PROJETS DE COMBUSTIBLES FOSSILES EN AFRIQUE ENTRE 2016 ET JUIN 2021 : Pas moins de 132,3milliards de dollars versés par des institutions financières étrangères

Une nouvelle étude « L’argent d’outre-mer maintient les pays africains dans le carcan des combustibles fossiles », publiée par BankTrack, Milieudefensie, Oil Change International et 19 partenaires africains dont 350Africa, Alliance for Empowering Rural Communities (AERC) du Ghana et WEP Nigeria, révèle que pas moins de 132,3milliards de dollars versés par des institutions financières étrangères pour financer les projets de combustibles fossiles en Afrique entre 2016 et juin 2021.

D’après le rapport, alors que les pays africains sont déjà touchés de manière disproportionnée par les effets de la crise climatique, le continent accueille également un nombre croissant de projets de développement de combustibles fossiles.
« Ces projets de développement de combustibles fossiles viendront aggraver la crise climatique et nuire aux communautés locales et à l’environnement. Ils risquent d’enfermer les pays africains dans une dépendance aux combustibles fossiles et de les empêcher de passer, en temps voulu, aux énergies renouvelables. Ces projets de développement de combustibles fossiles bénéficient d’un soutien financier venant du monde entier », renseigne-t-on dans le document susmentionné.

D’après la source, le présent rapport illustre l’ampleur du soutien financier fourni par les banques commerciales, les institutions de financement du développement et les organismes de crédit à l’exportation (OCE) dont a bénéficié le secteur des combustibles fossiles en Afrique de l’Ouest, de l’Est, centrale et australe entre 2016, année d’entrée en vigueur de l’Accord de Paris, et fin juin 2021. Et ce rapport indique les institutions financières du secteur privé et du secteur public qui représentent la majorité de ces financements.

« Nos recherches ont révélé 782 projets de combustibles fossiles en cours d’exploitation ou de construction en Afrique de l’Ouest, de l’Est, centrale et australe, et 111 autres projets annoncés, proposés ou autorisés, entre 2016, année d’entrée en vigueur de l’Accord de Paris, et fin juin 2021. Toujours durant cette même période, 71 projets ont été écartés, bien qu’ils puissent redevenir viables à l’avenir. Ces 964 projets de combustibles fossiles sont détenus ou soutenus par 406 entreprises dont la grande majorité dispose d’un siège social en Europe, aux États- Unis ou en Chine », poursuit le rapport.

Toujours d’après le rapport, les investissements considérables consacrés au secteur des combustibles fossiles affaiblissent également l’énorme potentiel que représentent les énergies renouvelables en Afrique.
« Selon Carbon Tracker, le continent africain possède 39 % du potentiel mondial d’énergies renouvelables. Pourtant, l’Afrique et le Moyen-Orient ne reçoivent ensemble que 2 % des investissements annuels en matière d’énergies renouvelables. Au lieu de cela, les institutions financières continuent d’accorder des financements importants au secteur des combustibles fossiles dans la région, ignorant les besoins des populations en énergie propre et abordable, l’énorme potentiel en énergies renouvelables de l’Afrique, et réduisant le besoin urgent d’une
Transition Juste », précise l’étude.

Financement
Toujours d’étude, ils ont passé en revue les financements directs de 58 projets de combustibles fossiles ainsi que les financements à des fins générales de 24 entreprises de combustibles fossiles accordés entre 2016 et juin 2021.

