Reportage équilibré pour des élections paisibles : le Resao et la Giz renforcent des journalistes ouest-africains sur les enjeux

Pour la tenue des élections fiables, transparentes et crédibles dans l’espace Cedeao, le Réseau des structures de gestion électorale en Afrique de l’Ouest (Resao), appuyé par l’Agence allemande pour la coopération internationale (Giz),  avait réuni à Abuja au Nigéria, plus d’une trentaine de journalistes et communicants.

Envoyé comme contribution par Fara Michel Dièye, cet article issu de l’atelier de formation prédestiné, tenu les 28 et 29 octobre 2018,  s’adapte aussi bien au contexte actuel sénégalais que celui du Nigeria et d’autres pays ouest-africains.

Chers lecteurs, visant à mieux outiller les professionnels des médias face aux discours et informations tendus, souvent notés, vite relayés par les réseaux sociaux,  il vous été présenté en huit actes. Avec le contexte de cette élection présidentielle, il est aujourd’hui plus que jamais d’actualité et disponible dans cette rubrique « Grand-Reportage ».

 

Reportage équilibré pour des élections paisibles : Acte 1

Les médias peuvent et doivent jouer efficacement leur rôle d’information, d’éducation et de diffusion de reportages factuels et utiles pour accroitre l’inclusion politique et aussi aider les acteurs politiques à faire en sorte que les citoyens assument leurs devoirs civiques et soient en mesure de choisir leurs dirigeants sur la base de bonnes informations.

C’est une conviction du Resao qui a clôturé le Mardi 30 octobre 2018,  un atelier régional de formation axé sur le thème « Reportage professionnel des élections ».

Tenue les 28 et 29 octobre 2018 à Abuja au Nigéria et dédiée aux médias et communicants, cette formation a pour objectif principal de susciter un plus grand intérêt pour la tenue des élections fiables, transparentes et crédibles dans l’espace CEDEAO,  face aux discours à tension et informations pas fiables ou non vérifiées qui mènent souvent vers des troubles.

« Les médias restent l’instrument le plus fiable pour encourager les questions électorales impliquant la participation et l’inclusivité », a déclaré Mahmoud Mahmood Yakubu, président du conseil d’administration de la Resao (Econec en anglais) et président de la Commission électorale nationale indépendante du Nigeria (INEC), dans son discours de bienvenue.

Reportage équilibré pour des élections paisibles –Acte 2 : La nécessité de mieux outiller un « quatrième pouvoir »

La nécessité de renforcer les capacités des journalistes et communicants, souvent décrits comme le quatrième pouvoir, derrière celui de l’exécutif, du parlementaire et judiciaire, est parti du constat que dans de nombreux cas, le reportage, compte tenu de la passion, dissocie difficilement ce qu’il faut relayer ou non, ce qui peut même parfois conduire à des actions en justice.

Alors comment améliorer ce cadre professionnel, faire des échanges, exprimer les défis rencontrés afin d’améliorer les reportages et le traitement de l’actualité électorale ? Comment corriger les imperfections qui reviennent presque année après année ? Comment comprendre les instruments juridiques, pouvoir les relayer dans un langage accessible aux populations ?

Sans oublier un point essentiel qui se pose en défi aux médias : les questions liées médias sociaux, dont les avantages sont décrits comme «énormes et stimulants», mais sur lesquels pèsent la menace de fausses informations pouvant mener vers des tensions pré ou postélectorales.

Voilà entre autres points le pourquoi de cette nécessité exprimée…

Reportage équilibré pour des élections paisibles  Acte3 : La responsabilité des médias

Selon la commissaire électorale sierra-léonaise Mme Miatta French, experte électorale, les médias sont les instruments les plus fiables sur la participation, l’implication le déroulement et autres des élections. Relevant qu’il existe beaucoup d’instruments de gouvernance pour des élections transparentes, leur manque de respect cependant mène vers des tensions, comme des conflits dont beaucoup d’exemples sont cotés en Afrique.

Parmi leurs devoirs et responsabilités des médias figure la connaissance et même maîtrise du traité de la CEDEAO qui est automatiquement relié à la charte des Nations Unies pour des élections crédible qui n’accorde aucune tolérance à un pouvoir obtenu de façon non constitutionnelle.

