Lettre ouverte à mon Petit Frère son Excellence le Président Macky Sall.

Excellence Monsieur le Président,

Cher petit frère,

Je suis un de tes grands frères que le chemin de la vie a croisé le tien à la faculté des Sciences de l’Université de Dakar, devenue plus tard l’UCAD, lorsque tu venais d’être admis à l’Institut des Sciences de la Terre (IST).  Tu te rappelleras sans doute que cette école et sa sœur l’INDR ont été créées par le gouvernement du Président Abdou Diouf sans des Statuts et bourses pour celles et ceux qui y seront admis plus tard.

Hélas, j’aurai préféré que ce soit une note privée entre Grand Frère et Petit Frère. Toutefois les personnes qui t’entourent et auraient pu être un véhicule pour sa transmission ont préféré ne pas faciliter sa remise à mains propres pour des raisons que je ne peux sincèrement pas comprendre.

Monsieur le Président de la République, cher Petit Frère,

Ce courriel a deux objectifs. Le premier est de vous souhaiter à Marième, les enfants et toi-même ainsi que tous vos proches un bon reste de l’année 2022.  Je souhaite que durant ce dernier trimestre de 2022 et au-delà, vos compagnons les plus assidus soient la bonne santé, la paix et la réussite dans vos entreprises.  A toi cher petit frère je souhaite que le restant de ton deuxième mandat comme Président de la République du Sénégal, que je souhaite du fond de mon cœur être le dernier pour des raisons sur lesquelles je reviendrai plus loin, soit couronnée de succès et paix social.  J’implore Roog Sen et les Pangol que ton mandat de Président de l’Union Africaine se termine en beauté.

Monsieur le Président de la République, cher Petit Frère,

Le deuxième objectif de cette lettre est de te prodiguer des conseils de grand frère sur le débat en cours concernant le troisième mandat ou deuxième quinquennat comme certains ont malignement choisi de l’appeler.  Pour des raisons que je qualifierai de partisanes certains te conseillent de briguer un autre mandat parce que l’actuelle constitution du Sénégal t’en donne le plein droit alors que d’autres déclarent mordicus que solliciter auprès des Sénégalaises et Sénégalais une prolongation de ton magistère sera une violation flagrante de l’un des Articles de la loi fondamentale de notre pays qui a été adoptée 2016.

Monsieur le Président de la République, cher Petit Frère,

Je suis juridiquement contraint d’être du même avis que les Ismaïla Madior Fall et autres qui soutiennent que l’abrogation de l’Article 26 de la Constitution de 2001 et son remplacement par l’article 27 de la constitution de 2016 te donne, légalement parlant, le droit à deux quinquennats en plus des sept années que la constitution antérieure t’avait accordé.  Cet article stipule que « La durée du mandat du Président de la République est de cinq ans. Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs ».

Aucune mention n’est faite sur la rétroactivité ou non-rétroactivité de cet Article oh combien important. Pour cette raison son interprétation est laissée une myriade de formes de supputations qui peuvent être toutes légalement justifiables en se fondant soit sur libellé de son texte ou ce qui est sous-entendu comme étant son esprit vue les circonstances nationales dans lesquelles ce changement a été opéré.

Là où je déplore l’attitude à ton égard d’Ismaïla Madior Fall (je cite son nom ici parce que c’est un juriste que j’ai toujours eu beaucoup de respect pour) et celles et ceux qui essaient de te convaincre d’aller pour un deuxième quinquennat est qu’ils n’ont en ligne de mire que leurs intérêts personnels et pas les tiens. Ce qui importe pour eux c’est la préservation des privilèges auxquels ils se sont habitués durant les 12 dernière années.  Ils ne se soucient pas du tout de l’héritage politique que tu vas laisser derrière.

