Faillite de la SVB : les start-up africaines peu exposées

Les sociétés africaines de la Tech n’ont a priori pas grand-chose à craindre de l’effondrement de la Silicon Valley Bank ; le fondateur de Chipper Cash veut calmer les inquiétudes. Cette alerte vient rappeler combien il est important d’adosser les start-up à des capitaux africains.

« Heureusement, la société n’a eu qu’une exposition globalement insignifiante » aux déboires de la Silvergate Bank et de la SVB (Silicon Valley Bank), tient à rassurer Ham Serunjogi, fondateur de Chipper Cash. La société panafricaine est l’une des « licornes » du continent et semblait a priori, l’une des plus menacées, compte tenu de sa proximité avec des partenaires de la Silicon Valley. L’entrepreneur est un des premiers à réagir avec autant de détails à la mise sous tutelle de la SVB, qui affecte également les cours des banques sur les marchés financiers.

« Chipper Cash entretient de multiples relations bancaires dans le monde entier, y compris aux États-Unis », reconnaît l’entrepreneur sur le site de l’entreprise. Il fait état d’un montant « très limité », environ 1 million de dollars, déposé sur le compte de sa société chez SVB au moment où la banque a été reprise par l’autorité de régulation californienne. Chipper Cash aurait déjà récupéré la moitié de ces fonds.

Plus généralement, l’entrepreneur fait part de ses regrets : « SVB était la seule banque qui acceptait de nous recevoir. Je sais qu’il y a d’innombrables autres start-up qui font toutes un travail très important et qui diraient la même chose. Il est donc assez triste de voir un tel pilier de notre écosystème mis à genoux. »

Et prévient : « Nous vivons sans aucun doute une période très difficile et incertaine, non seulement dans notre secteur, mais aussi dans l’ensemble de l’économie mondiale. Les événements de cette semaine n’ont fait qu’accentuer ce fait, et chaque entreprise doit procéder à des ajustements difficiles mais nécessaires. »

La chute de la SVB la semaine provoque une onde de choc dans l’industrie technologique, le plus grand prêteur aux fonds de capital-risque s’étant soudainement effondré (lire ci-dessous).

L’impact immédiat sur l’écosystème technologique africain semble partagé. Le journaliste technologique nigérian Frank Eleanya, dans les colonnes BusinessDay, note que « les fondateurs de start-up nigérianes affirment que l’impact sur l’écosystème local sera minime », car seul un petit nombre d’entre eux avaient effectué des opérations bancaires avec SVB.

Des investissements ralentis ?

Il est trop tôt pour dire si l’inquiétude sur Chipper Cash se dissipera avec le communiqué de son fondateur. D’autres entreprises semblent à l’abri. Future Africa, l’un des plus grands fonds de capital-risque axés sur l’Afrique, a déclaré le 12 mars que ses engagements « ont une exposition minimale à la Silicon Valley Bank ». Néanmoins son équipe « travaille très rapidement à l’établissement de nouvelles relations de compte avec des institutions bancaires mondiales établies dès que les fonds seront disponibles ».

Dans une interview accordée à BBC Focus on Africa, Benjamin Fernandes, fondateur de la société de paiements transfrontaliers NALA, a déclaré qu’il avait réussi à retirer l’argent de la société avant l’effondrement, après avoir eu vent des difficultés de la banque. Ajoutant que certains de ses contacts du secteur aux États-Unis n’avaient pas réussi à transférer leurs fonds à temps.

Cependant, il juge que l’impact sur le secteur technologique africain sera limité, étant donné le petit nombre de personnes qui effectuent des opérations bancaires auprès de la SVB. En effet, les difficultés rencontrées par les start-up africaines pour ouvrir des comptes bancaires aux États-Unis ont peut-être protégé le continent des pires retombées, observe Benjamin Fernandes.

Toutefois, si les effets d’entraînement ne sont pas encore apparents, les observateurs estiment que les implications à long terme pourraient être plus importantes. Les fonds de capital-risque, en particulier, pourraient être moins enclins à prendre des risques, ce qui pourrait ralentir le financement des start-up sur le continent après une année record de 4,8 milliards $ levés à la fin de l’année 2022.

« Attendez-vous à un ralentissement des investissements sur le continent, à des critères plus contraignants et à des retards dans l’obtention du financement », prévient Ngozi Dozie, cofondateur de la plateforme de financement numérique Carbon.

Comme à chaque choc financier externe, des appels sont lancés pour protéger les entreprises africaines et à réduire leur dépendance à l’égard des capitaux étrangers. D’ailleurs, certains experts considèrent l’effondrement de SVB comme une opportunité de renforcer l’écosystème des start-up africaines et d’encourager des investissements plus importants de la part de sources du continent.

« Lorsque nous dépendons d’investisseurs étrangers, nous nous exposons à des problèmes importés », confirme Ngozi Dozie, qui souligne la nécessité d’accroître les investissements africains en direction de la florissante scène des start-up africaines.

Sur ce point, Max Cuvellier, fondateur de la base de données sur les transactions Africa The Big Deal, révèle que 1 400 investisseurs étaient impliqués dans au moins une transaction de start-up en Afrique en 2021-2022. Parmi eux, 36 % étaient originaires d’Amérique du Nord, 27 % d’Afrique et 21 % d’Europe.

Alors que l’industrie technologique est aux prises avec les conséquences de l’effondrement de SVB, que les marchés financiers s’inquiètent pour les banques, il est clair que les leçons tirées de cet événement auront des implications profondes pour les start-up et les investisseurs sur le continent.

La chute de la SVB

Depuis sa création en 1983, la Silicon Valley Bank, 16e banque américaine, a joué un rôle crucial dans le développement de l’influent écosystème de la Silicon Valley en apportant un soutien financier essentiel aux jeunes pousses et aux investisseurs.

Pendant la pandémie, dans le sillage de l’engouement pour certaines valeurs technologiques, la SVB s’est retrouvée inondée de dépôts, qu’elle a investis dans des obligations américaines et des titres adossés à des créances hypothécaires, avec un rendement fixe. Une fois l’effet Covid retombé, la hausse des taux d’intérêt a entraîné une baisse de la valeur de ses actifs. Avec la dégradation de la situation économique, les entreprises de la Silicon Valley ont commencé à retirer leurs dépôts de la banque, ce qui a conduit SVB à vendre ses obligations à perte et à diluer ses actions.

Cette situation a fini par provoquer une ruée sur la banque, les clients retirant leurs fonds par crainte pour la stabilité de la banque. La Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) a été contrainte d’intervenir et de saisir les actifs de la SVB, laissant de nombreux acteurs du secteur technologique sous le choc de cet effondrement soudain.

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Momar Diack SECK
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