L’indignation est légitime lorsqu’elle naît de la compassion sincère pour le peuple, mais elle devient sélective lorsqu’elle s’alimente d’intentions politiques ou partisanes. On ne peut pas, d’un côté, fermer les yeux sur les années d’inertie, de gabegie et d’injustice qui ont contribué à créer la situation actuelle, et de l’autre, s’ériger soudain en donneur de leçons à un gouvernement en place depuis quelques mois seulement.
Oui, le chômage des jeunes est une réalité douloureuse. Oui, la pauvreté est un défi national. Mais il est intellectuellement malhonnête de faire porter à un régime naissant la responsabilité d’un mal structurel qui s’est enraciné depuis des décennies. Le discours sur la souffrance populaire ne doit pas servir d’arme politique, encore moins de tremplin médiatique pour ceux qui, hier, se taisaient face à l’injustice, mais aujourd’hui crient à la trahison dès qu’ils ne sont plus aux commandes.
Ce gouvernement hérite d’un pays fragilisé, d’un appareil administratif lourd, d’une économie dépendante et d’attentes immenses. Plutôt que d’alimenter le découragement, chacun devrait contribuer à l’effort de redressement national. La critique constructive est utile, mais la désinformation, les procès d’intention et les campagnes de dénigrement ne servent qu’à affaiblir l’État et à détourner l’attention des vrais enjeux.
Il est facile d’inviter à la sobriété depuis un clavier, mais encore faut-il reconnaître les premiers gestes de rupture : réduction du train de vie de l’État, audit des institutions, réorientation des priorités budgétaires, rationalisation des dépenses publiques. Ces efforts ne se mesurent pas en slogans mais en réformes concrètes qui demandent du temps et de la cohérence.
Quant aux meetings évoqués, ils ne sont pas des « fêtes », mais des moments de mobilisation républicaine, de pédagogie politique et d’explication publique. Gouverner, c’est aussi parler, expliquer, écouter — dans la rue comme dans les institutions.
L’indignation sélective de certains pseudo-intellectuels, chroniqueurs improvisés ou politiciens en reconversion, ne trompe plus personne. Elle vise moins à défendre le peuple qu’à préparer un retour sur la scène politique, au détriment de la stabilité nationale.
Ce pays n’a pas besoin de cris, mais de lucidité. Pas d’accusations gratuites, mais de solutions partagées. Le gouvernement, lui, travaille — parfois dans le silence, mais avec la volonté sincère de remettre le Sénégal debout.
Alors oui, indignons-nous, mais indignons-nous avec cohérence, avec justice, sans hypocrisie. Car le vrai courage n’est pas de dénoncer quand c’est facile, mais de bâtir quand tout semble difficile.
Souleymane Ndiaye président de Eco Citoyen


