Plaidoyer de Mimi Touré sur la reforme des institutions : «Il faut dépolitiser de nombreux postes de l’exécutif… »

Aminata Touré est favorable à la réforme des institutions. Elle plaide pour un équilibre des pouvoirs et évoque la nécessité de dépolitiser de nombreux postes de l’Exécutif et aussi d’assurer l’indépendance des magistrats. Se collant à l’actualité, elle a relevé la nécessité de passer à l’action et de cesser les théories.

«Je voudrais m’incliner devant la mémoire des 41 disparus du terrible accident de Gniby qui a meurtri tous les Sénégalais. Que Dieu les accueille au paradis. Je voudrais également souhaiter un très rapide rétablissement aux nombreux blessés», a dit Aminata Touré avant de regretter cette kyrielle de décisions prises sur la question et qui n’ont jamais été suivies d’actions. «Hélas ! Ce sera le énième Conseil interministériel sur la question. Il y en a déjà eu un en 2012, si je me souviens, avec le Premier ministre Abdoul Mbaye ; le second en 2017 et celui-ci.

Nous demandons vraiment à l’État du Sénégal de passer de la parole à l’action. C’est ce qu’attendent les Sénégalais, que le gouvernement prenne son courage à deux mains et applique ses recommandations, en se rappelant également ce qu’a dit un responsable des transports que pour les visites techniques, il faut qu’il y ait des services décentralisés. Mais, en tout cas là où on attend du gouvernement, c’est de l’action», a-t-elle dit sur sa page Facebook.

Dans un concept intitulé «Jo­taayu Mimi», elle y a abordé le thème portant sur la réforme des institutions. Selon elle, cela devrait «s’intéresser très directement à ce présidentialisme à outrance qui, aujourd’hui, oppresse les autres pouvoirs. C’est ça la véritable question. Il faudrait (…) convoquer les assises pour la réforme des institutions pour, justement, renforcer les autres pouvoirs. Et que le pouvoir présidentiel qui est omniscient et omnipotent se déleste de certaines de ses prérogatives».

Pour une indépendance des magistrats

«La deuxième chose, le Président de la République qui préside le Conseil supérieur de la magistrature, je pense que son rôle doit se limiter à valider, à apposer sa signature sur les propositions qui sont faites pour le comité de gestion des carrières des magistrats. Lequel Conseil supérieur, à mon avis, devrait être ouvert. Parce que la justice, ce n’est pas seulement une affaire de magistrat, c’est également l’affaire des jeunes, des femmes, des consommateurs, de la société civile. Ça, ce sont des discussions qui peuvent avoir lieu au niveau de l’Assemblée nationale. Quand un magistrat sait qu’il ne doit pas sa nomination au président de la République, voilà il fait son travail en son âme et conscience en respectant les lois, cela me paraît être très important».

Mme Aminata Touré a aussi plaidé, une nouvelle fois, la séparation des affaires familiales dans la gestion de l’Etat. «Je pense qu’il est temps en Afrique, au Sénégal, que vraiment on sépare les affaires familiales des affaires du pays, parce qu’on sait très bien les contraintes que cela entraîne. Aujourd’hui, sur la gestion des fonds Covid, je l’ai dit. Si le Président de la République a des difficultés, c’est parce qu’il a son beau-frère qui en fait partie. Ça passe d’une question administrative à une question familiale. Je ne dis pas qu’aucun membre de la famille des présidents ne doit pas exercer dans l’État, ce n’est pas ce que j’ai dit. En tout cas, sur les questions centrales où cela implique la gestion importante de fonds publics, je pense que le frère, le beau-frère, les enfants, la belle-mère, le beau-père, le père, la mère devraient occuper d’autres fonctions».

Limitation des Prérogatives du pouvoir exécutif

«Je pense également qu’il faut renforcer les différents pouvoirs, limiter vraiment le pouvoir exorbitant de l’exécutif à la tête duquel se trouve le président de la République. L’Assemblée nationale devrait retrouver ses prérogatives telles que prévues par la réforme de la Constitution de 2016 qui stipule très clairement que l’Assemblée nationale peut évaluer les politiques publiques. C’est dans ce sens-là que nous avions appelé le Premier ministre, le député Guy Marius Sagna et moi, nous avions écrit au Premier ministre pour qu’il vienne nous entretenir de la question du rapport de la Cour des Comptes sur la gestion du Covid. Et nous attendons toujours sa présence. Nous avons d’ailleurs écrit au Conseil constitutionnel qui arbitre aussi entre les pouvoirs. Voilà une question d’équilibre des pouvoirs. Une Assemblée nationale qui réclame une disposition très claire dans la loi, et voilà l’exécutif qui refuse de l’exécuter. Et pourtant nous tous, nous sommes supposés travailler dans l’intérêt du Sénégal», regrette Mimi Touré.

Pour ce qui concerne le Haut Conseil des collectivités territoriales (HCTT) et le Conseil économique, social et environnemental (CESE), elle a préconisé leur fusion pour en faire une seule institution. «Il faut en faire une fusion. Je pense qu’un pays a besoin d’un organe de conseil, parce que lorsque vous êtes pris dans la tâche d’un exécutif, vous n’avez peut-être pas le temps de lire la dernière littérature, la dernière recherche. Il faut qu’il y ait un organe de conseil où seraient représentés les différents secteurs de la nation avec des experts, mais pas des politiciens. Il faut dépolitiser cet organe de conseil, c’est important. Il faut dépolitiser de nombreux postes de l’exécutif. Je considère qu’il y a des postes où les occupants ne devraient pas faire de politique : le payeur, le trésorier, le ministre des Finances, le ministre des Forces armées, le ministre de la Justice».

3e mandat de Macky Sall

«J’ai entendu la dernière fois l’actuel ministre de la Justice dire qu’il parlait maintenant en politicien. Il ne parlait plus en professeur de droit ou en ministre de la Justice. Mais, c’est une catastrophe. Peut-être que s’il n’était pas obligé de faire de la politique, il n’en serait pas là. Donc ça fait partie des postes à mon avis qu’il faut dépolitiser. Tout comme le poste du ministre de l’intérieur. Je pense qu’il y a des fonctions régaliennes de souveraineté ou la loi doit dire de manière très claire que ceux qui les occupent ne doivent pas faire de politique».

A son avis, par ailleurs, «il faut réviser les organes de contrôle. Il faut les mettre ensemble. Je pense que l’OFNAC, l’IGE, la Cour des Comptes, mais encore une fois, il faut qu’il n’y ait aucun lien entre cet organe de contrôle et l’Exécutif pour que ça ne soit pas également un outil entre les mains de l’exécutif. Ça, c’est très important ces organes de contrôle. L’IGE doit être décentralisé, les inspecteurs doivent être affectés dans les ministères pour qu’à ce niveau-là, ils puissent valider, regarder la validité des dépenses, l’effectivité des dépenses, tout cela améliorerait notre bonne gouvernance », a dit Mimi Touré.

Vox Populi

Oumou Khaïry NDIAYE
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