Assises de l’entreprise 2023-Symposium des Assurances : le discours diagnostic de Mamadou Moustapha Ba, Ministre des Finances et du Budget

Je commencerai, tout d’abord, par remercier mon frère Baïdy AGNE, Président du Conseil National du Patronat, et à travers sa personne, tous les membres du CNP, pour l’honneur que vous me faites en me permettant, dans le cadre des Assisses de l’Entreprise, de présider le symposium sur « l’apport des assurances dans l’économie nationale ».

Ces remerciements s’adressent également à la Présidente de l’Association des Assureurs du Sénégal, Madame Oumou Niang Touré et à l’ensemble de ses collègues dirigeants du secteur des assurances.

Je voudrais, par ailleurs, saluer l’approche participative adoptée par le Conseil National du Patronat dans le cadre de cette réflexion sur le Financement de notre économie nationale, une approche qui permet de souligner l’importance de la contribution de tous les segments de l’économie dans notre quête d’émergence, et notamment l’exemple du secteur des assurances qui fait l’objet du symposium de ce matin.

En me faisant l’honneur de présider cette importante rencontre, vous me donnez l’occasion de réaffirmer ma conviction profonde sur les stratégies de financement de nos économies, une conviction que j’ai eu à exprimer récemment lors du Sommet de Dakar sur le financement des infrastructures en Afrique qui s’est tenu ce mois de février 2023.

Dans un contexte international défavorable, marqué par des chocs exogènes multiples, notre pays, j’allais dire notre continent, est obligé de solliciter davantage ses ressources locales pour financer nos projets de développement.

Il me plait de souligner d’ailleurs que si notre pays semble résolument inscrit dans une dynamique de progrès, c’est bien parce que nous avons réussi à bâtir une politique macroéconomique saine, assortie d’investissements publics et de diversification de notre production, et soutenue par une amélioration de l’environnement des affaires.

Fondamentalement, il s’agit de compter d’abord sur soi-même, ensuite de faire appel aux partenaires techniques et financiers.

A côté des outils classiques de collecte des ressources intérieures tels que les impôts et taxes, la mobilisation de l’épargne nationale constitue un levier important sur lequel il faudra davantage compter pour le financement de notre économie.

Et c’est à ce niveau que le secteur de l’assurance, dans son rôle de collecteur d’épargne, est très attendu.

S’agissant de l’apport des assurances dans l’économie nationale, je voudrais rappeler que si la fonction principale de l’Assureur reste celle de preneur et gestionnaire de risques, il n’en demeure pas moins que de par la spécificité de son modèle économique, caractérisé par une inversion du cycle de production, il constitue un investisseur institutionnel important.

En effet, les Assureurs disposent de ressources financières, devant être investies selon la règlementation du secteur sous forme d’actifs, qui doivent leur permettre de faire face, le moment venu, à leurs engagements envers les assurés et bénéficiaires de contrats, engagements matérialisés principalement à travers des provisions techniques.

Mais du fait du décalage entre la perception de cette épargne, à travers les primes d’assurances, et sa transformation en indemnités de sinistres. Les actifs représentatifs de ces provisions constituées sont mis à la disposition des différents secteurs de l’économie, à travers des choix d’investissement permettant le financement de projets créateurs de richesses et porteurs de croissance.

C’est justement en raison de cette capacité à financer l’économie que les Assureurs sont qualifiés d’investisseurs institutionnels.

A l’évidence donc, les investissements des assureurs jouent un rôle certain dans l’économie nationale.

En termes de développement, cette relation entre l’assurance et l’économie constitue un cercle vertueux ; autant l’assurance contribue à la croissance de l’économie, autant le développement économique renforce la croissance de l’industrie d’assurance.

En effet, la création de richesses occasionne l’émergence de nouvelles entreprises, ainsi que la création d’emplois, une situation qui va se refléter dans l’industrie des assurances par davantage de matière assurables et donc une plus grande capacité de mobilisation de l’épargne des agents économiques, concernant votre sous-secteur.

Ce corollaire incontestable entre le développement de l’économie et la croissance de l’industrie des assurances mérite que nous réfléchissions un peu plus sur les différentes formes de soutien que les pouvoirs publics pourraient apporter.

Dans le contexte local, l’assurance sénégalaise s’est inscrite dans une bonne dynamique de croissance depuis 2014, année durant laquelle elle a atteint le seuil symbolique de 100 Milliards de chiffre d’affaires, suivant en cela la trajectoire de l’économie sénégalaise avec les débuts de mise en œuvre du Plan Sénégal Emergent.

Monsieur le Président du Conseil National du Patronat,

Madame la Présidente de l’Association des Assureurs du Sénégal,

Chers invités,

Cet aperçu de la relation entre l’économie et l’Assurance me permet d’entrer dans le vif du sujet de notre réflexion que je voudrais formuler par cette interrogation :

Que pèse le secteur des assurances dans le financement de notre économie, et comment intervient – il ?

Si l’on prend en compte uniquement la contribution de l’assurance au Produit Intérieur Brut du Sénégal, je suis tenté de répondre que beaucoup de progrès restent encore à faire.

En effet, cette contribution au PIB, qui mesure également le taux de pénétration de l’assurance, est à peine de 1,47% au Sénégal en 2021, contre une moyenne africaine de 2,70% et une moyenne mondiale de 7,00%.