Monsieur le Président de la République, cher Petit Frère,

Toute personne qui tant soit peu suit la vie politique sénégalaise sait que le 23 juin 2011 le peuple sénégalais avait clairement exprimé son désir de ne plus voir des Présidents qui font plus de deux mandats successifs à la Magistrature Suprême de leur Pays. Par conséquent même s’il y a du flou dans le texte de l’Article 27 de la Constitution de 2016, son esprit qui a été exprimé par le support massif du Mouvement du 23 Juin par les masses populaires doit te pousser à t’interdire de demander un troisième mandat au peuple sénégalais. Me Abdoulaye Wade qui est un juriste de haute qualité a voulu ignorer l’esprit de la loi et a appris à ses dépens la nécessité de respecter la volonté du peuple. Le tout sauf Wade de 2012 qui t’avait aidé à le battre à plate-couture lors du deuxième tour de l’élection présidentielle de 2012 peut être interprété comme un rejet sans appel des Sénégalaises et Sénégalais d’un troisième mandat.

Monsieur le Président de la République, cher Petit Frère,

L’homme d’Etat se sert de ce qu’il est convaincu être juste et impartial dans son for intérieur comme baromètre pour prendre des décisions politiques.  Le Politicien professionnel, dont le seul et unique objectif est de conquérir et garder le pouvoir le plus longtemps possible cherchera toujours à utiliser les faiblesses dans le libellé des textes des lois pour justifier des actions ou décisions, qu’il sait être injustes et/ou au bord de la légalité mais servent ses intérêts égoïstes. Le flou dans le deuxième alinéa de l’Article 27 de notre constitution de 2016 est justement un outil qui peut être utilisé par un politicien véreux.

Monsieur le Président de la République, cher Petit Frère,

Jusqu’à la preuve du contraire je continuerai à croire que tu ne fais pas parti de la classe des politiciens véreux qui ne reculeront devant rien pour servir leurs intérêts égoïstes. Ce faisant je te pose la question suivante : Vas-tu confirmer cette belle impression que j’ai de toi et montrer au monde entier que tu es un vrai homme d’Etat ou choisiras-tu de te vêtir du costume du politicien professionnel pour essayer de prolonger ton magistère ? Si tu souhaites que ton nom soit inscrit en lettre d’or dans l’histoire politique de notre pays et de l’Afrique, seule une réponse affirmative à ma question pourra t’aider à réaliser ce rêve.

Monsieur le Président de la République, cher Petit Frère,

Je ne sais pas si ce flou dans l’Article 27 a était fait sciemment pour permettre aux politiciens d’allonger leur conservation du pouvoir ou que c’était une erreur de la part des auteurs de cet article mais c’est bien dommage que ce flou n’ait pas été éviter surtout que ce manque de clarté avait causé des troubles qui avaient couté des vies humaines.  Pour mettre fin, une fois pour toute, au flou créé par cet article je te conseille de réunir les conditions d’une reformulation de l’Article 27 de notre constitution en demandant celles et ceux qui vont produire le texte de cet article de s’inspirer du 22ème amendement de la Constitution des Etats-Unis d’Amérique qui dit ; « Nul ne peut être élu à la fonction de président plus de deux fois, et aucune personne qui a occupé la fonction de président ou agi en tant que président pendant plus de deux ans d’un mandat pour lequel une autre personne a été élue président ne peut être élu plus d’une fois au poste de président. Mais cet article ne s’applique pas à toute personne occupant la fonction de président lorsque cet article a été proposé par le Congrès, et n’empêche pas toute personne qui peut occuper la fonction de président ou agir en tant que président pendant la période au cours de laquelle cet article devient effectif d’occuper le poste de président ou d’agir en tant que président pendant le reste de ce mandat. »

