Elections législatives, la Gambie tient son premier scrutin après le départ de Yaya Jammeh

La Gambie organise ses premières élections législatives depuis l’arrivée d’Adama Barrow et le départ du pouvoir de Yahya Jammeh, qui a dirigé le pays d’une main de fer pendant 22 ans. Près de 886 000 électeurs sont appelés aux urnes pour choisir leurs députés pour un mandat de cinq ans.

Les électeurs votent avec des billes dans 53 circonscriptions. Au total, 239 candidats issus de neuf partis politiques et de listes indépendantes briguent ce scrutin.

Principal enjeu de cette élection : le renouvellement de l’Assemblée nationale. Le Parlement se compose de 53 députés, dont cinq nommés par le président. L’Assemblée sortante compte une large majorité de députés proches de Yahya Jammeh, car l’opposition avait boycotté le dernier scrutin de 2012.

Les enjeux d’une élections

Le parti de l’ancien président, l’Alliance patriotique pour la réorientation et la construction (APCR), présente plusieurs candidats dans 29 circonscriptions. Aujourd’hui, avec la fuite du dictateur et la révélation des crimes commis sous l’ancien régime, il sera très difficile pour le parti de conserver ses députés. Certains d’entre eux se présentent d’ailleurs sous l’étiquette d’indépendants.

Mais le parti de Jammeh garde un brin d’optimisme. Il a quand même des chances de remporter des sièges Foni, la région natale de l’ancien président. D’autant qu’en face de lui, la coalition de l’opposition est divisée. Les sept partis qui la constituent n’ont pas réussi à se mettre d’accord et ils présentent plusieurs listes.

« Cela ne va pas rendre les choses faciles d’autant qu’il y a deux autres forces avec lesquelles il va falloir compter : le parti qui a soutenu Jammeh donc et le parti GDC [Congrès démocratique de Gambie] Mama Kandeh qui ne fait pas partie de la coalition, qui présente également des candidats dans toutes les circonscriptions du pays. Donc ce sera assez complexe comme géopolitique et il est difficile de prévoir la configuration de l’Assemblée qui va en sortir », analyse Ebrima Sall, chercheur au Codesria (Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique).

Au-delà des tractations purement politiques, il y a une forte attente autour de ce scrutin. Car jusque-là, le Parlement n’était qu’une chambre d’enregistrement des lois décidées par le pouvoir exécutif, sous Yahya Jammeh. Mais aujourd’hui, portés par l’idée de construire une « nouvelle Gambie », bon nombre d’électeurs espèrent que cette élection permettra d’avoir d’une Assemblée qui ne soit pas « subordonnée à l’exécutif », selon les mots d’Alagie Drameh, un jeune de la société civile.

« La nouvelle Assemblée devra aussi mettre fin à l’ensemble des lois liberticides prises par Yahya Jammeh », indique un observateur de la vie politique.

Des électeurs enthousiastes

C’est la première fois de sa vie qu’Abbou Karim va voter pour des élections législatives, car jusqu’à présent, il n’en voyait pas l’intérêt. « Cette élection est différente des précédentes. Durant le régime de Jammeh, ça ne servait à rien de voter ! Mais maintenant les gens sont entendus et le monde leur appartient », se réjouit-il.

Momodou, lui, sait que beaucoup des promesses du gouvernement dépendent du résultat de ces élections. « Cette élection législative est très importante. Pourquoi ? Parce que ce sont les députés qui élaborent les lois. Et on a besoin de bonnes lois dans le pays. Ce sont eux qui décident de ce qu’on fait de nos ressources naturelles, du budget, de tout. Donc c’est presque plus important que les élections présidentielles ! » Souligne-t-il.

Depuis les dernières élections législatives, l’APRC, le parti de Yahya Jammeh, détenait tous les sièges de l’Assemblée, à l’exception de cinq. Alors à Banjul, on espère que le scrutin va apporter un peu plus de diversité. « J’espère et je pense que ce sera plus mixte, qu’il y aura différents groupes et que ce ne sera pas complètement dominé par un seul parti. Et ils seront capables de faire de bonnes lois », espère cette Gambienne.

Modou, jeune conducteur de taxi, souhaite aussi que ces premières élections libres permettent à de nouveaux candidats de se lancer. « Les candidats que j’observe, ce sont de jeunes hommes et de jeunes femmes, c’est totalement différent. Pendant la IIe République, les députés étaient trop vieux, parfois non éduqués, mais cette fois les candidats sont bien éduqués. Et ils peuvent amener du changement », estime-t-il.

Source RFI

Pape Ismaïla CAMARA
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