C’est pourquoi la presse particulièrement se doit de partager l’introduction des instruments normatifs de gouvernance démocratique des élections, avec une  présentation claire sur la compréhension des différentes phases des élections

Ce processus, bien avant l’arrivée de l’électeur au bureau de vote, va de la période préélectorale, électorale et post-électorale, plus explicitement de l’organisation, au vote passant obligatoirement par l’inscription des votants.

Selon l’experte, loin des reporters souvent mal formés, car issus de la lignée des animateurs et même vendeurs d’images, le professionnel des médias se doit de promouvoir une culture politique décente, relayer l’info mais en évitant de reprendre les propos et attitudes inflammatoires, d’où la nécessité de revisiter les responsabilités de reporters avant les élections.

Pour améliorer la couverture des élections pour éviter les tensions postélectorales, le reporter se doit aussi de trouver des sources crédibles de l’information dans le processus électoral, identifier les personnes ressources, ce qui peut aider à trouver les informations authentiques loin des de celles mal équilibrées souvent issues des réseaux sociaux.

Son autre rôle de régulateur est d’encourager des élections paisibles, la cohésion nationale en évitant la manipulation des journalistes.

C’est ainsi que la responsabilité sociale des médias a été développée à travers une présentation suivie de nombreux échanges par Madame Eugenia Abu, ancienne journaliste à la télévision nationale nigériane et consultante internationale en média.

Du haut de ses 38 ans d’expérience dont 35 à la télévision publique nigériane, Madame Abu a défini la responsabilité sociale comme une obligation pour le journaliste de penser avant tout à l’intérêt supérieur de son pays.

Selon la consultante, le journaliste doit contribuer  à  pacifier son pays et à éclairer les choix des citoyens en période électorale, en leur donnant toutes les informations sur les programmes de société et le profil des candidats.

Pour Madame Eugenia Abu, la couverture médiatique peut contribuer à la réussite ou à l’échec des élections. C’est pourquoi, elle a exhorté les journalistes à sensibiliser les citoyens sur les bonnes pratiques électorales, à modérer leur langage et à promouvoir une culture démocratique décente.

La consultante a aussi demandé aux médias, d’être la voix des handicapés et des femmes pour s’assurer que leurs préoccupations soient prises en compte.

Pour réussir ce challenge, Madame Abu a invité les journalistes à l’auto critique et à se tenir loin des manipulations des pouvoirs politico-économiques.

Reportage équilibré pour des élections paisibles Acte 4: les instruments juridiques d’une bonne gouvernance des élections

Sur cette même lancée, une communication a porté sur les instruments juridiques en matière de gouvernance démocratique des élections, via un panel présenté par la commissaire électorale sierra-léonaise Mme Miatta French.

Parmi les nombreux instruments, Mme French a notamment cité la Déclaration universelle des droits de l’homme, la Convention internationale de 1966 sur les droits humains, la Convention de 1952 sur les droits politiques des femmes, la Déclaration de Hararé et le Protocole de la CEDEAO sur la prévention des conflits.

Elle a tenu à souligner que ces instruments juridiques garantissent l’égalité des citoyens, la liberté d’opinion et d’expression. Car ils offrent aussi le droit de vote aux hommes et aux femmes et préconisent que les femmes soient prises en compte dans les fonctions électives et nominatives jusqu’au plus haut niveau sans aucune forme de discrimination.

« Ces instruments assurent aussi des élections libres et transparentes, affichent une tolérance zéro face aux pouvoirs obtenus de façon anticonstitutionnelles et recommandent l’indépendance des commissions électorales nationales », a ajouté Mme Miatta French.

Dans sa deuxième communication,  Mme Miatta French s’est accentué  sur les différentes étapes du processus électoral qui sont la phase préélectorale, la phase électorale et la phase post-électorale.

C’est ainsi que la commissaire a invité les journalistes à s’intéresser en période préélectorale au budget électoral, au déploiement de la logistique, au recrutement du personnel, à l’enregistrement  des partis et à l’inscription des électeurs. Les médias doivent aussi se concentrer sur l’éducation des électeurs, l’accréditation des observateurs, la formation des responsables électoraux.

