Le Sénégal a peur…( Par Alassane Thiam)

Cette chronique ne donne pas le sourire, elle alerte sur notre incapacité à accepter l’altérité, la discussion, le débat apaisé et contradictoire.

Le monde est devenu de plus en plus violent et les derniers événements mondiaux sont là pour nous rappeler que la démocratie est fragile et qu’elle mérite d’être chérie et protégée pour éviter la catastrophe qui nous guette.

Certains me diront que le monde n’a jamais été aussi calme; qu’il n’y a plus de traite négrière et de guerres telles que 14 – 18 et de 39 – 45, qui ont fait des millions de morts et de déportés. Néanmoins, l’Europe, vieux continent et référence en matière de démocratie, commence à retrouver ses vieux démons.

Les populistes réveillent le sentiment nationaliste et jouent avec un danger qui peut aboutir à des violences à l’égard des minorités culturelles et de personnes qui s’opposent à leur conception de la démocratie.

L’exemple de la Hongrie et la Pologne (ex bloc de l’Est), en est une illustration.

Les réseaux sociaux non contrôlables sont devenus les lieux de défoulement et de désinformation. La situation actuelle montre que certains individus déversent leur haine sur les hommes politiques ou acteurs de la société civile. Le slogan peut devenir :

«Je ne suis pas d’accord avec toi, je te frappe». Emmanuel Macron a reçu une gifle d’un militant d’extrême droite parce qu’il ne le supportait pas…

Au Sénégal, la situation est devenue dangereuse car, ces dernières années, les insultes et la violence ont atteint leur paroxysme.

Un élu de la République, à Ranérou, dans la région de Matam, a demandé aux citoyens d’attaquer avec des machettes, toute personne qui s’opposerait au troisième mandat de Macky Sall. Il n’est pas inquiété et cela semble normal. Des pseudo représentants des lébou (groupe ethnique sénégalais) indiquent que le futur maire de Dakar doit être issu de leur communauté au prétexte qu’ils sont les premiers habitants de la capitale sénégalaise, sinon,… la suite n’est pas encore écrite.

Le summum a été une bagarre qui a opposé deux députés au sein de l’Assemblée nationale. «Il m’a provoqué, je l’ai corrigé». C’est une phrase d’Ousmane Sonko qui aspire à occuper le poste de Président de la République. Ça promet. Un ministre de la justice qui dit n’avoir peur de personne, sous -entendu qu’il serait prêt à se battre. Nous sommes dans une cour de récréation sans directeur d’école. Notre député de Ranérou est devenu tout puissant car il n’a reçu, à notre connaissance, aucune convocation de la justice pour incitation à la violence, voire au meurtre.

Le règlement intérieur de l’Assemblée n’est pas appliqué et nos deux lutteurs ont trouvé un terrain de jeu en présence du public. Notre ministre de la justice n’a pas pu se maitriser et bombe le torse.

Je crains très fort que nos représentants nous montrent l’exemple à faire et nous punissent par la suite, parce que nous ne sommes pas puissants comme eux.

Le  Sénégal a peur car, la violence est banalisée et devient le seul rapport de force entre les personnes qui nous représentent. Je crains fort que la brutalité devienne la règle et les débats contradictoires parfois houleux, et nécessaires, une rareté.

Les insultes, les menaces et les coups sont souvent les armes des faibles et des personnes dépourvues d’idées, de projets, de savoir-être et de savoir-faire. Ces actes aboutissent souvent au drame et à l’irréparable.

Il appartient aux élus de tout bord de se ressaisir et à l’Exécutif de siffler la fin de la récréation. Cette chronique ne fait pas sourire, mais ayons seulement un rictus car la situation est grave, espérons pas désespérée.

Le philosophe Bergson disait : «Le rire est le propre de l’homme, il est correctif, c’est une des institutions qui permettent aux gens de faire société.»

Mais pour combien de temps encore ?

Par Alassane Thiam

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