Le ministre du commerce a annoncé la mise en place d’un projet de deux milles boutiques références destiné à stimuler l’emploi et à lutter contre la flambée des prix des produits de première nécessité. Toutefois, une analyse des initiatives similaires par le passé met en lumière plusieurs défis majeurs qui pourraient compromettre le succès de ce programme si ces risques ne sont â correctement anticipés.
En amont, faudrait qu’un cadre et des critères pour la mise en œuvre des boutiques soient clairement définis passant d’abord par la présence d’un nombre significatif de commerçants organisé et motivés pour l’approvisionnement du marché ciblé. La création des boutiques référence repose sur la nécessité de disposer d’un groupe de commerçants bien structurés et capables de garantir l’approvisionnement régulier d’une boutique.
Ces commerçants devraient être des producteurs ou distributeurs mais aussi doivent être extrêmement bien organisés sous forme de groupements disposant d’une gestion opérationnelle fluide et d’une capacité à adapter leurs offres aux besoins spécifiques du marché ciblé, ils doivent également être suffisamment nombreux et engagés pour répondre à la demande tout en garantissant une relation stable et durable avec les boutiques.
Cet engament des entreprises de distribution à établir des relations commerciales avec les petits commerçants est un critère essentiel dans la mise en place des boutiques car elles doivent comprendre les défis des petits commerçants et mettre en place des conditions qui leur permettent de surmonter les difficultés liées aux volumes ou à la gestion des stocks , favorisant ainsi une relation gagnant-gagnant mais aussi un environnement économiques local favorable pour réussir la mise en place de ces boutiques de référence.
Bien que des obstacles existent tels que la législation ou des pratiques commerciales informelles, le marché sénégalais offre des opportunités intéressantes pour les commerçants. La mise en place des boutiques doit s’inscrire dans une dynamique de valorisation des produits locaux et d’amélioration de la distribution de ces produits dans les zones cibles.
Dans tout ce dispositif, il est important de songer à la disponibilité de prestataires de services et d’organisations de soutien pour accompagner les commerçants. La présence de ces prestataires spécialisés dans le domaine du commerce est cruciale. Ces acteurs peuvent fournir une expertise technique et commerciale, aider à la gestion des stocks et soutenir les commerçants dans l’adoption de meilleurs pratiques commerciales. Leur rôle est essentiel pour soutenir et assurer une bonne médiation entre les commerçants et les entreprises de distribution, tout en facilitant la résolution de conflits éventuels.
Pour assurer le succès de la mise en place des boutiques de référence, il est essentiel de suivre une méthodologie structurée en plusieurs étapes. Cela permettra d’organiser efficacement l’approvisionnement des boutiques et de répondre aux attentes du marché local dont la première étape consiste à analyser la manière dont les commerçants gèrent actuellement leurs activités commerciales ; cela inclut :
– Un inventaire des ressources disponibles (logistiques, gestion des stocks, moyens financiers)
– L’évaluation des compétences en gestion ainsi que des types de produits offerts, des volumes de vente er des capacités de livraison
– L’identification des besoins spécifiques des clients (en termes de quantité, qualité et délais).
L’objectif est d’obtenir une vue d’ensemble sur la manière dont chaque commerçant gère ses opérations et sur sa capacité à répondre aux exigences des boutiques de référence. Cela permettra également d’adapter les processus internes pour mieux servir les besoins du marché sénégalais tout en renforçant la compétition des commerçants sur le long terme.
Dans ce sillage, il est impératif de lister les leçons tirées des projets précédents. En 2008, l’état sénégalais avait lancé un programme similaire soutenu par le Fonds de Promotion Economique (FPE) visant à fiancer des magasins de référence. Le groupe CCBM s’était engagé à construire 350 boutiques et une centrale d’achat avec un cout total de 5,992 milliards de FCFA, répartis entre l’état (60% et CCBM (30%) et les franchisés (10%). Cependant, cette initiative avait rencontré de nombreux problèmes dont :
1- Défaut de remboursement des franchisés qui n’avaient pas honoré leurs engagements financiers, pensant à tort que les boutiques appartenaient à l’état
2- Un accès limité au crédit dû à l’absence de garanties suffisantes qui avait entravé la capacité des franchisés à obtenir les financements nécessaires
3- Des ruptures répétées de stock et de spéculation dus à un approvisionnement mal géré qui avait exacerbé les problèmes de disponibilité de produits
En conséquence, bien que le Groupe CCBM ait investi 3,5 milliards FCFA, construit 111 boutiques fonctionnelles et installé une centrale d’achat, l’initiative a été suspendue en raison de mécanismes insuffisants pour gérer ces défis.