Et le document de préciser : « Les institutions financières des secteurs public et privé ont versé pas moins de 132,3 milliards de dollars aux entreprises et projets liés aux combustibles fossiles en Afrique au cours de cette période. Ce montant comprend 82,5 milliards de dollars de financement d’entreprise pour les sociétés opérant dans le secteur des combustibles fossiles et 49,8 milliards de dollars de financement direct pour les projets de combustibles fossiles ; Sur les 15 principales institutions financières à l’origine de ces sommes, 10 sont des banques commerciales et cinq des institutions financières publiques ; La majorité des plus grands bailleurs de fonds des combustibles fossiles sont originaires d’Amérique du Nord et d’Europe, en particulier des États-Unis, du Royaume-Uni et de la France. JPMorgan Chase, Standard Chartered et Barclays figurent toutes dans le top 5 ».
L’étude précise que le plus grand bailleur de fonds de projets et d’entreprises de combustibles fossiles en Afrique au cours de cette période étudiée restait la Banque chinoise développement (CDB).
« Au total, la grande majorité du financement des combustibles fossiles en Afrique provient des pays du Nord Global. Les institutions financières d’Amérique du Nord, d’Europe et d’Australie ensemble ont contribué à hauteur de 72,5 milliards de dollars à ces financements entre 2016 et mi-2021. Les financements provenant d’institutions financières asiatiques, principalement de la Chine et du Japon, représentent 41,8 milliards de dollars du montant total. Les institutions financières africaines n’ont contribué qu’à hauteur de 15,4 milliards de dollars », renseigne le document.

Impacts des projets de combustibles fossiles en Afrique

« Le secteur des combustibles fossiles et ses bailleurs de fonds continuent de présenter l’extraction en cours et les nouveaux projets de combustibles fossiles comme un important moteur de développement, affirmant qu’ils permettent de générer des revenus pour les autorités publiques, de l’emploi et un accès à l’énergie pour les nations les plus pauvres du monde. Cependant, les dispositions contractuelles désavantageuses, les pièges de la dette et l’appartenance de ces entreprises à des groupes multinationaux étrangers signifient que ce secteur sert principalement les intérêts des entreprises et des nations situées en dehors de l’Afrique, les populations et les gouvernements africains venant eux à supporter les risques de ces projets », renseigne l’étude.
L’étude souligne que la plupart du charbon, du pétrole et du gaz de la région étant destinés à l’exportation, ces développements n’apportent pas de réponse à la pauvreté énergétique à laquelle sont confrontés des millions d’Africains. Et les nouveaux projets risquent d’enfermer les pays dans une dépendance aux combustibles fossiles.

« Au cours des dix prochaines années, les nouveaux projets pétroliers et gaziers, d’une valeur de 230 milliards de dollars risquent de devenir des actifs délaissés. Associés à l’accroissement de la dette nationale et des déficits publics, ces projets pourraient créer un effet d’entraînement dangereux, engendrant un chômage massif et une augmentation de la pauvreté, enfermant les pays dans le cercle vicieux de la pauvreté pour les décennies à venir », note le rapport.
Selon l’étude, au lieu d’accompagner le développement, les projets de combustibles fossiles ont souvent de graves répercussions sur les communautés locales et l’environnement, entraînant des déplacements de population, la perte de l’accès à la terre et à l’eau et par conséquent la perte de la sécurité alimentaire.
« Les processus de consultation ne sont pas organisés ou ne sont pas menés comme il se doit, et les femmes ne sont souvent pas incluses dans ces processus de consultation. Les emplois promis ne se concrétisent que rarement dans la réalité ou ne sont que de courte durée. La pollution causée par les marées noires et le torchage du gaz a de graves conséquences sur la santé, l’eau et les écosystèmes. Il va sans dire que le développement de combustibles fossiles contribue au changement climatique, qui à son tour affecte de manière disproportionnée les communautés africaines », souligne l’étude.

Risques pour les institutions financières
« Le secteur des combustibles fossiles devient également de plus en plus une activité risquée pour les institutions financières elles-mêmes. Les faiblesses systémiques, notamment les niveaux insoutenables d’endettement des entreprises, sont déjà présents dans le secteur, et se sont intensifiées pendant la crise sanitaire de la COVID-19 et l’effondrement des prix du pétrole en 2020. Tous les nouveaux projets pétroliers, gaziers et charbons risquent de devenir des actifs délaissés, de même que certains projets déjà en cours d’exploitation », note l’étude.
Et le rapport révèle : « Les litiges liés au changement climatique sont en augmentation et le risque d’impact négatif sur la réputation est accru par le manque de transparence, la corruption, les flux financiers illicites et les graves violations de l’environnement et des droits humains endémiques au secteur. En outre, si l’on ne parvient pas à limiter le réchauffement de la planète, cela représentera une menace systémique pour l’ensemble du système financier mondial ».

Saër DIAL

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Saër DIAL

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