Acharnement du pouvoir sur le Groupe D Medias : Quand Bougane devient l’agneau du sacrifice

«Payer les impôts, OUI ! Mais plan de liquidation ciblé, NON!». Pour Y en a marre, qui s’exprime ainsi, plus qu’une question de fiscalité, le blocage des comptes de Zik Fm après ceux de Sen Tv, frise la chasse aux candidats déclarés à la présidentielle de 2024, un acharnement politique sur fond d’utilisation d’armes non conventionnelles, sans penser à la situation des 580 journalistes et techniciens des médias de D-Média, «soutiens de familles».. Mais, pour l’homme politique-patron de presse dudit groupe, c’est peine perdue. Bougane Gueye Dany refuse d’être asphyxié.

L’engagement citoyen ou politique contre le régime de Macky Sall, devenu ris-qué sous nos cieux, a fini par laisser les portes de la prison ouvertes pour la presse, les activistes, la société civile et beaucoup de candidats déclarés à la présidentielle de 2024. Les tenants du pouvoir ont, ainsi, choisi des méthodes peu orthodoxes et pas du tout conventionnelles pour «éliminer» des candidats, faire taire des journalistes, et «étouffer» des patrons de presse sans penser aux dégâts collatéraux. «Je ne leur dois rien. Ils peuvent fermer D-média mais cela n’altérera en rien mon engagement à combattre le régime de Macky Sall».

Telle a été la réaction du Pdg du groupe D-Média à la suite de ce qui est qualifiée d’énième forfaiture du pouvoir contre sa personne. Seulement, celle-ci ne manque pas de provoquer des dégâts collatéraux. Puisqu’en bloquant les comptes de Sen Tv (le 21 septembre 2021) et ceux de la radio Zik Fm (ce 9 décembre 2022), le président Macky Sall et son administration fiscale semblent omettre la situation des 580 employés, «soutiens de familles», dudit groupe de presse dont le seul tort est de travailler pour un candidat déclaré à la présidentielle de 2024.

A ce propos, les responsables du mouvement Y’en a marre demeurent convaincus que «le groupe Dmedia doit continuer de rayonner dans le paysage médiatique du Sénégal». C’est ainsi que, poursuivent-ils, «le tuer, c’est amputer notre pays d’un groupe de presse ayant apporté une contribution certaine dans l’approfondissement de notre démocratie, l’anéantir, c’est plonger dans la précarité et l’incertitude des centaines de mères et pères de famille». Un point de vue largement partagé par des observateurs et autres droit de l’hommistes qui dénoncent «l’arme non conventionnelle» brandie par Macky Sall pour «éliminer» de la course à la présidentielle de 2024 des candidats déclarés.

Bougane Gueye Dany, qui a déjà déclaré sa candidature, dira qu’«après Sen Tv SA, les comptes de Zik fm sont bloqués par une administration fiscale partisane au service de Macky Sall. Le chef de Benno veut étouffer Bougane et son empire et sacrifier les 580 soutiens de familles qui travaillent à D-media. Cette initiative est le fruit d’un acharnement purement politique d’inspecteurs des impôts et domaines du Centre des Moyennes entreprises (CME)».

Et l’homme politique-patron de presse d’avoir l’intime conviction que «l’administration fiscale est ainsi utilisée par le régime de Macky Sall pour bâillonner le Groupe DMEDIA qui n’a de tort que d’avoir une ligne rédactionnelle qui n’est pas du goût des tenants du pouvoir. Aujourd’hui les impôts réclament près de deux milliards de nos francs à la chaîne de télévision du Groupe Dmedia alors que toutes les entreprises de presse ont bénéficié d’une remise gracieuse durant cette même période».

A l’en croire, cette série de blocages systématiques des comptes du groupe D-Médias n’est qu’un bouc émissaire de ce qui est réellement «un acharnement politique». Et pour mettre fin à cette iniquité socio-économique, Y’en a marre préconise l’«impératif d’aménager de façon intelligente un mécanisme pour que le groupe de presse puisse satisfaire les exigences en matière de fiscalité, sans sombrer dans l’extrême d’une faillite. Il reste à prouver que les autres grands groupes de presse sont soumis à la même rigueur que Dmédia. Payer les impôts, OUI ! Mais plan de liquidation ciblé, NON!» Même si la Direction général des impôts et domaines (Dgid) persiste dans ses explications sans convaincre:

«Il convient de préciser que les dispositions fiscales dérogatoires prises en période pandémique pour accompagner les entreprises impactées, ne constituent pas une mesure d’amnistie fiscale et ne font nullement obstacle à l’exercice du droit de contrôle, notamment sur la période non prescrite.