Cependant, afin de garantir que ces erreurs ne se reproduisent pas, plusieurs mesures doivent être adoptées. Ces solutions se concentrent sur l’amélioration du remboursement, de la logistique, de la gestion des stocks et de la gouvernance en misant surtout et exclusivement sur la gestion centralisée de l’approvisionnement par l’état pour éviter la spéculation et les ruptures de stocks.
La mise en place de fournisseurs agréés, la sélection des producteurs locaux notamment les coopératives agricoles pour alimenter les boutiques de manière régulière et transparente permettra de soutenir l’agriculture locale et de sécuriser les chaines d’approvisionnement.
Il est aussi important de centraliser toute la logistique, la centrale d’achat doit devenir le pivot central de l’approvisionnement avec des outils modernes de gestion des stocks et des flux pour assurer la régularité des livraisons. Le contrôle des prix. L’état doit aussi faire tout son possible pour contrôler les prix, fixer des barèmes pour chaque produit afin de garantir des tarifs compétitifs et d’éviter la spéculation.
Le renforcement des mécanismes des remboursement.
Pour éviter des défauts de paiement des franchisés, plusieurs mesures doivent être prises :
- Responsabiliser les franchisés : il est essentiel de clarifier aux franchisés que les boutiques sont leurs projets et non exclusivement ceux de l’état. Ils doivent aussi comprendre que leurs remboursements alimentent un fonds de roulement permettant à d’autres bénéficiaires de rejoindre le programme.
- Fonds de garantie mutuelle : ce fonds sera alimenté par l’état, les franchisés et des partenaires privés, ce fonds pourra couvrir les risques liés aux prêts impayés
- Suivi numériques des remboursements : Une plateforme en ligne permettra de suivre les paiements effectués en temps réel, offrant ainsi une transparence et une traçabilité des remboursements
- La formation des franchisés : Des sessions de formation en gestion financière et administrative renforcèrent les capacités des franchisés à gérer efficacement leurs finances
- Incitations et pénalités : Des avantages seront accordés aux franchisés qui respectent leurs échéances, tandis que des pénalités seront appliquées en cas de retard prolongé
Optimisation de la distribution et de la logistique.
Une logistique efficace est essentielle pour garantir la disponibilité des produits dans toutes les boutiques. Il est crucial d’établir un calendrier de réapprovisionnement précis, prenant en compte les périodes de forte demande pour éviter toute rupture de stock. Utiliser des moyens de transport adaptés par exemple les tricycles qui peuvent jouer un rôle clé dans l’amélioration de la logistique locale, un réseau régional de dépôts dans les principales zones d’activité pour réduire les délais de livraison et mieux desservir les boutiques , une excellente gestion des stocks , utiliser des logiciels modernes pour suivre les niveaux de stocks en temps réel et anticiper les ruptures, surveiller la qualité des produits en mettant en place des protocoles rigoureux pour vérifier régulièrement la qualité des produits stockés, former les gérants de boutiques à la gestion des stocks notamment pour les produits périssables afin d’éviter les pertes et de garantir un approvisionnement optimal
Gouvernance et communication renforcées
Un cadre institutionnel clair et une communication efficace seront indispensables pour assurer la réussite du projet. Il faudrait dès le début mettre en place des contrats détaillants les engagements de chaque partie (Etat, franchisés, partenaires) devront être établis pour garantir la transparence et la bonne exécution du projet . Des comités de suivi locales vont superviser le fonctionnement des boutiques, résoudre les problèmes éventuels et assurer un suivi rapproché. Des campagnes de sensibilisation et d’informations devront être organisées pour clarifier les objectifs du projet et les obligations de chaque acteur impliqué.
Dans un phase test, l’intégration des Easy Boutiques sont à tenir en compte dans une stratégie globale
Les Easy Boutiques, déjà implantées dans des zones comme Grand Dakar et Pikine, constituent une expérience précieuse à intégrer dans ce nouveau projet. Elles peuvent servir de modèle pour améliorer la gestion, la logistique et l’accompagnement des franchisés.
