Affaire Habré, retour sur certaines informations clés du procès

Comme lactuacho.com l’a relayé hier, l’audition des témoins et des victimes au procès historique de l’ancien dictateur tchadien Hissène Habré, qui se tient actuellement au Sénégal, devrait se terminer aujourd’hui 15 décembre, Voici en résumé des informations clés ont été révélées lors des audiences, informations relatives à des témoignages marquants:

 

-Quatre femmes envoyées dans un camp dans un désert au nord du Tchad en 1988 ont affirmé avoir été utilisées comme des esclaves sexuelles pour l’armée de Hissène Habré et que des soldats avaient violé à plusieurs reprises les femmes déportées. Deux d’entre elles avaient alors moins de 15 ans. Une autre a affirmé que Habré lui-même l’avait aussi violée.

-D’autres survivants ont déclaré que les viols des femmes en détention étaient fréquents dans le principal centre de détention de Ndjamena.

Dix témoins ont rapporté avoir personnellement rencontré Hissène Habré en prison, ou avoir été directement envoyés en prison par l’ancien président.

-Les rescapés des prisons ont expliqué que le service pénitencier refusait de retirer les cadavres des cellules tant qu’un certain nombre n’avait pas été atteint, laissant les détenus côtoyer des cadavres en décomposition pendant un certain temps.

Les survivants ont décrit les principales formes de torture alors employées, parmi lesquelles « l’arbatachar », qui implique d’attacher ensemble les bras et les jambes du prisonnier dans son dos afin d’interrompre le flux sanguin, ce qui conduit rapidement à une paralysie

-Bandjim Bandoum, autrefois un responsable de la DDS, a livré un témoignage de l’intérieur de la police politique. Il a ainsi témoigné que les rapports sur les détenus envoyés à la présidence revenaient avec des annotations : E pour « exécution », L pour « libération », ou V pour « vu ». Seul le président pouvait ordonner une libération, a-t-il précisé.

L’expertise d’un graphologue nommé par la cour a permis de montrer que des annotations sur des documents auraient pu avoir été écrites par l’accusé. Il a confirmé que Hissène Habré était l’auteur d’une note manuscrite rédigée en réponse à une demande du Comité international de la Croix Rouge de procéder à l’hospitalisation de certains prisonniers de guerre, dans laquelle il écrit « Désormais aucun prisonnier de guerre ne doit quitter la Maison d’Arrêt, sauf cas de décès. Car, le CICR a fait fuir de nombreux prisonniers de guerre »

Patrick Ball, un expert du Human Rights Data Analysis Group, a détaillé les conclusions de son expertise sur la mortalité dans les prisons de Hissène Habré, basée sur les documents de la DDS. Il rapporte que « le taux de mortalité dans les prisons tchadiennes est de entre 90 fois et 400 fois plus élevé que le taux de mortalité normal chez les hommes à l’âge adulte au Tchad à la même période » et « substantiellement plus élevé que dans certains des pires contextes de guerre du XXème siècle », tel que le taux de mortalité des soldats allemands dans les prisons soviétiques ou des militaires américains dans les prisons japonaises durant la Seconde Guerre mondiale.

-Des experts de l’équipe argentine d’anthropologie médico-légale ont livré un témoignage technique sur les fosses communes exhumées au Tchad. A la ferme de Déli, lieu d’un supposé massacre de rebelles non armés en septembre 1984, les experts ont localisé 21 corps, majoritairement tués par balle. Presque tous ont été identifiés comme étant de sexe masculin et âgés en moyenne de 30 à 50 ans. A Mongo, au centre du Tchad, les experts ont découvert 14 corps qu’ils croient être liés à un autre massacre survenu la même année.

Clément Abaifouta, le président de l’Association des Victimes des Crimes du Régime de Hissène Habré (AVCRHH), a témoigné qu’il était forcé, pendant plusieurs années, d’enterrer les corps des personnes décédées en détention dans des charniers.

-Souleymane Guengueng, le fondateur de l’AVCRHH, a montré devant les Chambres des ustensiles de cuisine bruts qu’il avait sculptés lui-même en détention

 Robert Hissein Gambier, qui a survécu à cinq années passées en prison, alors surnommé « l’homme qui court plus vite que la mort » par l’un des agents de la DDS, a rapporté qu’il avait comptabilisé 2053 détenus morts en prison. Venu avec deux baguettes de bois, il a pu démontrer devant la cour comment sa tête était enserrée par ses tortionnaires, lui provoquant de terribles douleurs et des hallucinations.

Abdourahmane Guèye, un commerçant sénégalais emprisonné au Tchad, a témoigné que sa libération avait pu être obtenue grâce à des négociations diplomatiques intervenues entre les gouvernements tchadiens et sénégalais. Son compagnon sénégalais, Demba Gaye, est décédé en prison après avoir été placé dans la fameuse « cellule de la mort» à la prison des Locaux.

– Mahamat Nour Dadji, fils de l’un des plus proches conseillers de Habré, a rapporté que le directeur de la DDS lui-même s’était rendu chez lui dans la voiture de Habré et avait déclaré : « le président a besoin de vous ». Dadji fut emprisonné avec son père, et n’a plus jamais revu ce dernier.

–  Bichara Djibrine Ahmat a témoigné qu’en 1983, il fut enlevé avec 149 autres prisonniers de guerre pour être exécuté. Lui seul a survécu. Il a pu aider la Commission tchadienne d’Enquête à retrouver, près de dix ans plus tard, les charniers où se trouvaient les corps.

– La cour est également en possession de milliers de documents de la DDS qui ont été retrouvés par Human Rights Watch en 2001 dans les bureaux abandonnés de la DDS. Parmi ces documents figurent des listes de prisonniers, des certificats de décès, des rapports d’interrogatoires et des cartes d’identité. Ces documents font état de 12 321 victimes d’abus et de violations des droits humains, ainsi que de la mort de 1 208 détenus. Parmi ces documents se trouvent des copies de 1 265 communications directes adressées à Habré par la DDS sur le statut de 898 détenus.

Michel DIEYE

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