L’APR 12 ans après : Macky sans ses 3 mousquetaires aux premières loges

Ils étaient un quatuor infernal de jeunes mousquetaires : Macky Sall, Alioune Badara Cissé, Mbaye Ndiaye, Moustapha Cissé Lô, décidés à croiser le fer avec le très téméraire et très froid président Abdoulaye Wade qui avait juré de scalper de son perchoir le président de l’Assemblée nationale, pour avoir convoqué son fils, Karim. Pas moins de cent onze députés furent mobilisés pour déchoir «l’autre fils».

Fier, Macky Sall démissionna du Pds, rendit le tablier de tous ses postes électifs, prit le maquis. Un directoire est mis en place piloté par l’intrépide avocat Me Alioune Badara Cissé. D’ores et déjà, la parenthèse Parti démocratique sénégalaise (Pds) est définitivement fermée, pour donner au quartet des ambitions plus sublimes, faire plier genoux à maître Wade, lui ravir le pouvoir.

Les quatre nouveaux mousquetaires ragaillardis vont aller à la rencontre des populations des villes et campagnes, du Sénégal des profondeurs, prôner la rupture, susciter l’espoir.

Après le départ de Idrissa Seck, Maître Alioune Badara Cisse (ABC) sera successivement conseiller spécial puis directeur de cabinet du Premier ministre Macky Sall, secrétaire général puis commissaire général du gouvernent près le Conseil d’État, ministre des Affaires Étrangères et des Sénégalais de l’Extérieur, deuxième rang du gouvernement derrière le Premier ministre, pendant sept mois.

Pour ses responsabilités politiques, ABC fut le coordonnateur national de l’APR, et porte-parole de Macky 2012. Le congrès d’investiture en 2012 du candidat Macky Sall, c’est lui. C’est encore lui qui opposa un niet catégorique au président nigérian Oluségun Obasanjo, envoyé par ses pairs de la CDEAO pour négocier un probable report des élections favorable au candidat Abdoulaye Wade.

ABC, c’est aussi l’avocat du programme « Yoo­nu Yokoute ». L’éloquence, la pertinence du discours.

Alioune Badara Cissé a de tout temps exprimé librement ses opinions et de façon crue, même si celles-ci n’ont pas l’heur de plaire au chef de l’État et à l’entourage de celui-ci. Une liberté de ton singulière à sa personnalité et qui dérange fortement l’ami, le compagnon politique habillé de ses nouveaux atours de président de la République, que les inconditionnels ne cessent de rappeler que c’est lui que les Sénégalais ont élu et personne d’autre et c’est lui seul qui demain va rendre compte à la Nation.

ABC revendique «une autonomie» difficile à concrétiser dans un champ politique où tout est référencé au chef suprême, père de tous. Pour lui, l’Alliance pour la République (APR) est un patrimoine commun à tous les pionniers.

De ses relations souvent heurtées avec son camarade de parti, relations qu’il a cru devoir être forgées sur un engagement politique, il se considère plus comme avocat défenseur des causes justes que simple fonctionnaire.

Alioune Badara Cissé s’est révélé au Sénégalais un grand tribun, capable de convaincre et d’en découdre aussi avec le camp d’en face ; il faisait partie des jeunes loups de Saint-Louis qui ne se laissaient pas ostraciser par le félin Idris­sa Seck depuis le départ de l’entourage du président Abdoulaye Wade d’un autre Ndar-Ndar, Me Ousmane Ngom. Dans l’APR, avec Aminata Touré, Mimi, ils étaient toujours aux avant-postes pour répondre au Ndamal Kadior.

Son comeback en politique est toujours envisageable puisqu’il va quitter la Médiateur de la République en août 2021, retrouver un terrain où il n’est pas un inconnu.

Une ambition présidentielle ?

On ne peut pas lui prêter l’idée d’en avoir puisqu’il avait exprimé que la question du 3ème mandat n’était pas à l’ordre du jour, que l’heure était au travail, que la succession ne se posait même pas.

Tout de même, on peut se poser cette question, puisque avec l’homme politique Macky Sall, tout est dans les domaines du monde possible : pourrait-il être la botte secrète de celui-ci qui l’avait volontairement privé de libertés en l’envoyant à la Médiateur, une prison à ciel ouvert où il pouvait se distraire sans écorcher l’autorité de son ami Niangal ?