En période électorale, selon Mme French, les médias doivent prendre en compte, la campagne électorale, la désignation des candidats, les opérations de vote, les résultats officiels, les plaintes et les recours.

L’après élection concerne surtout les audits, les réformes, les renforcements institutionnel et professionnel.

Reportage équilibré pour des élections paisibles –Acte 5 Les réseaux sociaux : avantages et inconvénients

Les réseaux sociaux sont devenus incontournables dans la vie de nos nations. Mais une communication destinée à la formation des journalistes et acteurs des médias, la consultante Eugenia Abu a montré les inconvénients et les avantages de ‘‘l’incontournable’’

Les avantages en partie listés sont plus nombreux, raison pour laquelle Madame Abu a invité les médias à utiliser intelligemment les réseaux sociaux.  Car pour l’experte, les réseaux sociaux permettent de suivre les jeunes, d’envoyer rapidement des informations qui toutefois doit être reformulées, en passant par une écriture courte et d’autres usages infographiques qui leurs sont particuliers.

Mais, a-t-elle averti, les inconvénients des réseaux sociaux sont tout aussi nombreux et se résument au discours de la haine et aux fausses nouvelles.

C’est pourquoi Mme Eugenia Abu, dans une intervention, a demandé aux journalistes de toujours vérifier les informations avant de les balancer sur les réseaux sociaux car avec des partages rapides, il est impossible de revenir en arrière. Et avec eux le droit à l’oubli n’existe pas car tout ce qu’on publie, peut remonter à tout moment.  Et des célébrités et hommes politiques sont souvent rattrapés par des images ou propos tenus dans un autre contexte.

Pour le modérateur  Paul Ejimé, il y a un mérite à être le premier à publier une information, mais quand elle s’avère fausse…

C’est pourquoi, il a invité les journalistes à faire attention aux 3F (en anglais First, Fast and Floor). Pour ne pas être le premier (fist) à foncer rapidement (fast) dans le mur (floor).

C’est ainsi que Madame Eugenia Abu a invité les journalistes à recourir à des sources crédibles et multiples.

Reportage équilibré pour des élections paisibles : Acte 6  Equidistance entre la profession et la politique

Dans un contexte électoral, le professionnel des médias se doit d’être à équidistance entre sa profession et la politique. C’est pourquoi dans sa communication tenue au second jour de l’atelier de formation, Madame Eugenia Abu est revenue sur le code de conduite des médias dans la couverture des élections.

La consultante a d’abord exhorté les journalistes à lire les codes de conduite de leurs pays et ceux d’autres pays.  Selon elle, le non-respect du code peut conduire à des dégâts matériels et à des pertes en vie humaines. D’où aussi une nécessité pour les journalistes de respecter la culture des régions qu’ils couvrent.

La consultante a aussi rappelé l’importance des principes d’égalité, d’impartialité, de neutralité face aux différents candidats.  Pour l’experte, il ne faut pas mettre un reporter ou un présentateur inexpérimenté en première position mais les faire assister par des anciens.

C’est pourquoi, Eugenia Abu a soutenu qu’un journaliste qui souhaite faire de la politique doit démissionner et que ses ex collègues ne doivent pas lui donner un avantage quelconque sur les autres candidats.

Reportage équilibré pour des élections paisibles-Acte 7 :  Combattre les discours inflammatoires ou de haine

A qui pourrait bien profiter l’instabilité, la violence et les morts après ou pendant les élections ? A personne assurément, selon tous les participants !

C’est pourquoi, selon Eugenia Abu, les professionnels des médias se  doivent combattre le discours de la haine pour des élections fiables, transparentes et crédibles dans l’espace Cedeao,  et même partout à travers le monde

L’experte a rappelé que pour un traitement professionnel, les faits comptent plus que l’opinion du journaliste.  C’est pourquoi Madame French dans une intervention est revenue la nécessité de choisir les angles de reportages, en fonction de la période préélectorale,  électorale ou postélectorale.

De son côté Paul Ejimé, le facilitateur-modérateur a dirigé un scénario réparti entre des journalistes comme acteurs, misant sur une situation de crise préélectorale. Un exercice a permis aux journalistes de revisiter leurs protocoles d’interviews et de se corriger mutuellement.