A la lumière de ces précisions, la DGID rappelle que la loi fiscale est de portée générale et impersonnelle, sa mise en œuvre n’obéit à aucune obédience et ne donne, non plus, droit à aucune forme de traitement de faveur; que les procédures de contrôle fiscal sont toujours menées en conformité avec la loi; qu’elle astreint ses agents au respect du secret professionnel; qu’elle reste attachée au respect des principes d’équité fiscale et de justice fiscale». A noter que le 21 septembre 2021, le fisc avait bloqué tous les comptes bancaires de la Sen Tv par le biais d’un ATD N°00581. Pour cause, l’administration fiscale réclame 2 milliards CFA à Dmédia. Un an plus tard, et comme si cela ne suffisait pas, la Dgid revient à la charge pour verrouiller ceux de Zikk Fm en réclamant, cette fois-ci, 3,6 milliards de fcfa.

Le CNRA, pour traquer les «opposants» de la presse

Toujours dans le cadre de cette «traque» à l’opposant Bougane Gueye Dany, le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (Cnra) a été mis à contribution pour freiner les ardeurs du patron de presse de D-Médias. C’est ainsi qu’en moins d’une année, le signal des supports du groupe a été coupé à deux reprises. C’était le 31 mars 2022 lorsque le président Babacar Diagne et Cie motivaient leur décision en ces termes:

«Attendu que suite à des constats de manquements à la réglementation, le Conseil avait, le 14 mars 2022, mis en demeure la Sen Tv et la Zik Fm: qu’il ressort de la mise en demeure que le Cnra appelait la Sen Tv et la Zik Fm de prendre les dispositions pour mettre définitivement un terme aux violations de la réglementation par Monsieur Ahmed Aïdara dans ses revues des titres et de presse(…). Constatant que la mise en demeure n’a pas été respectée par la Sen Tv et la Zik Fm, le Cnra a pris, le 29 mars 2022, une décision portant interdiction à la Sen Tv et à la Zik Fm de faire animer les revues des titres et de presse par Monsieur Ahmed Aïdara à compter de la notification de la présente décision.

Constatant que la décision adressée à la Sen Tv et à la Zik Fm n’a pas été respectée, Monsieur Ahmed Aïdara ayant fait les revues des titres et de presse du 30 et du 31 mars 2022 (…), le Cnra, après en avoir délibéré ce 31 mars 2022; DECIDE: Article 1: En application de l’article 26 de la loi n° 2006- 04 du 04 janvier 2006 portant création du Cnra et de l’article 210 de la loi n° 2017-27 du 13 juillet 2017 por-tant Code de la Presse, la diffusion des programmes de la Sen Tv et de la Zik Fm est suspendue pour 72 heures, durant la période allant du jeudi 31 mars 2022 à 18 heures au dimanche 3 avril 2022 à 18 heures».

Auparavant, le Cnra avait suspendu, pour 72 heures durant la période allant du jeudi 4 mars 2021 à 17 heures au dimanche 7 mars 2021 à 17 heures, la diffusion de tous les programmes de Sen Tv et Walf Tv lors de l’arrestation du leader de Pastef, Ousmane Sonko. Le gendarme de l’audiovisuel, s’appuyait sur l’article 26 de la loi n° 2006-04 du 4 janvier 2006 portant création du Cnra et l’article 210 de la loi n° 2017- 27 du 13 juillet 2017 portant Code de la presse pour justifier sa décision.

Vers la censure de «La Tribune» D’«injustices en injustices», la «chasse» au leader du mouvement Gueum Sa Bopp n’est pas encore finie. D’après des sources très au fait de ce qui se trame dans les hautes sphères de l’Etat, «la censure du quotidien d’informations générales, La Tribune, sera le coup KO qui mettra Bougane hors d’état de nuire Macky Sall».

En définitive, opposants, activistes, membres de la société civile et même les acteurs de la presse, victimes d’arrestation et d’intimidation, alertent sur le fait que «le troisième mandat pousse dangereusement le Sénégal vers des lendemains incertains».

Le Mandat

Oumou Khaïry NDIAYE
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