Tensions : Les «Femmes de Ngor» dictent leurs conditions sans lesquelles point de retour définitif de la paix dans le village

La situation reste floue à Ngor. Des jeunes sont aujourd’hui, encore détenus dans les prisons pendant que d’autres séjournent dans les hôpitaux après les manifestations du 9 mai dernier engagées par les villageois contre les forces de l’ordre.

Plus d’une semaine après les violences notées dans ce village lébou, les femmes de Ngor ont tenu un point de presse pour faire la situation après les événements. Ce fut l’occasion pour elles de poser les conditions favorables à un retour définitif de la paix dans la commune.

Adja Ya Katy Wade a ouvert le débat lors de la rencontre organisée par les femmes de ce village à la place publique de ladite localité. «Nous, les mamans et les grands-mères, sommes pour la paix. Pour cela, il y a des préalables après les événements qui se sont passés ici», a-t-elle relevé au cours de cette rencontre qui a enregistré la présence de quelques élèves venus représenter leurs camarades pour rendre hommage à Adji Diallo, décédée lors des manifestations.

«Nous voici réunis, dans la tristesse, suite à la perte de notre camarade Adji Fatma Diallo. Tu as été arrachée à l’affection de tes parents, amis, camarades. Tu es partie très tôt, avant nous. Tous sont ici, pour s’indigner de la façon dont tu nous as été arrachée. Adji manquera a jamais à son examen. Justice pour ta mémoire», ont dit les camarades de la défunte dans un message lu, devant l’assemblée, par Moussa Niane Samb, président du gouvernement scolaire.

La dépouille d’Adji remise à son proche et inhumée hier jeudi

Les propos des camarades de la défunte Adji, ont plongé les participantes à cette rencontre, dans un profond émoi à telle enseigne qu’elles n’ont pas pu retenir leurs larmes.

Khady Samba, la directrice de la formation au ministère de la Microfinance et de l’Economie solidaire, a fait office de porte-parole du jour. Habitante du village de Ngor, elle a livré leurs attentes et réclamations pour mettre fin aux hostilités. «A nos jeunes, pour leur engagement, leur détermination, pour avoir aspiré à de meilleures conditions de vie et d’existence, nous leur demandons de se ressaisir.

Depuis un mois, Ngor est le théâtre de violents affrontements entre la population et la gendarmerie, pour s’être opposée à l’occupation du terrain ‘Arrêt Mame Tamsir’ par la gendarmerie». Le mérite des jeunes évoqué, elle a fustigé le traitement réservé aux jeunes lors de ces manifestations.

«Nos enfants ont été molestés et blessés. Ils ont été arrêtés. Nos maisons saccagées. Et comble de tout, notre fille Adja Fatma Diallo, élève en classe de CEM2 a été tuée. Une pauvre innocente qui rêvait, certainement, comme tous ses camarades de classe, de voir le lycée de Ngor construit sur ce terrain pour y poursuivre leurs études. Nous, femmes de Ngor, nous ne pouvons oublier ce mardi 9 mai 2023 où la violence a connu son paroxysme».

«La cohabitation risque d’être difficile au regard de tout ce qui s’est passé dernièrement»

D’ailleurs, le corps de la victime a été remis à la famille éplorée, informe Mme Samba. «Nous, vous informez que l’inhumation de notre fille est prévue jeudi (ndlr : hier). Nous sommes en train de panser nos blessures et d’assister nos détenus pour leur libération. Nous, femmes, grand-mères, épouses, mères, sœurs et filles, nous ne disons plus jamais ça ! Car, ce sont nos enfants qui s’affrontent, les jeunes du village comme les gendarmes, ce sont tous nos enfants. Nous voulons que la paix et la stabilité reviennent et perdurent dans notre commune, mais aussi partout à travers le Sénégal. Ngor a toujours été un havre de paix et de sécurité. Nous en voulons pour preuve toutes ces autorités et institutions internationales installées dans notre commune, ainsi que tout ce monde fou qui inonde nos plages pendant l’été», indique la porte-parole.

«Nous, femmes de Ngor, nous ne pouvons oublier ce mardi 9 mai 2023 où la violence a connu son paroxysme»

Le semblant de blocus dont leur village a été l’objet, Mme Samba et les autres femmes de Ngor, l’ont dénoncé : «Depuis un mois, nous vivons dans le stress, l’inquiétude et l’angoisse de voir nos enfants ne pas aller à l’école, de ne pas pouvoir amener nos malades à l’hôpital, ne pas aller au marché pour nourrir nos familles parce qu’assiégés». Pis, poursuit-elles, «parents et grands-parents ne peuvent plus faire leur marche quotidienne, au risque d’être asphyxiés par des gaz lacrymogènes».

En définitive et pour un retour à la paix dans le village, elles ont posé une série de conditions, à Macky Sall.

«Monsieur le président, vous nous avez demandé de calmer nos enfants. Ce que nous avons toujours fait. Car, c’est dans la sérénité que jaillissent les solutions quel que soit l’ampleur du problème. Mais, pour que la paix perdure, nous réclamons la libération de nos détenus, le retrait de la gendarmerie sur le site. Car, la cohabitation risque d’être difficile au regard de tout ce qui s’est passé dernièrement. Nous demandons que ce parking soit entièrement dédié à la construction du lycée de Ngor, à la mémoire de notre défunte fille Adja Fatma Diallo. Nous demandons aussi une prise en charge intégrale des blessés ainsi que la remise à l’état des maisons saccagées tel que ça était promis par le président de la République».

Au chef de l’Etat, Mme Khady Samba et les autres ngoroises ont signifié qu’elles restaient «attentives à la matérialisation des directives données lors de l’audience accordée à la délégation de Ngor. Nous ne voulons plus voir nos enfants s’entretuer. Nous voulons pouvoir vaquer librement à nos occupations et ne pas être malmenés. Nous réclamons paix et sécurité dans notre commune»

Vox Pop

Mamadou Nancy Fall
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