C’est la démocratie interne comme mode de fonctionnement du mouvement au cœur des partis politique qui est dévoyée, dès le départ : le président du parti est tout, les autres, de simples accompagnateurs. Si la démocratie à l’interne est torturée, maltraitée, emprisonnée pour un parti qui brigue les suffrages universels des citoyens, que deviendrait-il une fois les manettes du pouvoir étatique entre ses mains ?

Un pouvoir personnifié, une bureaucratie autocratique, une République monarchique, qui ne laisse aucune place de survie à l’expression et à l’existence des gens d’en bas. Le compagnonnage naturel des militants s’effrite une fois que le président du parti accède au Palais, au fond, une des reliques des attributs de la monarchie.

Le président de la République, président du parti, président de la Coalition au pouvoir, président de fait de toutes les Institutions de la République, détient tout, commande tout, décide de tout. Le débat politique contradictoire, les décisions concertées à l’intérieur du parti, la contribution de celui-ci à l’élaboration du programme du gouvernement, toutes choses essentielles pour une démocratie socialisante que les nouveaux dirigeants abhorrent.

Si Maître Alioune Badara Cissé (ABC) entend s’inscrire dans cette démarche, sûr que son élan sera encore une fois brisé ; comme Fara Ndiaye, Idrissa Seck, Macky Sall, Malick Gackou, aujourd’hui Déthié Fall, Alioune Badara Cissé a failli être emporté par le virus «No2» Les directions des partis politiques font mauvais ménage avec ce poste, chiffre maléfique pour l’occupant de ce siège : le numéro 2.

Tout homme politique libre et engagé qu’il soit, ABC avait assuré au président Macky Sall qu’il n’a d’ambition que de l’accompagner pour la réussite de sa mission à la tête de l’État du Sénégal.

Mais. Moustapha Cissé Lô, qui a aussi tenu tête à Abdoulaye Wade quand Macky était voué aux gémonies par son régime, n’est pas mieux loti aujourd’hui. Il a été bouté hors des périmètres de l’Alliance pour la République. En juillet dernier, le président Macky Sall a activé la commission de discipline de l’Apr, près ces insultes à l’endroit du député Farba Ngom et du directeur du journal Le Soleil, tous responsables au niveau de l’Apr, dans une bande sonore devenue virale dans les réseaux sociaux.

A « l’unanimité », après avoir délibéré, la commission a prononcé l’exclusion du parti de Moustapha Cissé Lô, pour des propos « empreints d’une indécence que récusent la morale et la bienséance sociale ayant heurté la conscience des populations ». Pour éviter de continuer à subir, imaginant que le Pouvoir allait y arriver, l’ancien président de la Commission du Parlement de la CEDEAO a annoncé sa démission de son poste de deuxième vice-président de l’Assemblée nationale.

Aujourd’hui, député simple à l’Assemblée nationale, loin des arcanes de l’Apr et de la splendeur liée aux grâces du pouvoir, Moustapha Cissé Lô doit nourrir beaucoup de regrets, lui qui n’a épargné personne, mêmes les plus hautes autorités de son parti dans ses attaques au vitriol et insinuations.

Mbaye Ndiaye, de tout puissant ministre de l’Intérieur dans le premier gouvernement sous l’ère Macky Sall, est réduit aujourd’hui au poste de ministre d’Etat sans portefeuille auprès du président de la République. Même s’il a prononcé le discours lors du 12e anniversaire de l’Apr, l’ancien maire des Parcelles n’est plus très actif dans son fief électoral.

Estampillé « fin stratège » et bon connaisseur du processus électoral sénégalais, promis à un avenir radieux avec Macky, Mbaye Ndiaye a « vendu » les Parcelles assainies à Amadou Bâ qui risque, à son tour, de les perdre s’il n’a pas de responsabilité au sein du Pouvoir. Ministre de l’Economie et des finances, puis ministre des Affaires étrangères, Amadou Bâ a été limogé lors du dernier remaniement gouvernemental du 1er novembre 2020.

Ainsi donc, se résume la vie de ces trois mousquetaires qui ont construit et réussi, avec Macky Sall, le combat pour le départ d’Abdoulaye Wade du pouvoir. A son grand étonnement au lendemain du scrutin le 26 février 2012

Le Devoir

Pape Ismaïla CAMARA
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