Monsieur le Président de la République, cher Petit Frère,

Comme l’a une fois dit James Madison, le Père de la Constitution américaine et quatrième Président des Etats Unis d’Amérique, « l’histoire est l’oracle de demain ». Si Alpha Condé avait fait sienne les leçons tirées de déboires de Me Abdoulaye Wade en 2012 et suivi l’exemple d’Alpha Oumar Konaré ou de Nelson Mandela, il serait entré dans l’histoire comme une exception guinéenne. Il serait entré dans l’histoire comme un exemple Africain à suivre. Il serait aujourd’hui respecté par tout le peuple guinéen y inclus ses opposantes et opposants les plus farouches.  Lui l’historien a préféré ignorer une histoire qu’il connait bien et avait enseigner parce que le pouvoir avait corrompu son jugement.  Le résultat c’est cette photo de lui pieds nus assis sur un fauteuil entouré de jeunes militaires dont les parents de certains d’entre eux n’étaient peut-être pas nait lorsque lui se battait contre le comportement qui lui a valu d’être chassé du pouvoir comme un mal propre.  C’est bien dommage que malgré tous les sacrifices que cet homme avaient consentit pour le retour du « pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple » guinéen que ce que l’histoire risque de retenir de lui est qu’il a voulu confisquer le pouvoir et a été chassé par un Garçons qu’il avait recruté lui-même pour assurer sa sécurité.

Tu sais très bien cher petit frère que lorsque les Sénégalaises et Sénégalais t’avaient accordé une victoire éclatante sur ton mentor Me Wade en 2012 ils comptaient sur toi pour jeter les bases solides d’une tradition : un président deux mandats au maximum. Mais les chasseurs et chasseuses de prime qui t’entourent veulent que tu trahisses ta conscience. Le Macky Sall que j’ai connu à l’université avait plus de dignité que cela. Mais peut être que l’adage qui dit que le pouvoir corrompt celles et ceux qui en ont gouté a eu raison sur toi ou que tu as pitié de ces personnes dont les familles comptent sur ton maintien aux reines de la République du Sénégal pour préserver le niveau de vie qu’elles ont acquis grâce à ton accession à la Présidence.

Monsieur le Président de la République, cher Petit Frère,

Je comprends bien l’attitude de ces personnes qui presque à genoux te prient de ne pas écouter ton for intérieur. Je peux même te dire que je sympathise avec elles.  Ton maintien au sommet de la pyramide administrative et politique du Sénégal est leur « sang suturë » et comme le disent les sages de nos cousins Waalaf «ken du fec yalnaa dee».  Ces personnes, comme tu le sais, veulent que tu restes au pouvoir non pour tes intérêts ou ceux du Sénégal mais pour leurs propres intérêts. Je te prie de te rappeler de ce passage de la fable du « Corbeau et le Renard » de la Fontaine ;  «Mon bon Monsieur, Apprenez que tout flatteur Vit aux dépens de celui qui l’écoute »

Monsieur le Président de la République, cher Petit Frère,

Je suis convaincu que si tu décides de te porter candidat pour un troisième mandat, tu auras de très fortes chances d’être réélu. Certes les dernières élections locales législatives semblent indiquer que ta Coalition a perdu la confiance des Sénégalaises et Sénégalais. Mais l’histoire est truffée d’exemples de Présidents dont les partis ont été laminés à une élection locale ou législative deux ans au préalable mais sont sortis victorieux de leur effort d’être réélu. Barack Obama ne me contredira pas. Aussi bien en 2012 qu’en 2019, tu avais remporté des victoires glorieuses donc n’as plus rien à prouver en termes de pouvoir gagner une élection présidentielle sénégalaise. Comme le disent les Sage Seereer « xeli ñaama ndawal na a ceemreem”. Les sages de nos cousins Waalaf disent aussi que « nguur ken du ko ñëd ». Une victoire pour toi à l’élection présidentielle de 2024 va rendre un très mauvais service à ton héritage politique. Toute personne qui te veut tant soit peu du bien te conseillera de ne pas sacrifier une belle entrée dans l’histoire politique sénégalais et africaine pour cinq ans de plus à la magistrature suprême du Sénégal quels que puissent être les bénéfices matériels que tes compagnons et toi-même pourront en tirer.

