À mi-parcours de la feuille de route 2020-2025, BAD et CEDEAO constatent les progrès de l’Afrique de l’Ouest en matière d’intégration économique. Et les efforts à consentir pour atteindre les objectifs, au sein d’un espace hétérogène
La Banque africaine de développement et la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) ont approuvé le document qui évalue les efforts d’intégration régionale, le RISP 2020-2025. Avec un plan d’investissement initial indicatif de 4,52 milliards de dollars, cette feuille de route de l’Afrique de l’Ouest se concentre sur l’amélioration des infrastructures résilientes et le soutien au développement des entreprises régionales.
Au-delà des aspects techniques, l’évaluation s’est concentrée sur les questions actuelles relatives à l’intégration de l’Afrique de l’Ouest : défis, opportunités et perspectives. Elle a également examiné l’orientation stratégique et les domaines d’intervention et les projets prioritaires des deux institutions. Et a abordé d’autres « questions pertinentes », notamment les affaires économiques et l’agriculture, le développement humain et les affaires sociales, l’infrastructure, l’énergie et la numérisation, les questions politiques, la paix et la sécurité, le transport et les technologies de l’information et de la communication.
« Après trois années de mise en œuvre de notre stratégie régionale, il était nécessaire de faire le point, de tirer des leçons et de proposer des mesures correctives pour une mise en œuvre immédiate au cours des deux années restantes », résume Lamin G. Barrow, de la BAD.
« Il s’agit de consolider les acquis et de repositionner nos activités et nos institutions pour obtenir des résultats tangibles », approuve Omar Alieu Touray, président de la Commission de la CEDEAO, selon qui « les défis à relever sont colossaux ».
Entre autres éléments concrets, les partenaires ont examiné les études pour le projet d’autoroute Abidjan-Lagos. Lequel prévoit la construction, début 2024, d’une autoroute de 1028 kilomètres reliant la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Togo, le Bénin et le Nigeria.
Dans le cadre de son document de stratégie d’intégration régionale, la Banque a mobilisé 884,14 millions $ depuis 2020, couvrant 70 nouvelles opérations, soit près du double des 38 projets prévus initialement.
Stabilité et paix
Ces projets comprennent le pont de Rosso entre le Sénégal et la Mauritanie ; le corridor transgambien avec le pont sur le fleuve Gambie entre le Sénégal et la Gambie ; la route transafricaine Niger-Algérie ; la rénovation de l’autoroute Lomé-Cotonou ; le projet de développement et de facilitation du transport sur le fleuve Mano, etc.
De son côté, Marie-Laure Akin-Olugbadé, vice-présidente de la BAD chargée du développement régional, de l’intégration et de la prestation de services, a appelé à des interventions dans les segments les plus vulnérables de la population, y compris les jeunes et les femmes, pour leur offrir des opportunités économiques tout en renforçant la gouvernance institutionnelle, la résilience du public et en s’attaquant aux causes et aux effets de l’instabilité régionale. « Sans stabilité et sans paix, il ne peut y avoir de développement ni d’intégration régionale. »
Entre autres éléments, le rapport d’origine revenait sur la présence dans la CEDEAO de « deux grands blocs », l’UEMOA et les pays qui ne sont pas membres de cette union économique et monétaire. « Cette dichotomie présente des défis dans la poursuite de l’intégration régionale en raison de mandats qui se chevauchent ou se concurrencent », observent ses auteurs.
Dès lors, l’évolution récente vers l’adoption d’une monnaie régionale unique (l’éco) constitue « un pas vers la résolution de ce problème ». À condition de rechercher le consensus, précisait le document. Cette question ne semble plus au centre des débats.
Sur le plan économique, la région est constituée d’un mélange de pays à revenu moyen inférieur, de pays à faible revenu et de pays en situation de fragilité. Là aussi, l’intégration régionale constitue un défi ; elle est pourtant l’un des mandats essentiels confiés à la BAD par l’Union africaine.
Outre l’éco, la quête d’une intégration plus profonde a été renforcée par le fait que tous les États membres de la CEDEAO ont signé l’accord sur la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), et que dix États ouest-africains figurent parmi les 24 pays qui ont ratifié l’accord au moment de son entrée en vigueur, le 30 mai 2019.
Si les échanges ont été retardés en raison de la pandémie, « la mise en œuvre de la ZLECAf devrait stimuler le commerce continental et une production à plus forte valeur ajoutée entre les pays participants », jugeait – sans surprise – le document.
Aller au-delà de l’urgence
D’autre part, l’intégration prévue se déroule « dans le contexte de l’amélioration de l’espace démocratique, bien que la gouvernance et la pauvreté continuent de poser des défis importants dans la majorité des pays de la région », relevait le document.
« Ces facteurs sont exacerbés par la mauvaise qualité des infrastructures économiques et sociales, la faible diversification économique et la situation précaire en matière de sécurité. »
Certes, la CEDEAO a intensifié ses efforts pour renforcer l’intégration régionale, « mais certains défis subsistent ». Des progrès notables ont été accomplis pour assurer la libre circulation des personnes et faire progresser l’intégration financière et macroéconomique. Les principaux défis concernent la situation sécuritaire précaire de la région, la mauvaise qualité des infrastructures régionales, le faible développement du capital humain, la faible capacité institutionnelle pour une mise en œuvre et une coordination efficaces des programmes et projets régionaux, et la faible diversification économique.
Les domaines d’infrastructure de base qui requièrent le plus d’attention sont le transport et l’énergie, poursuit ce document. L’expérience de l’épidémie d’Ebola dans la région et de la COVID-19 « souligne la nécessité de s’éloigner des actions liées à l’urgence ou à la fragilité pour s’orienter vers le renforcement des systèmes de santé » : la construction d’infrastructures de santé à réaction rapide, la formation de scientifiques, de technologues, d’experts de la santé de première ligne et d’autres experts.
Toutefois, il existe également des possibilités de faire progresser l’intégration en Afrique de l’Ouest, en s’appuyant sur le potentiel économique et les ressources de la région. En particulier, il existe une forte volonté politique, comme en témoignent les progrès réalisés dans des domaines clés tels que l’harmonisation des politiques macroéconomiques, la mise en œuvre de mesures de libéralisation du commerce et le regain d’intérêt pour le développement agricole et l’industrialisation axée sur l’agriculture.
L’Afrique de l’Ouest doit continuer d’investir dans de nouvelles infrastructures intelligentes sur le plan climatique (énergie, transports et nouvelles technologies). Elle doit aussi investir dans le développement de chaînes de valeur régionales résilientes, le renforcement des liens économiques transfrontaliers et l’ouverture plus efficace des pays enclavés et des arrière-pays riches en ressources à des marchés plus vastes.
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