Inflation dans l’UEMOA: la BCEAO veut encore réduire l’argent au moment où l’économie en a le plus besoin

La BCEAO a de nouveau durci les conditions de circulation d’argent dans l’UEMOA, pour contenir l’inflation qui frôle les 8,1%. Mais ce problème est bien plus complexe que la question monétaire, comme l’explique un rapport d’Ecofin Pro intitulé « Les dynamiques de l’inflation dans la zone UEMOA ». Ecofin

A l’issue de son comité de politique monétaire qui s’est tenu le mercredi 14 septembre, la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a décidé de relever une fois de plus le principal taux directeur auquel elle prête des ressources financières à court terme aux banques de son domaine de compétence pour le porter de 2,25% à 2,5%.

Selon la théorie économique, cette décision devrait normalement réduire la quantité d’argent en circulation au sein de l’UEMOA, l’union monétaire pour laquelle BCEAO fait office de banque centrale. « Cette décision qui fait suite à la première hausse des taux intervenue en juin contribuera à ramener progressivement le taux d’inflation dans l’intervalle cible de la Banque centrale (1% à 3%) sur le moyen terme », explique l’institution dans un communiqué.

Mais une autre préoccupation de cette banque centrale, tout comme celle de la BEAC en Afrique centrale, est de s’assurer que le niveau de masse monétaire ne mettra pas de pression sur les réserves de change. A fin juin 2022, ces dernières représentaient 5,1 mois d’importations. C’est une position confortable, mais qui reste limitée du point de vue des objectifs en vue de stabiliser la valeur de la monnaie

Sur toutes les bases de comparaison (annuelle, trimestrielle et mensuelle), l’inflation a continué de progresser au sein de cette sous-région économique et, à fin août, a atteint 8,1%. Mais la solution d’une hausse généralisée des taux applicables à l’ensemble des pays ne semble pas en cohérence avec la diversité des tailles des économies de l’UEMOA et aussi des dynamiques inflationnistes.

Aussi, selon les analystes de la BCEAO, l’inflation à 60% est portée par la pression des facteurs extérieurs (crise ukrainienne, hausse des prix de l’énergie) et intérieurs (faible productivité agricole). Si les pays de l’UEMOA ont peu de marge de manœuvre sur les produits énergétiques importés, il n’en est pas de même pour les produits agricoles.

Les faibles récoltes constatées par la BCEAO sont en partie le fruit d’une politique de crédit qui n’accorde pas suffisamment de prêts aux éleveurs/cultivateurs. Les arguments avancés par les banquiers sont un manque de structuration et une faible disponibilité des informations sur les potentiels emprunteurs. Ainsi, le secteur ne reçoit que 3% du volume des crédits accordés à l’économie, et une part essentielle va  vers les cultures de rente (cacao, café, anacarde et coton).

Enfin, cette politique de restriction monétaire est contraire à la hausse des emprunts des Etats de l’UEMOA sur le marché monétaire. Le fait pour les gouvernements d’emprunter toujours plus sur un marché où l’argent se fera rare entraînera une fois de plus un effet d’éviction pour de nombreux pans du secteur privé.

Au vendredi 2 septembre, l’encours total des emprunts effectués par les gouvernements de l’UEMOA sur le marché monétaire a atteint 18 760 milliards FCFA en hausse de 4,3% par rapport à celui de la même période en 2021, selon des données fournies par l’Agence UMOA-Titres. Lorsqu’on étend la comparaison sur la même période en 2018, la progression est de 114%. La BCEAO tombe ainsi dans le cercle vicieux d’une économie où on assiste à une politique monétaire restrictive et des politiques budgétaires qui continuent de grossir.

Ces différents défis nécessitent une bonne compréhension des dynamiques de l’inflation et une réflexion critique sur les solutions à y apporter. Selon des données collectées et un rapport publié par l’Agence Ecofin, l’inflation en zone UEMOA est bien plus complexe. Si la crise ukrainienne a été un catalyseur, le problème existe depuis bien longtemps et semble en lien avec la faible productivité agricole et surtout la difficulté des économies de la zone à véritablement s’intégrer.

Ecofin

Momar Diack SECK
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