Reprenons en quelques mots les bases épistémologiques du dialogue politique pour la gouverne de tous. Par Dr. Pascal Oudiane Sociologue

Institutionnaliser le dialogue sociopolitique et l’inscrire dans le planning de gouvernance de la république au même titre que les élections municipale, législative et présidentielle.

Des morts, des blessés, de la profanation de lieux de culte, des lacrymogènes, des pierres, des armes blanches, des menaces de partisans en situation d’adversité, de la fuite de responsabilités des instances autorisées, des dénégations formelles avec réplique sur image ou audio, des incitations à la mobilisation parfois objectives mais aussi subjectivement portées par un intérêt politique, des arrestations de manifestants arbitraires ou justifiés, des interdictions de manifestations même en campagne électorale… Mais que violence et violence préélectorale et post électoral a connu le Sénégal depuis 2012, en passant par février 2021 et à venir pour ce qui reste de 2024 et de toute autre élection à tenir au Sénégal.

Reprenons en quelques mots les bases épistémologiques du dialogue politique pour la gouverne de tous.

La création de la mouvance majoritaire et celle minoritaire: Une dualité post-électorale

La fixation sur l’intérêt personnel au détriment de l’intérêt général sur l’espace public est condamnée. Elle est conçue comme un frein à l’expression nationale.

Il est de nos habitudes de voter pour un candidat parce qu’il nous plait bien, qu’il s’exprime bien, qu’il est beau dans son costume, qu’il partage avec nous des liens socio-ethniques, ou socio-géographiques, ou bien encore parce qu’il fait des promesses allant dans le sens de nos activités professionnelles sans prendre le temps de faire le tour de son programme pour en mesurer les impacts pour l’intérêt général. Procéder ainsi c’est provoquer et poser un vote affectif.

Car après avoir catégorisé les voix des votants il n’est agrégé que les choix qui se ressemblent. Il est clair que l’élection cherche un accord collectif et non un désaccord. Il faut par conséquent que tous les projets privés puissent s’entendre afin de représenter le collectif. En effet c’est à partir de ce regroupement des volontés similaires finalement réalisé que la tendance dominatrice est mise en avant.

Où se situe l’intérêt de la volonté générale.  Est-ce que  la majorité  est toujours supposée la porter dans sa légitimité constitutive ? Combien d’élus de la république sont élus sur cette base dite majoritaire  et que leur bilan demeure jusqu’ici catastrophique au grand damne de leur peuple.  S’agit-il d’une erreur qui se répète. Des gens comme Hitler sont arrivé au pouvoir  et ils ne sont pas tombés du ciel. La voie électorale les a installés aux commandes de leur peuple. La volonté générale a toujours la légitimité sociale. Ceci en théorie est juste. Mais elle est impossible à réaliser dans les faits. La volonté générale n’existerait pas. La tentative de la réaliser bute et se limite toujours à la définition de deux tendances. Une majoritaire et une autre minoritaire. Voilà la structure de la volonté générale.

 

 

La dualité post-électorale : le vote l’a créé et l’idéologie de gouvernance l’entretient.

Les tendances (minoritaire et majoritaire) sont supportées et accentuées par les divergences idéologiques de gouvernance, lesquelles sont peu coercitives chez nous. La culture de gouvernance fait peu d’impact dans l’expression des votants. Quant au vote affectif axé sur la personne ou le parti impacte véritablement mieux. Le vote conçoit la majorité et la minorité. L’idéologie de gouvernance qui aurait pu être au départ de la conception joue un rôle très faible dans la polarisation dyadiquedes mouvances socio-politiques. La majorité et l’opposition doivent être fondée sur des positions d’utilité nationale c’est à dire que chacune devra intégrer l’entendement de son locuteur et adversaire.

Convergence entre majorité et minorité

Au-delà des divergences, il y a toujours un point de convergence entre la tendance majoritaire et celle minoritaire.

Ce qui par contre est commun à tout ce qui fait le consensus c’est la conscience de la normalité et sa coercition socio politique. C’est cette normalité qui est supposée incarner la source du bien pour tous.

