Finance islamique : Mieux connaître le Waqf, cet instrument de lutte contre la pauvreté

La loi n° 2015-11 portant sur le Waqf a été adoptée par l’assemblée nationale sénégalaise le vendredi 24 avril 2015 et promulguée par le chef de l’Etat le 6 mai 2015.

Pourtant, cet instrument de solidarité de la finance islamique, malgré son impact direct attendu sur le développement économique, le bien-être des populations bénéficiaires, de la santé, de l’éducation, de l’emploi ou de l’agriculture, est méconnu des sénégalais. Paradoxalement, certains le pratique mensuellement ou annuellement sans le savoir.

Pour sa bonne vulgarisation, le ministère de l’économie, des finances et du plan, en partenariat avec le Collectif des journalistes économiques du Sénégal, a organisé en début de semaine, un atelier de sensibilisation et de partage avec plus d’une cinquantaine de participants.

A travers une présentation accessible, suivie d’une série d’échanges de questions-réponses, Abdou K. Samb, un spécialiste de la finance islamique, a expliqué aux journalistes et autres participants, les enjeux, défis et perspectives qui gravitent autour du Waqf.

Signification, source, contexte et exemples de Waqf

D’après Abdou K Samb, Waqf littéralement veut dire ‘‘tenir’’, ‘‘maintenir’’… mais techniquement, il se traduit par le fait de préserver un actif et de donner son usufruit en charité. Cette définition couvre les cas où le Waqf est temporaire (reconnu par les Malikites seulement).

Parmi deux exemples, le spécialiste en finance islamique a expliqué que le Waqf khayri est reconnu pour des actions philanthropiques générales ou spécifiées (Exemples : hôpital, école, orphelinat, …), tandis que le Waqf ahli: c’est un type de Waqf où les bénéficiaires sont des personnes spécifiées comme les fils et les descendants du Waqif.

Cependant, a-t-il éclairé, il est possible de combiner ces deux types de Waqf: C’est pour donner le Waqf mixte.

Le cadre islamique des versets et hadiths cités pour expliquer le waqf

Parlant du Saint-Coran, Abdou K Samb, note que beaucoup de de versets sont souvent évoqués pour justifier le Waqf.

En effet, il a cité  comme exemple, le verset 92 de la sourate 3 qui stipule en directive : «Vous n’atteindriez la (vraie) piété que si vous faites largesses de ce que vous chérissez. Tout ce dont vous faites largesses, Allah le sait certainement bien».

Les hadiths du prophète (Paix et Salut sur lui) sont connus par les musulmans pour toujours apporter un éclairage d’une dimension humaine aux directives et injonctions divines.

L’un d’eux indique justement que: « Lorsque le fils d’Adam meurt, ses œuvres cessent d’être comptabilisées à l’exception de trois catégories (qui continuent à lui être attribuées, après sa mort):

– Une œuvre charitable durable;

– Un savoir qui demeure dans le temps;

– Un enfant qui prie pour lui » (Abou Daoud)

Présence remarquable du Waqf au Sénégal.

Même si sa connaissance ou sa classification était méconnue de certains sénégalais, le Waqf est arrivé avec l’islam au Sénégal et se traduit par la création de milliers de mosquées et de cimetières musulmans à travers le pays.

Mais le spécialiste citera le Waqf de Ahmad Gora Diop, constitué sur la base d’un acte notarié, en 1910 pour les démunis, ou plus récent encore les Waqf de Serigne Mourtalla Mbacké qui se traduisent par la création d’écoles Franco-arabe, des immeubles, des terres agricoles, des véhicules de transport en commun ou encore des boulangeries.

Missions de l’administrateur du Waqf

Pour l’administrateur du Waqf, ses services se répertorient en quatre catégories. Selon M. Samb, l’Administrateur est d’abord chargé de la distribution des revenus et services du Waqf aux bénéficiaires.

Ensuite il lui incombe, l’entretien et la préservation des biens du Waqf. Il est aussi chargé de l’exploitation des biens du Waqf et des investissements inhérents, et enfin la représentation du Waqf aux activités civiles et commerciales.

Les problèmes probables liés à la gestion du Waqf

« Gérer, c’est prévoir » dit l’adage. C’est pourquoi le panéliste Abdou K Samb n’a pas manqué de souligner quelques problèmes qui pourrait être liés à la gestion du produit financier.

Dans le Privé comme dans le Public, des gestionnaires peuvent être sujets à des actes non orthodoxes.

Il s’agira de faire face à l’inefficacité et la malhonnêteté de certains (Moutawalli/Naazir) administrateurs du Waqf. Mais note l’exposant, un administrateur privé est plus exposé à des comportements préjudiciables au Waqf.

Toutefois, dans la gestion étatique, contrairement à la nature et à l’objectif du Waqf. Le public peut rendre la situation pire, notamment à travers le problème de la bureaucratie et des lenteurs administratives.

C’est pourquoi, il recommande une autorité autonome pour la Gestion du Waqf, pour assurer la continuité/permanence et être en phase avec une des caractéristiques de Waqf, mais aussi pour assurer une gestion professionnelle et experte des actifs.

Produits et services liés ou attendus du Waqf :

Le Waqf, le produit financier islamique attendu comme un levier de la lutte contre la pauvreté pourrait s’activer dans l’Investissement, la redistribution, la microfinance avec ses services financiers pour les démunis, la garantie et la création d’emplois.

Des expériences de Waqf ont été notées à travers le monde comme pour le Koweit en 1921, où il s’est traduit par la Promotion l’islamique des sciences et la culture, l’Investissement et les œuvres sociales, la protection de l’environnement.

En Turquie, elles se sont matérialisées à travers le volet Religion et Education, Social et Santé, ou encore, les  infrastructures.

Quelques défis à relever  pour le développement du Waqf au Sénégal

Pour la Waqf, contrairement à certains produits de la finance islamique, le cadre juridique a été défini avec son vote à l’assemblée nationale suivi, de sa promulgation de sa loi.

Cependant, le spécialiste Abdou K Samb note que le défi de la crédibilité du ménagement doit être relevé.

L’état du Sénégal devrait aussi revoir les considérations fiscales liés au produit.

Pour sa pérennité et sa bonne gestion la problématique des ressources humaines doit aussi trouver des réponses appropriées.

Mais sa bonne vulgarisation repose aussi sur une communication efficace pour le grand bonheur des bénéficiaires.

Directrice de la Monnaie et du Crédit, Mme Oulimata Diop est revenue sur la loi portant création du Waqf, qui est, souligne-t-elle, une volonté de l’Etat et de la Banque islamique de développement (BID) de promouvoir la finance islamique.

Michel DIEYE

Author

Michel DIEYE

Up Next

Related Posts