Zones économiques régionales : En Afrique de l’Ouest, les multiples points de contrôle sur les corridors routiers plombent la sécurité alimentaire (CEPII)

En Afrique, la libre circulation des biens au sein des zones économiques régionales demeure un défi. Au-delà des taxes et droits de douane, les obstacles non tarifaires représentent un important fardeau pour les acteurs économiques.

L’intensification des échanges de produits agricoles prônée par la Communauté économique des États ouest-africains (CEDEAO) pour la sécurité alimentaire dans la région, est fortement entravée par la pléthore des points de contrôle le long des grands axes routiers. C’est ce qu’indique le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) dans une note publiée en mai dernier.

Intitulé « Afrique de l’Ouest : les tracasseries routières aggravent l’insécurité alimentaire », le rapport fait remarquer que la prolifération des points de passage obligatoires pour les acteurs du commerce contredit d’abord les règlements du bloc économique.

En effet, rappelle le centre de recherche, si les autorités nationales peuvent procéder à des contrôles sur le transport de biens, ces opérations ne devraient être effectuées qu’au niveau des lieux d’embarquement, de débarquement et aux passages-frontière notamment dans le cadre de la vérification des certificats sanitaires et phytosanitaires.

Cependant dans la pratique, les instances administratives installent le long des corridors de commerce, des « points de sécurité » dont le nombre dépasse largement ceux prévus par les textes.

Un manque à gagner financier et des implications sur la sécurité alimentaire

D’après le CEPII, les multiples points d’arrêts représentent autant d’occasions pour la survenue de pratiques peu licites comme la corruption à travers des pots-de-vin versés par les transporteurs. Si l’intensité du phénomène varie d’un pays à un autre, le Togo détient la palme sur le plan du manque à gagner financier.

Sur par exemple, le corridor côtier Abidjan-Lagos qui traverse le pays d’Ouest en Est sur 52 km, le prélèvement s’est élevé en moyenne à 379 $ pour chaque 100 km. À titre de comparaison, ce chiffre atteignait entre 2016 et 2020, 25 $ en Côte d’Ivoire et 13 $ au Ghana.

S’agissant également du temps des arrêts au niveau des corridors, le Togo pointe aussi en première place avec en moyenne 83 minutes contre seulement 8 minutes au Mali, au Burkina Faso et au Mali.

Globalement, les versements effectués par les transporteurs agissent comme une taxe officieuse et entrent dans la catégorie des faux frais. Cette situation se transmet le long de la chaîne de distribution affectant les coûts opérationnels et entraînant une augmentation du prix de vente au détail pour les consommateurs finaux.

À cette baisse de l’accessibilité s’ajoute également une réduction de la disponibilité alimentaire liée aux pertes survenant lors des stationnements trop longs aux points de contrôle surtout pour des denrées périssables. Concrètement d’après le rapport, les pays de la CEDEAO pourraient gagner, chaque année, 19 millions $ dans le maïs, dont 13,4 millions $ de profits pour les producteurs, si les pratiques illicites prenaient fin ou encore 48,4 millions $ dans l’oignon (33,4 millions $ pour les producteurs).

Des pistes de solutions possibles

Dans la région, le CEPII souligne que la lutte contre les pratiques illicites nécessitera un fort engagement aussi bien sur le plan économique que politique. Dans ce cadre, plusieurs moyens peuvent être déployés par les États sur le terrain afin d’assurer une meilleure circulation des marchandises agricoles au sein de la CEDEAO.

À côté du renforcement des investissements dans les infrastructures routières, le centre de recherche estime que les autorités de la région devraient travailler à l’amélioration de la rémunération des agents de contrôle.

« Du côté des fonctionnaires, la corruption a avant tout pour cause des niveaux de rémunération faibles et incertains. Leur garantir un salaire suffisant et régulier tarirait la source de la corruption en rendant la rémunération supplémentaire qu’elle procure relativement moins importante », soulignent les auteurs.

Par ailleurs, le CEPII souligne que le programme de la CEDEAO sur les postes de contrôle juxtaposés qui vise à déployer des doubles postes-frontière communs aux membres voisins de l’organisation, est aussi une initiative intéressante. Déjà opérationnels entre le Togo et le Ghana, le Bénin et le Nigéria ou encore le Bénin et le Niger, ces unités offrent la possibilité de mener des contrôles simultanés et de réduire le temps de passage pour les transporteurs.

Ecofin

Momar Diack SECK
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