En tirant parti des succès et des erreurs de ces initiatives passées, l’État pourra affiner ses pratiques de gestion et élargir le réseau de manière efficace.
Le projet des 2 000 boutiques de référence offre une opportunité unique pour dynamiser l’économie locale et réduire le chômage. Toutefois, son succès dépendra de la mise en place d’une gestion rigoureuse de l’approvisionnement, d’une gouvernance transparente et d’un soutien continu aux franchisés. En appliquant les leçons tirées des projets précédents, en intégrant les expériences des Easy Boutiques et en adoptant ces recommandations, l’État peut transformer ce projet en un véritable levier de développement durable pour les populations locales.
Cependant, recruter 110 contrôleurs pour tout un territoire national est très insuffisant, surtout pour un grand pays avec une économie diversifiée. Un investissement accru dans les ressources humaines et les outils est essentiel pour garantir la régulation du marché et protéger les consommateurs.
Si l’on considère la charge de travail colossale par contrôleur avec le nombre d’inspection et de taches à effectuer (visites terrain, audits, analyse pratiques commerciales et des enquêtes), l’entendue des zones à charge sans oublier les contraintes logistiques comme les déplacements dans des zones éloignées, cela réduit le temps de disponibilité pour chaque mission du fait ils risquent de ne pas pouvoir couvrir les marchés de manière régulière .
Comparaison avec d’autres pays
Une comparaison internationale peut fournir des indications :
- Pays similaires : Dans des pays comparables en termes de superficie et de population, combien de contrôleurs sont employés pour surveiller le marché ?
- Normes internationales : Certains standards (par exemple ceux de l’OCDE ou d’organismes régionaux) recommandent des ratios de contrôleurs par habitant ou par unité économique.
Résultat attendu
Avec seulement 110 contrôleurs :
- Faible couverture : Chaque contrôleur devrait superviser des milliers de points de vente ou d’opérations économiques, ce qui limite la fréquence et l’efficacité des inspections.
- Risque de non-conformité : Une faible surveillance peut encourager les pratiques illégales comme les fraudes, la vente de produits de mauvaise qualité ou non conformes.
- Incapacité à répondre aux crises : En cas de pénuries, d’abus de prix ou de pratiques monopolistiques, un nombre insuffisant d’agents rendrait les interventions correctives difficiles.
Recommandations
- Augmenter le nombre de contrôleurs : Une analyse des besoins basée sur les secteurs prioritaires (alimentaire, industriel, etc.) et les zones à haut risque devrait guider le recrutement.
- Mieux équiper les contrôleurs : Investir dans des technologies comme les systèmes de gestion numérique peut améliorer leur efficacité.
- Former des agents spécialisés : Cela peut inclure des compétences pour les contrôles aux frontières, la détection des fraudes ou la régulation de nouveaux secteurs.
- Décentraliser les opérations : Renforcer les bureaux locaux et déléguer certaines tâches à des échelons régionaux.
Taille et population du territoire
- Superficie géographique : Si le pays a une large étendue géographique avec des zones urbaines, rurales et difficiles d’accès, 110 contrôleurs seront largement insuffisants. Plus le territoire est vaste, plus le nombre de contrôleurs doit être élevé pour garantir une couverture efficace à moins que cela se fasse dans un périmètre de test clairement identifié à la densité démographique maitrisée.
- Population : La densité de population affecte directement la taille du marché et le volume des transactions à surveiller. Par exemple, un pays avec une population de plusieurs millions d’habitants nécessitera davantage de contrôleurs pour surveiller les marchés et prévenir les abus.
Structure et complexité du marché
- Nombre d’établissements commerciaux : Plus il y a d’entreprises, de magasins, de marchés, de grandes surfaces et d’opérateurs économiques, plus les besoins en supervision augmentent. Un nombre limité de contrôleurs pourrait ne couvrir qu’une petite fraction des activités commerciales.
- Diversité des activités économiques : Les marchés avec des secteurs variés (agriculture, industrie, commerce international, services) requièrent des spécialistes pour vérifier les normes et la régulation.
- Flux de marchandises : Les ports, les frontières et les zones économiques nécessitent une surveillance particulière pour éviter la contrebande, la fraude et les pratiques commerciales déloyales.