25e édition Du Rapport Africa’s Pulse : Ce Qu’il Faut Retenir

Selon les dernières estimations disponibles, la croissance économique en Afrique subsaharienne a atteint 4 % en 2021, après une contraction de 2 % l’année précédente. En 2021, l’économie régionale a bénéficié du redressement du commerce mondial, du niveau élevé des cours des matières premières et de la levée des restrictions qui avaient été imposées pour contenir la propagation de la COVID-19 lors des différentes vagues de la pandémie.

Toutefois, les prévisions indiquent un ralentissement de la croissance de l’Afrique subsaharienne pour cette année, dans un environnement mondial marqué par des chocs multiples (et nouveaux), une forte volatilité et des incertitudes. L’activité économique devrait ainsi progresser de 3,6 % en 2022 (contre 4 % en 2021). Plusieurs facteurs freinent la dynamique de croissance : le ralentissement de l’activité économique mondiale, la persistance des difficultés d’approvisionnement, l’apparition de nouveaux variants du virus de la COVID-19, une inflation élevée et des risques financiers croissants dus à des niveaux d’endettement élevés et de plus en plus préoccupants.

L’invasion de l’Ukraine vient s’ajouter aux facteurs qui freinent la reprise dans la région. Même si les liens commerciaux et financiers directs avec la Russie et l’Ukraine sont faibles, la guerre aura probablement une incidence sur les économies d’Afrique subsaharienne via le renchérissement des produits de base, la hausse de l’inflation alimentaire, énergétique et globale, le resserrement des conditions financières mondiales et la contraction des flux de capitaux étrangers dirigés vers la région. Le conflit ne devrait avoir que des effets limités sur la croissance régionale, mais, du fait de l’inflation imputable à la hausse des prix des denrées alimentaires et de l’énergie, il augmente la probabilité de voir apparaître des troubles civils dans un contexte d’instabilité politique accrue.

Les mesures de confinement imposées à Shanghai ainsi que dans les principaux centres manufacturiers et les grandes provinces agricoles de Chine pourraient ajouter aux perturbations des chaînes d’approvisionnement, provoquer des pénuries alimentaires, faire monter le prix des produits agricoles et restreindre les échanges mondiaux de biens manufacturés.

Dans les trois plus grandes économies de la région (Nigéria, Afrique du Sud et Angola), la reprise restera lente.Si l’on exclut ces trois pays, la croissance devrait ressortir à 4,1 % en 2022, soit un taux supérieur à celui de la région dans son ensemble.

 

Les prévisions pour l’Afrique de l’Est et australe font état d’une reprise soutenue après la récession (4,1 %), puis d’un ralentissement à 3,1 % en 2022, avant une stabilisation autour de 3,8 % en 2024.

L’Afrique de l’Ouest et centrale devrait enregistrer une croissance de 4,2 % en 2022 et de 4,6 % en 2023.Les prévisions pour 2022 ont été révisées à la hausse par rapport à celles d’octobre 2021 (+0,6 point de pourcentage), en raison principalement de l’amélioration des résultats du Nigéria.

L’activité économique en Afrique subsaharienne devrait croître de 3,9 % en 2023 et de 4,2 % en 2024. La demande mondiale devrait se redresser en 2023, avec la dissipation de la plupart des chocs qui pèsent actuellement sur l’économie mondiale. Une croissance mondiale plus forte, des prix des produits de base toujours favorables, l’assouplissement des mesures d’austérité et une politique monétaire plus accommodante dans un contexte de baisse de l’inflation sont autant de facteurs qui devraient contribuer à une croissance régionale plus soutenue sur l’horizon de prévision.

 

En raison des chocs sur l’offre antérieurs à la guerre en Ukraine, les signes émergents de stagflation compliquent l’élaboration des politiques monétaires.Les banques centrales sont confrontées à un dilemme : soutenir une économie atone (au risque d’accentuer les pressions inflationnistes) ou combattre l’inflation (au risque de déclencher une récession). Jusqu’à présent, un grand nombre d’entre elles dans la région ont choisi la deuxième option, en s’engageant dans un cycle de resserrement monétaire, tandis que d’autres conservent une position plus modérée.

 

Le durcissement de la politique monétaire pourrait ne pas suffire à faire reculer l’inflation, sachant que la hausse des prix est due à des chocs sur l’offre et que les canaux de transmission des politiques monétaires sont faibles dans les pays africains, du fait du sous-développement de leurs marchés financiers et de l’importance de leurs secteurs informels. Outre les interventions de politique monétaire, il faudra aussi prendre des mesures pour atténuer les conséquences de l’inflation sur les populations pauvres et vulnérables. Les politiques commerciales peuvent jouer un rôle important à cet égard, en permettant la libre circulation des marchandises entre les pays.

 

La hausse des taux directeurs dans les économies avancées conduit à un resserrement des conditions financières mondiales qui, conjugué à la guerre en Ukraine, creuse les écarts entre taux souverains dans plusieurs pays, ce qui s’accompagne de craintes quant à la viabilité de leur dette. Depuis octobre 2021, les pays de la région présentent un risque de surendettement modéré ou élevé, et la part des pays affichant un risque élevé est passée de 52,6 à 60,5 %. Face aux menaces croissantes sur la viabilité de la dette, certains pays de la région ont mis en place des mesures d’austérité qui n’ont cependant pas suffi à réduire les niveaux d’endettement.

 

Dans les pays qui peuvent en bénéficier, les mécanismes existants d’allègement et de règlement de la dette ne permettent pas de faire reculer les niveaux d’endettement ou de réduire les vulnérabilités qui en découlent.Des améliorations sont indispensables si l’on veut éviter qu’une vague de crises de la dette ne déferle sur les pays en développement, en particulier en Afrique subsaharienne.

 

L’inflation s’est accélérée dans la région en 2021, pour atteindre 4,5 %, contre 3,5 % en 2020. Selon les prévisions, elle devrait grimper à 6,2 % en 2022, avant de redescendre à 5,1 % en 2023 et à 4,5 % en 2024. Cette tendance inflationniste est liée à la hausse des prix des denrées alimentaires et des carburants, ainsi qu’à la dépréciation des taux de change, notamment au Ghana et en Afrique du Sud.

 

Dans un contexte de chocs multiples, nouveaux et généralisés, et face à la menace d’une stagnation économique mondiale, les dirigeants africains doivent plus que jamais mettre en œuvre des politiques qui accélèrent la transformation structurelle grâce à la croissance de la productivité et à la création d’emplois plus nombreux et de meilleure qualité.

 

Dans le contexte actuel, la protection sociale ne doit pas se limiter aux filets de sécurité ; il faut concevoir des programmes d’assurance sociale et du marché du travail qui contribuent à la résilience économique en protégeant les travailleurs du secteur informel dans les zones urbaines.La période actuelle donne aux gouvernements africains l’occasion d’engager un programme plus ambitieux en faveur de systèmes de protection sociale qui renforcent la résilience économique et la réponse aux chocs. Les programmes de protection sociale doivent continuer à renforcer la résilience des ménages pauvres et vulnérables en les aidant à investir dans des actifs productifs et dans le capital humain.

Momar Diack SECK
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