Excellence Monsieur le Président,

Cher petit frère,

Pendant 12 ans tu as fait de ton mieux pour mettre les Sénégal sur la bonne voie vers le décollage économique.  On peut ne pas être d’accord avec toi mais nul ne peut nier de manière objective que tu vas laisser derrière toi un héritage impressionnant qui est visible par le nombre de routes que tu as fais bitumer, le nombre de ponts que tu as fait construire, le montant de l’assistance sociale que ton gouvernement a accordé aux nécessiteux, le Symbolisme que représente le Stade Abdoulaye Wade et tant d’autres réalisations.  Cet héritage fera pendant des décennies l’objet de la fierté de ton peuple. Mais dans le long terme, lorsque ces routes, ponts, stades seront devenus vétustes ou disparus et que les bienfaits de l’assistance social seront devenus les mémoires lointaines de personnes qui ne seront plus de ce monde, ton apport dans le développement politique du pays sous la forme du renforcement des institutions de la République du Sénégal sera ce dont les historiens vont se rappeler et écrire. C’est ce dernier héritage qui va servir aux générations futures de Sénégalaises et Sénégalais lorsqu’elles auront besoin de classer les Présidents et Présidentes de l’histoire politique du Sénégal, du meilleur au pire. Donner un bon exemple dans l’institutionnalisation de « Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs » sera de ta part une grande contribution au développement politique dont les bénéfices pour notre pays et l’Afrique, surtout celle dite à tort francophone, peuvent être immenses.  Cher petit frère, ne laisses pas s’il te plait échapper l’opportunité d’être le Premier Président de l’histoire politique de notre pays qui a volontairement accepté de ne pas briguer un troisième mandat alors qu’il pouvait légalement le faire.

Je sais que la conservation du pouvoir par ton bébé politique l’APR est un désir ardent pour toi. Quoi de plus normal ? Mais l’histoire a mainte fois prouvé que lorsqu’un peuple a un goût d’inachevé avec le magistère d’un Chef d’Etat parce que ce dernier a décidé, pour une raison ou un autre, de ne pas chercher un autre mandat, la Candidate ou le Candidat qu’il choisit de soutenir pour le remplacer est en général élu pour continuer son œuvre. Dans l’histoire récente on peut citer le cas De Gaulle-Pompidou en France, le cas Reagan-Bush aux Etats Unis, Poutine-Medvedev en Russie pour ne citer que ceux-là.  Je suis sûr et certain qu’il doit y avoir dans ton parti l’APR ou ta coalition Benno Bok Yaakar, une personne en qui tu as confiance pour poursuivre ton œuvre.

Monsieur le Président de la République, cher Petit Frère,

Tu as aujourd’hui l’opportunité de sortir par la très grande porte de laquelle sont sortis les George Washington, Alpha Oumar Konaré, Nelson Mandela et tant d’autres qui font la fierté de leur peuple par leur contribution au développement politique de leur pays.  Un politicien se focalise sur ses gains personnels alors qu’un homme d’Etat fait tout pour laisser un bel héritage institutionnel derrière lui.  Je crois personnellement qu’au fond de toi-même tu es un homme d’état. Tu as déjà dans ton compte le sauvetage du​ Sénégal d’un troisième mandat d’Abdoulaye Wade. Ne gaspis pas ce capital politique pour les intérêts de tes courtiers.  Je te prie de peser la décision que tu vas prendre contre son impact sur le Sénégal, l’Afrique et le Monde Noir étant donné que tu te réclames du Pan Africanisme comme tu me l’avais fait savoir la dernière fois que tu m’as reçu chez toi en audience !  Tu es encore jeune cher petit frère et peut faire beaucoup pour redorer le blason des africains si tu as le courage d’écouter ton for intérieur et te réapproprier ce qui a été et reste toujours le support caractériel de la dignité Xal Pulaar.

Cher petit frère, je termine ma lettre avec un rappel à toi et ma petite Sœur Marème ce qui fonde la dignité Seereer ; « Caaxaan faaxee, to o kiin delemum ».

Yasam Jam a miñ in Senegal fo Afrik!

Ton Grand frère

Kenar Sen

Politologue Sénégalais

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