Le village artisanal de Rufisque en déclin : la situation du tourisme au Sénégal est passée par là…

Le tourisme, aux yeux de plusieurs artisans sénégalais rencontrés au village artisanal de Rufisque, n’est plus que l’ombre de ce qu’il fut jadis. Si, hier, des vagues de touristes faisaient la ronde dans leurs boutiques pour se payer des souvenirs, qui un masque, qui des bijoux ou des tableaux… aujourd’hui, leur site est quasiment abandonné. Il faut s’y rendre pour constater la tristesse des lieux.

En effet dans ce village artisanal de Rufisque, une ambiance morose accueille les visiteurs qui s’y rendent. Sur les lieux, hormis les quelques magasins de bijouterie, la plupart des boutiques d’artisanat sont soit fermées soit détruites lors des travaux du Train express régional (TER).

Amadou Sy, est un bijoutier qui fréquente les lieux depuis bientôt dix ans. Aujourd’hui, dit-il, il ne reste du site que regret : «C’est la morosité qui rythme notre quotidien depuis des années. On ne voit pas de clients. Moi, je travaille ici et je crée des bijoux que j’écoule en arpentant les marchés hebdomadaires. C’est comme cela depuis des années».

Apparemment très ravi d’avoir une oreille attentive à même de recueillir leurs plaintes et autres doléances, il ne s’est pas fait prier pour appeler le reste de sa bande de collègues. «Ma­goné… venez ! Il faut lui dire. Ce village artisanal n’existe que de nom. Je crains qu’un beau jour, des gens arrivent et nous demandent de quitter les lieux, tellement ce village est mort. On ne voit plus de touristes et les Sénégalais trouvent que nos produits sont trop chers ou ne sont plus à la mode. Car, après les Chinois, les Turcs sont venus inonder le marché avec leurs produits et ne nous laissent plus le choix que de nous transformer en marchands ambulants», a déploré M. Sy, en montrant les quelques articles qui traînent encore sur une étagère poussiéreuse.

Les vendeurs d’objets d’art pointent du doigt l’Etat et une rareté notoire des touristes

Interrogé à son tour, Ma­goné Séne, un artisan qui touche presque à tout confie : «Moi je suis bijoutier. Mais comme les temps sont devenus durs, je me suis formé en art pictural et décoration d’intérieur. Je viens, chaque matin, pour finir des commandes de bijoux que je ramasse sur internet qu’un livreur se charge de livrer un peu partout à Dakar». Vox Populi

Pour lui, la situation du tourisme au Sénégal est en partie responsable des difficultés que les villages artisanaux traversent. «Je crois que le secteur de l’artisanat est à l’agonie. Mais c’est parce que les touristes ne viennent plus dans les villages artisanaux et la politique artisanale de l’Etat du Sénégal n’est pas, à notre avis, la bonne. On ne peut développer un secteur en distribuant de l’argent par mobile money.

L’artisanat a beaucoup évolué dans les autres pays. Moi, je suis parti au Maroc et j’ai vu comment les artisans font. C’est un secteur florissant et les artisans qui travaillent souvent, en famille, gagnent bien leur vie. Car, la politique de leur gouvernement en faveur de l’artisanat et du tourisme, est très sincère et performante», affirme ce dernier.

A l’en croire, le Sénégal devrait copier le modèle du royaume chérifien pour redynamiser le secteur du tourisme. «C’est le modèle marocain que notre pays doit copier pour voir s’il va réussir. Car nous sommes très pauvres. Au Sénégal, l’artisan ne vit pas de son art. Notre politique est très archaïque, par rapport à ce qui se passe dans le monde. J’ai écouté le ministre du Tourisme à l’Assemblée nationale. Je crois qu’on n’est pas encore sorti de l’auberge.

Le tourisme est un secteur qui peut porter le développement de l’artisanat du pays. Mais, il faut le reconnaître. Les touristes ne fréquentent plus comme avant les villages artisanaux. Ils sont plus envoyés vers le sud du pays», confie avec regret M. Sène, qui d’ailleurs a profité des échanges pour baisser les rideaux de sa boutique pour, dit-il, partir vaquer à ses occupations quotidiennes.

Vox populi

Momar Diack SECK
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