83 personnalités signent une tribune : Elles dénoncent le recul démocratique et interpellent les politiques

« La trahison de la démocratie ou chronique d’un désordre organisé ». C’est l’intitulé du manifeste rendu public hier par 83 personnalités issues de divers secteurs d’activité. Professeurs de diverses disciplines issus d’universités aussi bien du Sénégal que de l’étranger, avocats, économistes et anciens ministres, ces intellectuels connus et reconnus ont clairement exprimé, dans une tribune rendue publique hier, leurs inquiétudes sur les manœuvres attentatoires à l’Etat de droit et interpellent la classe politique ainsi que les forces vives du pays. Le Vrai Journal

 

« La campagne électorale pour les élections législatives se déroule pour l’heure sans trop de heurts. Avons-nous pour autant définitivement éloigné le péril sur la paix civile, dernièrement redouté, avec les événements qui ont plongé le Sénégal dans la peur du chaos ? A notre sens, le péril subsistera tant qu’exhalera le souffle pernicieux qui entretient le brasier : la répétition de la trahison de la démocratie une fois qu’elle a ouvert les portes du Palais », commencent par déplorer les 83 personnalités signataires de ce manifeste.

Certes, écrivent-ils, « l’idée de réduire la démocratie, et subséquemment la citoyenneté, à ses exclusifs moments électoraux est un désastre. Néanmoins, la compétition électorale est un rouage important de la démocratie et les personnels en charge des institutions de la République portent une responsabilité première dans sa défense contre les pulsions autocrates.

La trahison de cette responsabilité ne peut avoir pour effet que d’engendrer, en dépit de l’intensité des répressions, une résistance qui se paie au prix fort ». A les en croire, « voilà pourquoi des interdictions d’exercice de droits constitutionnels ont été récemment contestées au prix du sang. Voilà pourquoi des partis-pris si incroyablement inélégants et préjudiciables de la part de la Justice, de l’Administration centrale et de ses démembrements, ont fini d’échapper au seul Souverain qu’est le peuple et de le plonger dans l’émoi ».

Inégalité de traitement des coalitions politiques et 3ème mandat

EEt pour cause, ajoutent les professeurs Fatou Sow Sarr, sociologue, Buuba Diop, Enseignant Chercheur d’histoire et de langues classiques, Mansour Dramé, Enseignant-chercheur, Université de Paris IV Sorbonne (France), Aziz Salmone Fall, Politologue, Moussa Diaw, Enseignant-chercheur en Sciences Politiques ou encore, Moulaye Touré, Contrôleur des Finances publiques en France, Amadou Tidiane Wone, Ancien ministre, Thiamba Guéye, Avocat au barreau des Hauts de Seine, entre autres, «à l’absence de séparation des pouvoirs et à l’absence de neutralité de la Justice et de l’Administration sempiternellement dénoncées, sont venues s’ajouter des entorses inédites et surréalistes liées à l’égalité de traitement des coalitions politiques dans le cadre d’une même compétition électorale ».

Et les signataires de se demander si «les regards, ici, peuvent manquer de se diriger vers le Président de la République ?». A ce propos, soulignent-ils, « en tant que clef de voûte des institutions, n’est-ce pas à lui qu’il appartient de veiller au respect de la Constitution, à la séparation des pouvoirs, au respect de l’État de droit et des libertés fondamentales, au respect de l’égalité stricte des citoyens devant la loi ? ».

C’est pourquoi, relèvent-ils, ils ne peuvent «pas comprendre l’honneur, ou plutôt le déshonneur, que son camp a mis à défendre avec hargne l’indéfendable (une joute supposée démocratique avec la présence de ‘’demi-listes’’), ou encore les voix qui s’élèvent pour baliser la quête d’un ‘’troisième mandat’’, et qu’au même moment, le laxisme soit la caractéristique première des positionnements de ce même camp sur les flagrants délits d’enrichissement illicite, sur la prédation foncière, sur le bradage des ressources naturelles, sur les régimes de privilèges accordés à des ‘’citoyens (pas) comme les autres’’, ainsi qu’à de hauts fonctionnaires d’un État qui, jusqu’ici, a peu mérité les sacrifices quotidiens de millions de Sénégalais des campagnes, des villes et de la diaspora.»

Pour une compétition des idées

Poursuivant, les signataires de ce manifeste, arguant qu’«à présent que le sort en est jeté et que l’on est dans la dernière ligne droite d’une campagne électorale décisive pour l’avenir de notre pays », s’interrogent : « est-ce trop demander, à la classe politique, de faire de cette compétition, une joute des idées ? ».

Donnant quelques exemples, ils soulignent qu’au vu « des brûlantes obligations sécuritaires auxquelles font face les pays de la sous-région, des propositions concrètes sont attendues d’elle (la classe politique) sur les moyens de conservation de la paix, de la sécurité et de la stabilité de notre pays ».

Sur la même lancée, ils rappellent également qu’«au vu de l’inflation galopante et des pénuries qui menacent tous les pays du fait de la guerre en Europe, il serait souhaitable de l’entendre sur la manière de régler les urgences sociales et économiques qui paupérisent nos populations et portent atteinte gravement à leur dignité ». Non sans indiquer que « face au péril de l’émigration clandestine, par la mer et le désert, qui constitue le lot d’une jeunesse désespérée, il serait opportun d’apprendre comment elle entend lui restituer les raisons d’espérer un emploi, en fonction exclusivement de ses compétences, mais aussi les raisons de croire de nouveau au mérite et à la récompense de l’effort consenti ».

Faire face à la manipulation politicienne

Poursuivant, ces 83 personnalités issues de divers secteurs d’activité, défendent soutiennent que «face aux stratégies de reprise en main, par l’ex-puissance coloniale, de ce qu’elle considère être son pré carré, nous aimerions être édifiés sur la manière dont tous les acteurs comptent s’engager à la tâche de re-conquête de la souveraineté pleine et entière de notre pays ».

Au demeurant, insistent-ils, « parce que le collectif de signataires de cette tribune entend, en toute humilité, jouer son rôle d’intellectuel en ‘’se mêlant’’ de ce qui ne va pas dans le corps social et politique, nous voudrions, pendant que cette campagne électorale bat son plein, mettre en garde tous les citoyens sénégalais contre l’instrumentalisation des appartenances ». Sans détours, ces personnalités de tous bords interpelle les autorités religieuses et coutumières pour les inviter au refus de la manipulation politicienne.

« Nous voudrions inviter les forces de défense et de sécurité au respect consciencieux de la dignité et de l’intégrité des citoyens sénégalais et, particulièrement, au bannissement des traitements inhumains ou cruels des détenus », ont-ils clamé. Terminant, les signataires de ce manifeste convient « l’ensemble des forces vives de la Nation à s’engager urgemment dans la tâche de refondation de la démocratie et de l’État de droit. La rupture, dans la manière de gouverner notre cher Sénégal, est plus que jamais d’une brûlante urgence !»

Pape Ismaïla CAMARA
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