L’enjeu de la valorisation de la normalité doit être la motivation à la protection des minorités. Mieux cette protection va vers leur dédommagement à propos de la non considération  de leurs aspirations et besoins par la volonté majoritaire érigée en volonté générale.

Au terme du procès électoral, la majorité gagnante gouverne mais la minorité perdante pour ne pas compromettre son droit social doit être dédommagée par son association à la gouvernance majoritaire. A ce niveau, la codification est inévitable, il faut que les deux parties s’entendent sur des règles de base pour parfaire leur collaboration.

Par exemple, la majorité choisi dans l’intérêt national quelques points dans la plateforme ou programme de la minorité ou des minorités – apprécié et approuvé par un comité de sages – pour les intégrer dans son projet et gouverner avec l’ensemble minoritaire. C’est la base de la convention.

La valeur du dialogue politique se trouve dans le sens que l’on donne au dédommagement de la minorité politique.

La fraction par voie électorale de l’ensemble des aspirations nationales en un pôle majoritaire et de petits pôles minoritaires impose le dialogue social pour regrouper, systématiser et mutualiser les différents ressentis en désaccord. De ce point de vue, la partie majoritaire sera chargée de satisfaire autant les aspirations qu’elle porte que celles des parties minoritaires. Elle devra gouverner impérativement avec les tendances minoritaires. De cette manière l’ensemble citoyen ne sera lésé. Le dialogue est nécessaire dans toutes les démocraties en construction. La démocratie étant un idéal le dialogue devrait par conséquent être permanent pour n’importe quel pays.

Le dialogue socio-politique doit être une instance institutionnalisée dans le planning de gouvernance de la république au même titre que les élections municipales, législatives et présidentielles

Souvent on invite au dialogue à l’approche des joutes électorales surtout quand l’opposition gagne en popularité.  Le dialogue post électoral est rare chez nous. On trouve tous les arguments pour ne pas s’y plier surtout quand on est du pouvoir ou qu’on vient de remporter les élections.

Le dialogue politique doit être une opportunité de convergence de tous les acteurs politiques du  pays sans exclusion. C’est le lieu de discussion de tous les désaccords qui existent. Le camp de l’opposition, pour sa part, ne devra pas écarter d’entrer en dialogue avec les politiques de la majorité qui siègent au pouvoir.

Le dialogue est un dieu à côté du dieu de la paix et du dieu de la guerre. Il a une fonction constructive. Il ne peut mener autre part ailleurs qu’à la guerre ou à la paix. Il représente une condition à la paix ou à la guerre. Nul ne peut faire la guerre sans au préalable avoir dialogué. La guerre elle se prépare. Nul ne peut aussi entrer dans une paix durable sans être au préalable passé par le dialogue. La paix elle se prépare. Le dialogue est un dieu social car il fait société. Les perdants seront les absents et les présents seront les gagnants. Du haut de notre jeune expérience, la politique de la chaise vide est un pot de miel que l’on offrirait à l’adversaire. Dans le registre de la stratégie c’est de l’incompétence. La nature ayant horreur du vide, rappelons encore une fois que ceux qui se mettent à la table du dialogue ne sont pas forcément des amis.

L’affrontement politique ne survient rationnellement qu’à la suite d’un échec de dialogue. Que dire de ceux qui n’ont jamais eu l’opportunité de dialoguer au moins une fois ? Et encore ledit affrontement précité devra circonscrire les effets et dommages collatéraux et mettant en affrontement direct l’oligarchie afin d’épargner les partisans et le peuple qui peuvent en arriver à un affrontement civil en pleine rue.

 

La société civile ayant pris position pour le régime en place ou pour l’opposition devrait être disqualifiée d’avance. S’enfermer dans une approche binaire témoigne de leurs limites face à la complexité de l’environnement politique. Attention, nous sommes dans une complexité systémique. Les acteurs politiques doivent également faire des efforts dans les propositions et programmes. Le niveau est bien bas. Dans ce pays qui est le nôtre, on ne réfléchit plus, on se défend. Ceci est bien regrettable.

 

 

Dr. Pascal Oudiane

Sociologue

Gouvernance Sans Parti ( GSP).

Association civile pour le développement – Sénégal ca kanam

Dieyna SENE
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