoritaire à l’Assemblée nationale. Et le risque d’éventuels frustrations et départs à l’horizon 2024 avec une forte probabilité de confirmation de la dynamique électorale de l’opposition à la présidentielle est très élevé » a déclaré Adama Sadio Ado, membre de l’opposition.

Une opposition maîtresse du jeu ?

Avec la composition de l’Assemblée nationale dont 82 députés pour l’opposition et 82 pour le pouvoir avec un député récalcitrant de la majorité, l’opposition a désormais toutes les cartes en main pour modifier la loi électorale par voie référendaire. Il s’agit notamment des articles L29, L30 du code électoral. Dans l’un des 15 points proposés par l’inter-coalition Yewwi- Wallu, l’opposition avait déjà prévu une proposition de loi visant à faire recouvrir Karim Wade et Khalifa Sall de leurs droits civils et politiques.

En votant des lois de modification du code électoral sur trois articles, grâce à la voie référendaire, les opposants ont le pouvoir de réhabiliter les deux opposants dans leur droit. Et si tel est le cas, l’opposition va gagner plus de sympathie auprès de l’opinion puisque la manière dont s’est déroulée le pro-cès fait que l’Etat est condamné par les juridictions internationales.

C’est pourquoi, sachant que l’opposition ne lui fera aucun cadeau avec la création de commissions d’enquête parlementaire malgré ses deux sor-ties menaçantes, le président Macky Sall veut éviter ce qui serait une humiliation parlementaire avec cette initiative. Faisant d’une pierre deux coups, le chef de l’Etat propose une loi d’amnistie qui pourrait profiter à ses proches dont un certain nombre est accusé de traîner des casseroles avec une impunité totale.

Donc les dossiers d’enquêtes financières que le président a ran-gés tranquillement dans les tiroirs ne serviront plus à rien et l’argent du contribuable va s’évaporer léga-lement entre des mains de politi-ciens qui orchestrent des combines sur le dos du peuple.

Macky pris au piège dans son jeu ou tentative de diviser l’opposition

Le président Macky Sall semble avoir la phobie de l’adversité. Depuis son arrivée au pouvoir en 2012, son régime s’est illustré par la casse des opposants. Malheureusement depuis mars 2021, de jour en jour il perd le contrôle du pouvoir et sa capacité d’imposer les règles du jeu.

Au lendemain de la chute du régime de Abdoulaye Wade, la réédition des comptes des ténors libéraux qui s’illustraient par leur arrogance et dans l’opulence alors qu’une grande partie de la population vivait dans la pauvreté était une demande sociale exi-gée par les sénégalais. Pour satisfaire ses exigences, le président Macky Sall a profité de cette occasion pour solder ses comptes avec ses anciens camarades de parti. A l’image de Abdou Diouf qui avait créé la cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) pour museler les ténors socialistes qui étaient contre le fait que Senghor lui avait remis le pouvoir, Macky a dépoussiéré la CREI afin de pourchasser les cadres libéraux et leur arracher leurs butins grâce au renversement de la charge de la preuve.

Mieux, l’actuel chef de l’Etat en a profité pour ajouter une disposition particulière dans le code électoral afin de priver de leurs droits civiques toutes les personnes qui seraient condamnées pour des détournements de deniers publics.

Au fil du temps, la population qui réclamait la réédition des comptes, a fini par comprendre que le chef de l’Etat a profité de cette demande pour faire un règlement politique et casser ses adversaires. Et la goutte d’eau de trop qui a fini par convain-cre les sénégalais du projet politique «funeste » de l’Etat par le musèlement des adversaires politiques en usant de la glaive de la justice, est le dossier de Khalifa Sall. En un temps record le maire de Dakar a été arrêté puis jugé et ses droits de recours épuisés avant la présidentielle de 2019.

Pourtant les droits élémentaires de Khalifa Sall ont été violés. Il s’agit de l’article 5 du règlement de l’UEMOA qui exige la présence d’un avocat dès les premières heures de la garde à vue et lors de l’enquête à moins que le prévenu décline ce droit. Ensuite, il y a eu la violation de son immunité parlementaire en tant qu’élu.

Dans les deux procédures judiciaires de Karim Wade et de Khalifa Sall, l’Etat du Sénégal a été condamné par toutes les juridictions internationales pour violation des droits des prévenus, malheureusement le régime de Macky Sall dont le projet était d’éliminer les adversaires politiques, n’avait pas appliqué ces décisions.

Et cette stratégie a pris fin avec l’arrestation d’Ousmane Sonko pour une accusation de viol sur une masseuse. Aujourd’hui, la dispersion des forces et la redistribution des cartes, pourrait donner au régime de Macky Sall un temps de répit ou une bouffée d’oxygène.

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Oumou Khaïry NDIAYE
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