Reportage équilibré pour des élections paisibles : Acte Final :  Principales recommandations issues de cette formation

Pour accompagner un processus électoral menant vers une tenue des élections fiables, transparentes et crédibles dans l’espace Cedeao, les professionnels des médias ont été renforcés sur de nombreux aspects.

Entre autres recommandations issues de cette rencontre de deux jours tenue à Abuja au Nigéria, il a été recommandé aux journalistes de se familiariser d’abord avec les différents instruments juridiques en rapport avec les élections, avant d’informer les citoyens. Et les médias doivent, selon les experts, adapter leurs productions en fonction des étapes du processus électoral. Mais le plus important pour les journalistes est de toujours penser avant tout à l’intérêt supérieur de leurs pays. Dans cette logique, ils se doivent de toujours confronter leurs sources et cultiver le professionnalisme.

Dans un souci préventif, il a été recommandé aux journalistes de garder des traces de leurs reportages au cas où il y aura des plaintes ou des droits de réponse. Pour éviter des tensions avant, pendant et après les élections, nécessité a été soulignée également de rassurer les acteurs politiques de la bonne foi des journalistes et de signer avec eux, un accord même virtuel pour bannir le discours de haine durant les émissions.

L’autre conseil formulé fait face à l’invasion des réseaux sociaux et des fakenews, où recommandation aux médias, de faire preuve de prudence et de professionnalisme. Sur conseils des experts, les participants doivent  s’engager à utiliser intelligemment et avec professionnalisme,  les réseaux sociaux.

«Pensez loin, vérifiez, faites des recherches et soyez au bon lieu au bon moment.  Un autre défi qui mérite d’être examiné est la question de l’ingérence étrangère dans les élections nationales par le biais d’Internet,  insiste-on. Car les réseaux sociaux sont importants mais véhiculent souvent des informations difficiles à vérifier.

L’autre recommandation et pas des moindres a été faite à l’endroit des journalistes et acteurs politiques pour combattre le discours de la haine.

Mais Madame Eugenia Abu a surtout conseillé aux journalistes de produire des reportages qui sortent des sentiers battus en s’intéressant par exemple au droit de vote des prisonniers, des immigrés, aux difficultés liées au vote des personnes handicapées et relever également les préoccupations des femmes.

Des élections prévues sur l’étendue de zone CEDEAO

Cet atelier organisé par le Resao avec le soutien de l’agence allemande pour la coopération internationale (GIZ) est un pas de plus, dans ceux qui se dérouleront plusieurs mois avant les grandes élections dans la région, les campagnes des partis politiques pour les élections générales de la sous-région.

Après le Mali, au Nigeria les élections générales commencent  dans moins de trois semaines. Pour le Sénégal, la présidentielle va se tenir en février 2019, sans oublier le Togo, la Guinée-Bissau où des processus électoraux sont enclenchés.

C’est pourquoi Mme Phidelia Amey de la GIZ a précisé que leur structure soutient la CEDEAO depuis une dizaine d’années dans plusieurs domaines dont le développement institutionnel, le commerce et les douanes, la paix et la sécurité. L’organisation de cet  atelier de renforcement de capacité des journalistes entre dans le cadre du soutien aux activités de paix et de sécurité de la CEDEAO.

Des bases d’un partenariat entre les participants.

Après la session, les communicateurs et les participants ont jeté les bases d’un partenariat qui devrait leur permettre de s’assister réciproquement au niveau des questions électorales.

La création d’une plateforme d’échange, notamment un groupe WhatsApp a surtout retenu l’attention des participants. Le représentant du Resao M Raouf Salami a émis l’idée selon laquelle, les participants pourraient devenir des observateurs du Resao dans  leurs pays respectifs et qu’ils peuvent également intégrer le pool des observateurs de la CEDEAO.

A la fin de cette formation, il a été procédé à une remise de diplôme aux participants, avec la promesse d’autres rencontres entrant dans le cadre de l’accompagnement des élections paisibles en zone CEDEAO.

Correspondance particulière de

Fara Michel Dièye

 

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