Tel un professeur dans son amphithéâtre, Amadou Ba parle, coulisse le long de l’estrade où il est installé, détaille des éléments de son programme de campagne. Le regard jeté de gauche à droite, d’avant en arrière, il place quelquefois d’un ton taquin, une « boutade » et déclenche une hilarité générale du public qui «semble boire» ses paroles avant d’enchaîner avec le sérieux qui le caractérise.
Amadou Ba semble être dans son élément. Sans doute dopé par les cris stridents des militants et l’éclat des pétards qui scintillent, illuminent le ciel et se reflètent sur le fleuve qui traverse la vieille ville.
Le candidat de BBY, plutôt le professeur d’un cours du soir, s’autorise une correction sur la copie de ses adversaires (la coalition Diomaye Président, Ndlr) qui envisagent de sortir le Sénégal de la zone CFA en créant une monnaie locale, une fois au pouvoir. Une question qu’Amadou Ba aborde de façon pointue et sérieuse. Car, indique-t-il, « à l’ère des grands ensembles, aucun État ne peut se construire seul. On ne joue pas avec la monnaie car elle est déterminante dans le développement mais surtout elle participe à la souveraineté d’un pays ».
Selon lui, ceux agitent l’idée de monnaie locale le font de manière inconsciente ou par ignorance. Aujourd’hui, dit-il, les pays qui nous entourent et qui ont leurs propres monnaies ne sont pas plus développés que le Sénégal qui n’a rien à leur envier.
» L’Europe a réuni plus de 20 pays autour d’une monnaie commune. Dans la zone UEMOA, nous sommes 8 pays à travailler, non sans peine, avec la monnaie de la CEDEAO composée de 15 Etats. Ces difficultés déjà rencontrées alors qu’on est plus nombreux prouve que y aller seul est une option insensée », réplique-t-il. Amadou Ba signale que des pays avec qui nous partageons le CFA sont en difficulté pour autant ils ne songent même pas à une monnaie locale.
« On ne joue pas avec une monnaie, on ne s’hasarde pas dans ce jeu. C’est mauvais pour un pays et pour les populations »‘, dixit l’ancien Premier ministre qui rature ainsi le projet de ses challengers. Amadou Ba d’ajouter: « Ces gens qui le disent nous servent la preuve qu’ils ne feront même pas trois mois à la tête du Sénégal que le pays sera déjà dans l’impasse. C’est un non-sens économique pour le Sénégal. Pendant que la bonne direction est à l’est, eux se dirigent vers l’ouest », constate le candidat de BBY.
Se saisissant d’une autre copie relative aux contrats pétrolier et gazier signés par l’État du Sénégal, Amadou Ba remet les choses à leur endroit : « j’entends des candidats parler de renégociation de contrats. Cela relève d’une insécurité juridique à moins qu’on veuille s’engager dans des choses qu’on ne maîtrise pas. C’est un faux nationalisme parce que le Sénégal est un État de droit. Il n’y a pas pire dans la vie que de faire espérer aux populations des choses dont on est sûr de ne pas pouvoir réaliser. C’est une promesse impossible à tenir. Ce sont des leurres », dénonce-t-il. Amadou Ba souligne qu’en signant les contrats en question, le Sénégal a pris toutes les précautions nécessaires.
« Ces contrats ont la même trame que partout en Arabie Saoudite, aux États-Unis, en Chine, au Japon. Dire qu’on veut changer tout cela relève de la tromperie. Il faut qu’on aille à l’exploitation assez rapidement pour le bien-être des générations actuelles et futures à travers les recettes qui vont passer par le budget national.
Son cours magistrale est entrecoupé par le rythme du «sabar» et des chants qui offrent une ambiance de fête sur la place Faidherbe. Laquelle est prise d’assaut par des fidèles qui voulaient communier avec leur candidat.
Adulé et chanté à tue tête, Amadou Ba, touché par cette belle marque de sympathie, s’en réjouit et déclare: « Ndar a un avenir radieux du fait de l’exploitation prochaine du gaz » au large de ses côtes.
Concernant les promesses faites par l’opposition notamment par le candidat Boun Dionne sur le secteur de la pêche, Amadou Ba remet les points sur les « i ». « Le Sénégal n’a signé qu’un seul accord de pêche avec l’Union européenne et cela concerne uniquement le thon », soutient-t-il.
En 1960, récapitule Amadou Ba, « il n’y avait que 3 mille pirogues, à présent nous sommes à plus de 20 mille. Avec autant de pêcheurs dans les eaux sénégalaises, alors que les ressources n’augmentent pas, forcément il y aura problème ».
Il estime toutefois que la solution est de négocier avec l’Union européenne pour que les bateaux de pêche industrielle se limitent dans les eaux profondes pour permettre à la pêche artisanale de survivre dans les côtes sénégalaises. Il promet en outre de renforcer la subvention des moteurs de pêche et la création d’une société d’assurance dotée de 5 milliards FCFA pour les pêcheurs artisanaux.
« On ne confie pas un pays à n’importe qui. Ces gens là c’est comme qui dirait : ils veulent passer l’examen du baccalauréat alors qu’ils ne sont encore inscrits à l’école. Vouloir passer le baccalauréat en classe de CI, forcément il y aura problème. C’est ce qui explique certaines propositions à dormir debout faites par les autres candidats », cogne Amadou Ba.
Maintenant, fait-il remarquer, « ils ne font du copier-coller. Tous parlent de trois axes à présent. A la place de transformation structurelle, ils reformulent ça d’une autre manière ; quand nous parlons de développement du capital humain, ils parlent de développement du capital social ; même chose pour la gouvernance, paix et sécurité, ils appellent ça autrement.
Tous les candidats qui parlent ne font que plagier. Mais la copie est souvent truffée de fautes quand on veut recopier sur un esprit supérieur alors qu’on n’a pas été à bonne école. C’est ce qu’il leur arrive », pique encore le candidat de la mouvance présidentielle. Pour Amadou Ba, « on ne peut réfléchir à un programme de développement pour le Sénégal sans véritablement s’inspirer du Plan Sénégal émergent (PSE) », s’enorgueillit t-il.