Lettre Ouverte Au Ministre De La Jeunesse, De L’entreprenariat Et De L’emploi Du Sénégal, Monsieur Pape Malick Ndour Par ADHA

Excellence Monsieur le Ministre,

Nous, membres de l’Action pour les Droits Humains et l’Amitié (ADHA), vous transmettons nos meilleures salutations par cette présente et sollicitons par la même occasion votre clairvoyance ainsi que votre sens de la critique positive dans l’interprétation de nos propos.

Monsieur le Ministre,

Nous venons vers vous pour évoquer un point très important. Celui de la jeunesse, et qui nous concerne tous parce qu’étant jeunes sénégalais et partageant un amour fort et sincère pour cette nation qu’est le Sénégal, ayant pour devise UN PEUPLE – UN BUT – UNE FOI.

 

Monsieur le Ministre,

Lors de votre sortie à l’hémicycle, le mercredi 29 novembre, en sa séance ordinaire, vous avez eu à tenir à l’endroit de la jeunesse des propos que nous, membres de l’ADHA, jugeons désobligeants et offensants à l’endroit de toute la jeunesse.

Propos qui ont fini d’émouvoir plus d’un.

Monsieur le Ministre,

Lorsque vous insinuez que les candidats à la migration dite irrégulière, sont très souvent intoxiqués, vous valsez malheureusement dans la diffamation, au moment même où il aurait été plus indiqué pour vous de compatir et de faire preuve d’empathie.

Monsieur le Ministre,

 

Pensez-vous que ces jeunes dont vous parlez sont dépourvus de tout sens de la logique et qu’ils ne sont pas du tout capables de raisonner et de prendre des décisions par eux-mêmes ?

Il conviendrait plutôt que nous vous rappelions que ces braves jeunes sont près de 300.000, chaque année, à toquer aux portes de l’emploi et que seulement 30.000 d’entre eux en trouvent de créés. Tandis que les plus « chanceux » se lancent péniblement et parfois de façon hasardeuse, dans l’auto-emploi, sans y être suffisamment préparés, pour ne pas dire sans y être préparés du tout par le fameux système en place.

Quant à la plus grande majorité d’entre eux, confrontés au désespoir et au désarroi quotidiens, et face à leur fort instinct de survie, ils ne voient d’autres issues de secours que l’exil et la migration irrégulière à bord d’embarcations de fortune.

Monsieur le Ministre,

Vous n’êtes pas sans savoir que la jeunesse vit des jours terriblement sombres dans ce pays qu’il partage avec vous au quotidien. 75% de jeunes qui ont été interrogés ont dit être prêts à quitter le Sénégal dès qu’ils en auront l’occasion ou alors les moyens pour le faire.

Un chiffre très alarmant révélé lors de nos enquêtes menées en 2018.

Monsieur le Ministre,

Compte tenu de la situation socio-économique actuelle, nous savons qu’en 2023 ces chiffres ont cruellement grimpé et même, à une allure vertigineuse.

Nous en voulons pour preuves :

  • le nombre de morts notés en mer, tous partis à la quête d’un hypothétique Eldorado;
  • les demandes de passeports enregistrées entre le 1ᵉʳ septembre et le 16 novembre 2023 et qui se chiffrent à 40.912;
  • les 32.436 arrivées sur l’archipel espagnol, du 1ᵉʳ janvier au 15 novembre 2023, d’après le bilan du ministère de l’Intérieur espagnol publié le 16 novembre 2023…

 

Pour ne citer que celles-là.

 

Monsieur le Ministre,

Notre jeunesse chancelante chancelle !

Oui, elle est à genou, en vérité !

Oui, cette jeunesse dont vous faites partie et qui est donc vôtre, a réellement besoin d’être écoutée et entendue.

Elle a besoin, cette jeunesse meurtrie, d’être comprise et, surtout, d’être respectée.

Cette jeunesse sénégalaise, Monsieur le Ministre, compte dans son ensemble 76,75% de moins de 25 ans.

76,75% ! Vous en rendez-vous compte ?

Cette jeunesse représente 13.500.000 de moins de 35 ans, selon l’Agence Nationale des Statistiques et de la Démographie (ANSD).

 

Cette même jeunesse sénégalaise, Monsieur le Ministre, a très certainement besoin de politiques sérieuses, efficaces et efficientes, capables d’absorber cette importante, cette puissante, cette vaillante et fraîche main-d’œuvre qui existe à foison ici.

La Nation toute entière a besoin de cette grande masse que constitue la jeunesse.

Oui, la Nation en a besoin, Monsieur le Ministre, pour reconstruire, restaurer et sauver ce pays au bord du gouffre, parce que cette jeunesse en a largement le potentiel.

 

Monsieur le Ministre,

 

Les besoins des jeunes persistent et se transforment en une litanie de plaintes, d’attentes inassouvies, d’espoirs brisés, soulevant sans discontinuer des problèmes liés à l’efficacité et à la pertinence des options politiques et stratégiques jusque-là adoptées.

Si, de 2012 à nos jours, vous vous retrouvez à élaborer à chaque fois une « nouvelle » politique de jeunesse, et à seulement trois petits mois de la fin de votre magistère, cela veut tout simplement dire qu’il y a un énième problème.

Et qui, sans aucun doute, vient confirmer votre échec et cela, de manière répétée.

 

Au vu de toutes ces circonstances malheureuses, Monsieur le Ministre, demander votre démission ne serait pas de trop.

Monsieur le Ministre,

 

Pensez-vous sérieusement que votre « nouvelle » stratégie permettra d’endiguer ce flot de désespoir émanant de la population et plus particulièrement de cette frange que constitue la jeunesse qui disparaît inlassablement et de façon prévisible, dans les méandres marins ?

En ce qui nous concerne, nous membres de l’ADHA, nous n’y croyons pas.

Nous n’avons absolument plus foi en ces multiples stratégies pompeusement et stratégiquement rebaptisées à chaque fois « Nouvelle politique de jeunesse ».

 

Monsieur le Ministre,

 

Ce genre de résultats obtenus ne nous surprend guère, en considérant les alertes à répétitions que nous n’avons cessé de lancer depuis 2019, prévoyant en même temps la chute inéluctable et brutale de cette recette politique toujours sensée être « nouvelle », mais qui en réalité, n’est que du réchauffé, du déjà servi.

Par ailleurs, sous vos yeux, Monsieur le Ministre, l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Temple du savoir, a été fermée.

Eu égard à cette équation, l’École du savoir ainsi muselée, avec en prime une situation socio-économique alarmante et une jeunesse incomprise et laissée à elle-même, il est fort à parier que les résultats escomptés ne seront que négatifs.

En définitive, l’Action pour les Droits Humains et l’Amitié invite l’État à sauver ce qu’il reste de notre cher pays qui, à l’image d’un bateau ivre, est sur le point de sombrer dans les profondeurs de l’abîme.

Il est maintenant grand temps de tout faire, dans un grand sursaut patriotique, pour redresser la barque Sénégal, afin de faciliter la tâche au prochain Président de la République en 2024.           Et, par la même occasion, de redorer le blason de la jeunesse sénégalaise qui mérite tant de retrouver le sourire qu’elle a perdu.

 

Monsieur le Ministre,

 

Dans l’espérance d’une bonne compréhension de notre analyse, nous vous prions de bien vouloir prendre en considération nos propos de jeunes sénégalais désabusés, mais sincères.

 

Fait à Dakar, le 01/12/2023

Action pour les Droits Humains et l’Amitié (ADHA)

Mamadou Nancy Fall
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