Finance-Le saviez-vous ? La coordination entre créanciers est l’une des clés de la viabilité de la dette

Dirk Reinermann-Directeur du Département de la mobilisation des ressources de l’IDA et du Département des transactions financières de la BIRD

Nous savons que la dette, lorsqu’elle est utilisée de manière judicieuse et transparente, est un outil important pour financer le développement. Une gestion prudente de la dette peut stimuler les économies et ouvrir la voie à un avenir résilient. Les pays sont alors en mesure de privilégier des investissements essentiels dans la population et la croissance économique.

Pourtant, aujourd’hui, les pays les plus pauvres consacrent plus de 46,2 milliards de dollars par an au service de la dette extérieure à long terme contractée ou garantie par l’État, soit plus de 10 % de leurs recettes d’exportation. Il s’agit du montant le plus élevé depuis l’an 2000. Face à cette aggravation de la crise de la dette dont pâtissent les pays en développement, une approche globale est à l’évidence indispensable.

Au sein de la Banque mondiale, l’Association internationale de développement (IDA) est au service de ces 75 pays, en tant que source de financements concessionnels (c’est-à-dire des dons ou des prêts à taux d’intérêt faible ou nul). Bien que, en soi, ce type d’instrument apporte un répit et permette d’obtenir des résultats significatifs, nous sommes conscients que le financement concessionnel n’est pas suffisant pour relever les défis du développement, en particulier face à des crises simultanées qui poussent un nombre croissant de pays vers le surendettement.

L’IDA active un autre levier spécifique pour soutenir l’action des pays en faveur d’un endettement durable : le Programme de sensibilisation des créanciers, qui œuvre de manière proactive pour dépasser les cloisonnements en matière d’information et promouvoir la communication entre les pays et toute une palette de créanciers. Ce programme s’inscrit dans le cadre de la politique de l’IDA pour le financement durable du développement, dont l’objectif est d’encourager les efforts en faveur de la viabilité et de la transparence de la dette dans les pays les plus pauvres et vulnérables.

Depuis que j’ai pris mes fonctions de directeur de la mobilisation des ressources de l’IDA il y a quelques mois, je me suis rendu en Afrique de l’Ouest et dans les Caraïbes orientales afin de voir le programme à l’œuvre  et d’écouter les États emprunteurs, les créanciers, les agences de notation, les banques multilatérales de développement et les organisations de la société civile. J’ai pu constater par moi-même que de tels échanges sont un véritable atout pour une gestion responsable et durable de la dette.

J’étais tout récemment à Saint-Kitts-et-Nevis, où l’IDA et la Banque centrale des Caraïbes orientales ont organisé conjointement une table ronde de haut niveau sur la viabilité de la dette (a). Les ministres des Finances de la Dominique, de la Guyane, d’Haïti, de Sainte-Lucie et de Saint-Vincent-et-les Grenadines ont participé à cet évènement, ainsi que plusieurs parties prenantes de toute la région. L’IDA avait déjà collaboré avec les gouvernements de la Sierra Leone (a) et de l’Ouganda (a) pour organiser des débats similaires l’année dernière. Ces moments de dialogue sont arrivés à point nommé compte tenu des défis complexes auxquels font face ces pays, notamment le changement climatique, l’endettement élevé, l’inflation galopante, l’insécurité alimentaire, la pauvreté et les inégalités entre hommes et femmes.

Dans l’ensemble, les participants ont convenu que les initiatives de partage d’informations telles que le Programme de sensibilisation des créanciers de l’IDA sont essentielles pour soutenir les réformes en faveur de la transparence et de la viabilité de la dette . Voici quatre éléments clés qui sont ressortis de ces évènements :

  1. Le dialogue et la communication ont le pouvoir de stopper en amont les crises de la dette. Comme l’a souligné Razia Khan, responsable de la recherche pour l’Afrique chez Standard Chartered (a), le risque croissant d’endettement en Afrique de l’Est et australe, par exemple, aurait pu être différent si, il y a 10 ou 15 ans, « tous les acteurs concernés avaient accordé beaucoup plus d’attention à la capacité de mobilisation de recettes et à la capacité de remboursement de la dette. »

 

  1. Certains pays en développement — en particulier les petits États insulaires — sont face à un risque d’endettement aggravé par des problèmes connexes. Ainsi que l’a rappelé Timothy Antoine, le gouverneur de la Banque centrale des Caraïbes orientales (a), « nous subissons aussi une crise climatique et pour nous, dans cette région, c’est une menace existentielle. »

 

  1. La transparence n’est pas seulement une bonne chose, elle est essentielle à la viabilité de la dette et aux activités de toutes les parties prenantes. Elena Duggar, directrice du crédit de Moody’s pour les Amériques, a expliqué que la transparence permet à son agence d’évaluer « la solidité des institutions et de la gouvernance, ainsi que la solidité des finances publiques, soit deux des quatre grands facteurs qui fondent notre analyse de la solvabilité des États souverains. » L’importance de la transparence de la dette a également été soulignée par Richard Francis, directeur des notations souveraines chez Fitch (a) : « Les pays dont la gestion de la dette est médiocre ou dont la communication d’informations est défaillante sont en général beaucoup moins bien notés. »

 

  1. J’ai entendu à maintes reprises que l’IDA est une source précieuse de financements concessionnels et que la Banque mondiale est un partenaire de confiance. Sheku Bangura, l’actuel ministre des Finances de la Sierra Leone (a), a fait remarquer que les financements concessionnels de l’IDA, combinés à d’autres sources, ont apporté une aide cruciale face au risque croissant d’endettement, aux pressions inflationnistes et à une série de difficultés qui s’enchaînent dans le pays. En outre, Julius Kapwepwe, directeur des programmes du Budget Advocacy Network en Ouganda (a), a relayé l’opinion très importante de la société civile, en soulignant l’ampleur des investissements de la Banque mondiale en faveur « des secteurs routier et énergétique et [des taux d’alphabétisation] » de son pays.

En Afrique ou dans les Caraïbes, j’ai été réconforté par la franchise de ces conversations et heureux de constater la volonté des parties prenantes de se focaliser sur les solutions et la voie à suivre. Alors même que le risque d’endettement est considérable, renforcer l’appropriation de cet enjeu par les pays et soutenir un dialogue ouvert sont à n’en pas douter des pas importants dans la bonne direction. L’IDA entend poursuivre ce travail essentiel afin d’aider les pays à prendre les devants et à veiller à ce que personne ne soit laissé de côté sur la voie d’une reprise résiliente.

 

Dirk Reinermann

Directeur du Département de la mobilisation des ressources de l’IDA et du Département des transactions financières de la BIRD

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