Il faut cependant souligner que depuis quelques années déjà, cette contribution du secteur au PIB est en constante progression ; elle était de 1,15% en 2017.

Dans la zone de la Conférence Interafricaine des Marchés d’Assurance communément appelée CIMA, qui regroupe les pays de l’UEMOA et ceux de la zone CEMAC d’Afrique centrale, ce taux de pénétration de l’assurance reste globalement faible, stagnant à 1% ces dernières années.

Ces chiffres corroborent cette réalité que la culture d’assurance resterait peu étendue en Afrique alors que les assurances ont atteint un niveau de maturité très élevé dans les pays développés.

Au 31 décembre 2021, le stock des placements effectués par l’Assurance sénégalaise dans l’économie s’est établi à 443 Milliards de FCFA, en progression de 1,8% par rapport à l’année 2020.

Ces placements restent dominés par les dépôts bancaires (avec une part de 41,62%), les valeurs mobilières (25,59%), les titres de participation (12,74%) et l’immobilier (9,37%).

S’agissant des obligations et valeurs d’Etat, des organismes internationaux et institutions financières, les investissements du secteur des assurances sont ainsi répartis :

  • 63,93 Milliards d’obligations de l’Etat du Sénégal,
  • 30,51 Milliards d’obligations d’autres Etats de la zone CIMA,
  • 7,46 Milliards d’obligations des organismes.

 

Au titre de la participation à l’endettement de l’Etat, le montant des placements du secteur en 2021 ne représente que 0,6% du total de l’endettement et 2,39% de l’endettement intérieur de l’Etat.

Au-delà du taux de pénétration de l’assurance qui reste encore très limité, cette relative faiblesse de l’investissement des Assureurs dans l’économie nationale s’explique aussi par la faible expansion de l’assurance Vie, caractérisée par une présence sur des investissements de long terme, contrairement à l’Assurance non Vie dont les ressources collectées constituent des moyens de financement à court terme, avec une fréquence de décaissement très rapide pour couvrir les engagements souscrits.

Avec 37% de parts de marché dans l’activité d’assurance nationale, l’assurance vie concentre cependant 63% des placements en 2021.

La capacité de financement de l’économie par le secteur sera donc d’autant plus importante que la branche de l’Assurance Vie, collecteur de ressources à long terme, sera développée à l’instar des marchés modernes.

C’est l’une des raisons pour lesquelles l’Etat du Sénégal a consenti beaucoup d’efforts en termes d’incitations fiscales afin d’accompagner le développement de l’assurance vie et capter davantage d’épargne provenant de l’industrie des assurances.

A titre d’exemples, je voudrais citer :

  • l’exonération de l’assurance vie groupe de la taxe de 3%,
  • la déductibilité de la prime de retraite groupe, des primes d’assurance maladie ainsi que de la prime unique de rachat du passif social de l’Indemnité Fin de Carrière à raison de 20% par an.

 

Des mesures incitatives qui participent de la disponibilité de l’autorité à entretenir un cadre de concertation avec le secteur, mais aussi sa volonté de voir l’industrie des assurances assumer pleinement sa mission de moteur de la croissance.

Il est cependant important de ne pas perdre de vue que les sommes investies par le secteur des assurances sont gérées pour le compte des assurés et bénéficiaires de contrats. C’est en effet un impératif pour les Assureurs de garantir le remboursement de l’ensemble des engagements souscrits.

D’où la nécessité de définir des contraintes règlementaires très précises, dans l’intérêt des assurés et bénéficiaires de contrats d’assurances.

Ainsi, les décisions d’investissement doivent-elles obéir à un souci de prudence, et c’est tout le sens du contrôle légal exercé par l’autorité de régulation, dans le souci de concilier le rôle d’investisseur et de financement de l’économie, et celui de protecteur du patrimoine des assurés et bénéficiaires de contrats qui ont fait confiance au secteur.

Dans cette fonction de garantie, les prestations payées par l’industrie des assurances en 2021 s’élèvent à 114 Milliards de FCFA, en progression de 24 Milliards de FCFA par rapport à l’année précédente.

Sans occulter la fonction de facilitateur dans la réalisation des projets économiques à travers les garanties apportées aux banques dans l’octroi des crédits ou encore les conditionnalités d’assurance dans le financement des grands travaux de l’Etat.

A ce niveau de mon intervention, je voudrais partager avec l’assistance cette formule de l’industriel Henry FORD, parlant de l’industrie de l’assurance, je le cite :

« New York n’est pas la création des Hommes, mais celle des Assureurs…sans les assurances, il n’y aurait pas eu de gratte-ciel, car aucun ouvrier n’accepterait de travailler à pareille hauteur en risquant de faire une chute mortelle et de laisser sa famille dans la misère…sans les assurances, aucun capitaliste n’investirait des millions pour construire de pareils buildings qu’un simple mégot de cigarettes peut réduire en cendres » fin de citation.

Cette formule résume, à elle seule, toutes les attentes placées sur le secteur des assurances en termes de soutien qu’il doit apporter au financement de notre économie.

C’est sur cette note d’espoir que je vais suspendre mon propos, tout en vous remerciant de votre attention.

Momar Diack SECK
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