Benno Bokk Yakaar a perdu la majorité absolue à l’Assemblée nationale après la proclamation des résultats des élections législatives du 31 juillet dernier. Le constitutionnaliste Seybani Sougou qui s’est confié à Alerte Quotidien apporte un certain nombre de points favorables à l’opposition. A l’en croire, le président Macky Sall n’a pas les prérogatives de dissoudre l’Assemblée nationale si toutefois la majorité se retrouve dans une situation de blocage.
Les députés de la quatorzième législature ont été installés cette semaine. Quels sont les blocages qui pourraient surgir à l’Assemblée nationale qui frise la cohabitation ?
L’élection du nouveau Président de l’assemblée nationale s’est déroulée dans des conditions chaotiques avec une situation inédite marquée par l’irruption spectaculaire de gendarmes dans l’enceinte de l’hémicycle. La pagaille indescriptible qui a accompagné l’installation des nouveaux députés augure d’ores et déjà d’une situation de tension où le pouvoir et l’opposition s’observent en « chiens de faïence ». La particularité de cette quatorzième législature, c’est qu’aucune majorité claire ne se dessine ni pour le pouvoir, ni pour l’opposition.
Le pouvoir dispose d’une majorité extrêmement ténue, fragile et n’est plus en mesure de faire passer une catégorie de lois. Un exemple concret : pour réviser la Constitution par voie parlementaire (article103de la Charte suprême)la proposition de loi n’est approuvée que si elle réunit la majorité des trois cinquième (3/5) des suffrages exprimés, soit 99 députés sur 165. Nous sommes donc bien dans une situation qui frise la cohabitation puisque qu’il va falloir pour certaines lois, bâtir des compromis, texte par texte
Existe-t-il une éventualité où Benno Bokk Yakaar pourrait perdre la majorité ?
La coalition Benno Bokk Yakaar peut perdre la majorité à tout moment, car elle ne dispose pas d’une majorité confortable. Actuellement Benno, avec le ralliement de Pape Diop, compte 83 députés contre 82 pour l’opposition, toutes tendances confondues (les non-alignésThierno Alassane Sall et Pape Djibril Fall ont confirmé leur ancrage à l’opposition).
Il suffit donc d’une défection dans les rangs de Benno pour que la majorité bascule du côté de l’opposition. On se retrouverait dans une situation de fronts renversés. Benno n’est pas à l’abri et est confrontée à une situation très délicate, qui n’a jamais été prévue ou envisagée par le pouvoir. Le risque d’une perte de la majorité par Benno est réel.
Certains trouvent que la quatorzième législature sera la plus courte de l’histoire politique du Sénégal puisqu’elle pourrait être dissoute en 2024 par le prochain président à cause des irrégularités dans la confection des listes aux législativesdu31juilletdernier,partagez-vous cet avis ?
Je partage totalement l’idée selon laquelle le Président élu en 2024 dissoudra l’assemblée nationale, puisque j’ai eu à défendre cette position dans plusieurs contributions consacrées à la probabilité d’une cohabitation au sortir législatives du 31juillet2022;mais pas pour des raisons évoquées liées à l’irrégularité des listes.
Les résultats issus des législatives ont été validés par le Conseil Constitutionnel. On n’y reviendra plus. La dissolution interviendra parce le Président nouvellement élu devra disposer d’une majorité claire et nette pour mettre en œuvre sa politique et fixer les grandes orientations de son quinquennat.
Mais cette dissolution ne pourra intervenir qu’à partir du 31 juillet 2024, car l’Alinéa 2 de l’article 87 de la Constitution dispose que la dissolution ne peut intervenir durant les 2 premières années de la législature. Les députés ayant été élus le 31 juillet 2022, on arrivera au terme des 2 ans le 31 juillet 2024. Même si un nouveau Président est élu en février 2024, il devra attendre le 31 juillet 2024 pour pouvoir dissoudre l’assemblée nationale.
Que pensez-vous de la posture adoptée par Aminata Touré à l’Assemblée nationale ?
La nouvelle posture d’Aminata Touré rebat totalement les cartes et met la coalition Benno Bok Yakkar dans une situation difficile. Il souffle comme un vent de rébellion qui pourrait faire tache d’huile.
Pour certains analystes sa « rébellion » pourrait être fatale au groupe parlementaire Benno Bokk Yakaar. Qu’en dites-vous ?
Effectivement, dans un contexte où Benno dispose d’une majorité faible, et fragile, la rébellion d’Aminata Touré modifie complètement la donne. Elle aune voix stratégique qui vaut son pesant d’or et pourrait faire basculer la majorité, au profit de l’opposition. C’est tout le travail fait par Macky pour capter la voix de Pape Diop qui est réduit à néant. Il va falloir remettre les compteurs à zéro, car Benno n’a plus aucune garantie. Paradoxalement, Aminata Touré se retrouve en position de force.
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