C’est ma conviction Par Pape Sadio Thiam

C’est ma conviction

1- Les grands hommes ne pensent pas à la grandeur, c’est même le cadet de leurs soucis. Ils savent que la grandeur ne se fabrique pas, qu’elle ne se conte pas : elle s’incarne plutôt dans les actes. On ne peut dans une démocratie faire de la justice un vulgaire outil pour punir ses adversaires et blanchir ses alliés politiques. A la manière des protagonistes de l’allégorie de làmbi golo, toutes les têtes qui dépassent sont systématiquement coupées et personne n’est désormais assuré de la plus petite parcelle de force politique.

2- Il y a dans chaque parti, dans chaque organisation administrative politique ou civile des préposés aux sales besognes. En faire des alliés est un couteau à double tranchant. Il ne faut jamais contracter une dette envers la racaille, sinon on finit toujours par devenir de la racaille politique. Car comme disait, avec beaucoup de dose sarcastique, Charles de Gaulle, la politique la plus coûteuse, la plus ruineuse, c’est d’être petit… Un homme qui s’élève en gravissant sans honte l’échelle des petites combines et des mesquineries institutionnelles aura tellement souillé son âme qu’il ne reculera devant rien.

3- La force qu’on soustrait à l’État pour comploter contre son adversaire, par des méthodes honteuses est un affaiblissement de la démocratie et de l’État de droit. Aucune soif de perpétuer illégalement son pouvoir ne devrait justifier une attitude d’opportunisme politique de charognard susceptible de saper les fondements de l’État de droit.

4- Wade et Senghor ont eu des confrontations épiques, mais leur adversité avait quelque chose de mignon, de sublime : on apprenait en les écoutant. On avait une conception humaniste de la politique en les regardant se lancer des piques ou des défis. Senghor soucieux de son image d’intellectuel et d’homme de culture se fixait des limites à ne jamais franchir face à Wade, son adversaire politique. Il n’était pas un homme d’Etat vil et rancunier. Malgré les turpitudes inhérentes de la démocratie, le poète-président savait changer de cap, il était capable de divorcer d’avec le conjoncturel et le particulier pour s’inscrire dans l’universel et le durable.

5- Le pouvoir donne souvent l’illusion à celui qui le détient qu’il est un peu spécial, qu’il a sur ses adversaires politiques une sorte de supériorité ontologique. C’est ainsi que les voix discordantes sont ignorées (dans le meilleur des cas, car cet autisme peut être éradiqué) ou étouffées par des procédés jugés infaillibles tant qu’on ne rencontre pas devant soi plus d’ingéniosité et de détermination. Or celui qui n’a plus rien à perdre a tout a gagné, même dans l’illusion la plus totale : reste à savoir maintenant ce que les uns et les autres ont perdu et qu’ils n’auraient dû perdre.

6- De Gaulle et Mitterrand se sont livré une adversité politique sans complaisance, mais ils ont toujours gardé le respect mutuel et la courtoisie dans leurs discours, comme dans leurs actes. Pourtant Mitterrand n’était guère un enfant de cœur, il fut un monstre sacré de la politique, peut-être le dernier dans la lignée de Machiavel; un florentin paradoxal et une figure emblématique de la gauche classique.

7- Le vrai leadership c’est aussi de comprendre qu’il n’y a pas seulement les « bonnes lois et les bonnes armes » (quoi qu’en dise Machiavel) pour gouverner. L’académicien français Jean Dutourd a, dans une très belle formule, résumé cette sorte de malédiction qui s’abat fatalement sur tout homme politique : « Toute carrière politique, si triomphale soit-elle, a ses éclipses ». Heureux sont donc les hommes politiques qui comprennent que la politique est comme la mer : chaque marée haute annonce une marée basse.

PST

Mamadou Nancy Fall
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