Eviter une catastrophe humanitaire :La FAO préconise de mettre davantage l’accent sur l’anticipation des crises alimentaires

Lors d’une manifestation organisée en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies, l’Organisation a affirmé qu’il était plus rationnel, du point de vue des coûts, d’intervenir avant plutôt qu’après une catastrophe humanitaire.

La technologie et les données permettent aujourd’hui de prévoir et d’anticiper de nombreuses catastrophes avant qu’elles ne surviennent et ne frappent durement les populations. Cependant, il est nécessaire d’élargir à très grande échelle l’utilisation de ces outils face aux menaces croissantes qui pèsent sur la sécurité alimentaire et les moyens d’existence en milieu rural, a exhorté l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

Comme les situations de crise sont de plus en plus fréquentes, intenses et complexes, «nous ne pouvons plus nous en remettre à des stratégies d’un autre temps: nous devons innover et investir dans des mesures plus judicieuses et plus efficaces», a déclaré le directeur du Bureau des urgences et de la résilience de la FAO, M. Rein Paulsen, dans une allocution prononcée à l’occasion d’une conférence humanitaire de haut niveau sur les mesures d’anticipation organisée en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies à New York.

En 2020, 155 millions de personnes dans 55 pays ont été exposées à une situation de crise alimentaire, un chiffre qui ne cesse d’augmenter depuis cinq ans. Actuellement, plus de 41 millions de personnes sont en proie à une insécurité alimentaire à un niveau d’urgence et risquent de sombrer dans une situation de famine ou dans des conditions s’y rapprochant si elles ne reçoivent pas immédiatement une aide d’urgence.

Si le montant de l’aide humanitaire consacrée au secteur alimentaire, qui s’élevait à 6,2 milliards d’USD en 2016, a atteint près de 8 milliards d’USD en 2019, le déficit de financement reste encore important, a fait observer M. Rein Paulsen, et ce malgré bon nombre de données factuelles montrant qu’il est bien plus efficace, du point de vue des coûts, d’intervenir de manière anticipée en aidant les populations rurales vulnérables à renforcer leur résilience avant que ne surviennent les catastrophes plutôt que de leur distribuer une aide après celles-ci.

«Grâce aux progrès accomplis en matière de technologies et de données, nous disposons désormais d’outils avec lesquels nous pouvons mieux comprendre les crises et leurs impacts, et mieux les prévoir. La FAO intensifie ses efforts en faveur des mesures d’anticipation et utilise ses fonds en accord avec ses valeurs», a déclaré M. Rein Paulsen.

Il a fait remarquer qu’avec l’appui de partenaires fournisseurs de ressources, la FAO avait investi 250 millions d’USD dans ces mesures d’anticipation en 2020-2021. Elle a notamment soutenu des mesures visant à endiguer rapidement la recrudescence massive de criquets pèlerins qui ravagent les cultures et les pâturages en Afrique de l’Est, une campagne qui a permis de préserver la sécurité alimentaire de 40 millions de personnes et d’éviter des pertes chiffrées à près de 2 milliards d’USD.

 

Comment se présentent les mesures d’anticipation?

Les mesures d’anticipation peuvent avoir de nombreuses formes et ampleurs différentes. Elles sont fondées sur des prévisions et sont très sensibles au facteur temporel.

Elles peuvent prendre la forme de transferts monétaires permettant aux bénéficiaires de se protéger et de protéger leurs animaux. Dans d’autres cas, il s’agit d’aider des pêcheurs à mettre leurs bateaux et leur matériel à l’abri avant le passage d’une tempête ou encore, dans les zones de guerre, de distribuer des kits à des familles pour leur permettre de cultiver une parcelle plus près de leur domicile en cas d’intensification des conflits.

Dans les communautés pastorales, l’aide prend souvent la forme d’aliments et de vaccins destinés à maintenir en vie et en bonne santé les éléments essentiels de leurs cheptels avant les sécheresses, tandis que les exploitants agricoles peuvent recevoir du matériel d’irrigation au goutte-à-goutte et des semences résistantes à la sécheresse.

Quel que soit le contexte d’intervention, toutes les mesures d’anticipation ont un objectif commun: protéger les agriculteurs, les pêcheurs et les éleveurs vulnérables pour qu’ils ne perdent pas leurs moyens d’existence et puissent continuer à s’alimenter et à nourrir leur famille.

 

 

Principales activités de la FAO relatives à l’anticipation des crises alimentaires

– En 2020, des essaims de criquets pèlerins se sont propagés dans la Corne de l’Afrique, la péninsule arabique et l’Asie du Sud-Ouest, menaçant de dévaster les cultures et les moyens d’existence. La FAO a œuvré aux côtés des pouvoirs publics afin d’endiguer la pire recrudescence du criquet pèlerin jamais observée dans certains secteurs depuis 70 ans. Les opérations de lutte antiacridienne ont permis d’éviter la perte de plus de 4 millions de tonnes de céréales et de 870 millions de litres de lait.

– Sur l’île de Mindanao aux Philippines, qui était menacée par l’intensification de conflits locaux et une sécheresse imminente, la FAO a distribué des kits de culture de légumes et a mis en place des exploitations artisanales de volaille près des centres d’évacuation. Les familles ont ainsi pu s’approvisionner en denrées alimentaires avant d’être éloignées définitivement de leur exploitation. L’Organisation a également distribué des semences résistantes à la sécheresse aux familles qui pouvaient encore accéder à leur rizière, afin qu’elles puissent semer. Au total, pour chaque dollar investi par la FAO, les agriculteurs de Mindanao ont tiré des bénéfices et évité des pertes à hauteur d’un montant chiffré à 4,4 USD.

– En Colombie, la FAO a anticipé l’intensification des flux migratoires depuis le Venezuela vers la région frontalière au moyen des données des pouvoirs publics et d’autres partenaires du système des Nations Unies. Elle a prévu que la production alimentaire de la population colombienne n’allait pas être suffisante pour alimenter le nombre croissant de migrants et a distribué des semences et des outils aux familles vulnérables pour qu’elles puissent augmenter leur production de manière anticipée. Cette initiative a encouragé les communautés d’accueil et les migrants à travailler ensemble sur des parcelles de formation où ils ont pu acquérir de nouvelles compétences agricoles et récolter les fruits de leur labeur collectif.

– Au Soudan, il a été signalé à partir d’observations d’un système d’alerte rapide développé avec le soutien de la FAO
– déplacements inhabituels de bétail, épisodes de sécheresse prolongée et hausse des prix du sorgho – qu’une saison des pluies particulièrement inadaptée se profilait à Kassala. Avant qu’une crise alimentaire ne survienne en raison de ces phénomènes, la FAO a apporté rapidement un soutien ciblé aux populations agropastorales en distribuant des kits de santé et du fourrage et en dispensant des soins vétérinaires afin de protéger 30 000 animaux. Pour chaque dollar investi, on a chiffré à 6,6 USD les avantages reçus par les familles d’éleveurs (pertes évitées et autres avantages).

Pape Ismaïla CAMARA
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