Tombée de Charybde en Scylla : l’étonnante dégringolade de Aminata Mimi Touré

Tombée de charybde en scylla, elle est devenue méconnaissable. Longtemps appréciée par de nombreux Sénégalais qui la considéraient comme la bonne surprise du premier gouvernement de Macky Sall pour sa forte personnalité, Aminata Touré en est réduite à une polémiste invétérée et très volubile. Pourquoi a-t-elle complètement changé ? Que veut-elle ? Que vaut-elle ? Et qu’est-ce qui la fait courir ? Sa métamorphose est en tout cas aussi intrigante que surprenante. Le Vrai Journal

Elle n’est plus la femme que la majorité des Sénégalais ont découverte avec le premier gouvernement du Président Macky Sall. Tombeur d’Abdoulaye Wade en mars 2012, il l’avait sortie de sa manche comme la bonne surprise de son tout nouveau gouvernement.

Nommée ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Aminata Touré avait bien le profil de l’emploi aux yeux d’une bonne partie de l’opinion tellement elle imposait le respect. Ce fut à l’époque de la traque aux biens mal acquis. Et, pour la circonstance, on lui colla même l’étiquette de « Dame de fer ».

Car, elle inspirait à la fois crainte et admiration. Elle était certes la terreur de Karim Wade et des 25 dignitaires de l’ancien régime poursuivis pour enrichissement illicite, mais était perçue comme une « justicière » par une bonne frange de l’opinion.

Sa rigueur apparente et le sérieux affiché à chaque fois qu’elle intervenait sur ce sujet lui avaient valu un capital sympathie très appréciable. Autant de préjugés favorables qui avaient sûrement plaidé en sa faveur quand Macky Sall a dû changer de Premier ministre.

Elle remplace alors Abdoul Mbaye et garda cette image positive jusqu’à sa défénestration et son remplacement par Mouhamad Boun Abdallah Dionne

C’est depuis lors que la carrière de Mimi Touré est devenue une succession de haut et de bas, rythmée par des périodes tantôt de gros bavardage, tantôt de profond silence. Comme si elle n’est jamais la même personne selon qu’elle est dans les bonnes grâces du Président ou non.

Mimi en mode répondeur automatique

A présent, c’est la Mimi chouchoutée et lâchée par le Président contre ses détracteurs qui est à nouveau de sortie. Macky Sall vient d’en faire la coordonnatrice nationale du pôle parrainage de Benno Bokk Yaakaar et ça suffit à son bonheur. Gare à celui qui ose donc élever la voix contre son mentor ou s’attaquer à sa coalition !

Toutes griffes dehors, elle se jette sur quiconque émet la moindre critique. Idrissa Seck l’a appris à ses dépens lorsqu’il était encore dans l’opposition et s’en prenait régulièrement à la gouvernance de Macky Sall.

Aujourd’hui, c’est Ousmane Sonko qui est sa cible désignée et, comme souvent avec Mimi, l’attaque est frontale et sans gant. D’ailleurs, le site d’informations « Xibaru » ne s’y est pas trompé en soulignant que « Macky Sall gagne avec le retour de Mimi ».

« Le Président Macky Sall, lit-on sur ce site, vient de remettre en selle son véritable défenseur, en la personne de Mimi Touré. Et il lui a fallu quelques secondes pour faire ce qu’aucun membre de la mouvance présidentielle n’a fait depuis les émeutes de mars 2021 qui ont fait 13 morts.

Mimi Touré a renvoyé Ousmane Sonko dans le salon de Massage du Sweet Beauty, plus précisément dans l’agenda et le carnet de rendez-vous dudit salon : « Benno ne détient pas le carnet de rendez-vous du Sweet beauty ».

Et le site « Xibaru » d’en déduire que Ousmane Sonko a été, pour la première fois, sonné par l’uppercut de Mimi Touré. Sans préjuger de ce qui s’est réellement passé dans ledit salon, en quoi le fait de s’y rendre constitue en soi un crime ?

Mais qu’importe pour Mimi ! Ce qui compte pour elle, c’est d’attaquer, quitte à faire feu de tout bois. Aussi, n’a-t-elle pas hésité à faire d’une question aussi sensible que la Casamance une arme pour tirer à boulets rouges sur Sonko.

« Qu’Ousmane Sonko, dit-elle, explique clairement sa position sur la Casamance. Il a été silencieux lors des dernières attaques et la prise d’otages de nos soldats, nous ne l’avons pas entendu.»

Mais c’est ça, Mimi Touré !

Quand elle se met en mode répondeur automatique, aucun mot ni aucune arme ne sont de trop pour contre-attaquer. Pour rappel, quand en février 2019, Ousmane Sonko s’était rapproché de Wade, elle n’avait ménagé ni le leader de Pastef, ni le Pape du Sopi. Au contraire, elle les avait mis tous les deux dans le même sac

« Celui qui s’est auto-défini comme candidat anti-système, écrivait-elle sur sa page facebook, a fini de convaincre qu’il ne fait que dans la phraséologie. Il revêt tous les oripeaux de la politique politicienne qu’il dit pourfendre. Sonko qui se dit aussi le chantre de la lutte contre la corruption semble avoir oublié tous les scandales sous l’ancien régime, pourvu qu’il soutire un soutien de Abdoulaye Wade, Grandpère de la Politique politicienne sénégalaise ». Appréciez l’irrévérence envers le vieux Président.

La course folle aux strapontins

C’est à se demander si Mimi mène réellement ses combats par conviction. Elle ne monte au créneau pour défendre son mentor que lorsqu’il lui donne une sucette. Sans quoi, elle reste dans son coin, muette comme une carpe. Et là aussi, la remarque du site d’informations « Xibaru » est manifestement à propos.

« Restée silencieuse dans une zone d’observation depuis son départ du Conseil économique Social et environnemental (CESE), écrit le site, l’ancien Premier Ministre, nommée Coordinatrice du pôle parrainage de Benno Bokk Yaakaar pour les législatives a revigoré les troupes et lancé des missiles dans le camp adverse »

Il en a toujours été ainsi avec Mimi : passive quand elle est en disgrâce et hyper active, voire zélée, quand elle est en retour de grâce. Comme c’est le cas présentement avec sa nomination comme coordinatrice du pôle parrainage de Benno.

Pourtant, elle avait visiblement commencé à entreprendre ses manœuvres pour tracer éventuellement son propre sillon après qu’elle a été défénestrée une nouvelle fois du Conseil économique social et environnemental et remplacée par Idrissa Seck.

Pour preuve, cette sortie dans « Jeune Afrique » du 28 décembre 2020 où elle jeta délibérément une grosse pierre dans le jardin du Président à propos du sujet tabou du 3ième mandat. Rappelant à qui voulait l’entendre « les dispositions adoptées en 2016 lors du référendum et notamment l’article 27 de la Constitution qui stipule que « Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs ».

Mieux, interrogée sur les ambitions qu’on lui prête, elle déclara sans sourciller : « dans un système politique concurrentiel, on ne reste pas assis à regarder passer les trains. Un politicien sans ambition, c’est un politicien qui ne vous dit pas la vérité. Personnellement je suis pour qu’on célèbre l’ambition saine ». Non sans donner rendez-vous plus tard pour revenir sur la question.

Avait-elle agi sur le mode « retenez-moi ou je fais un malheur » ou par frustration ? Toujours est-il qu’il y a eu par la suite, précisément en avril 2021, cette rencontre assez intrigante avec feu Alioune Badara Cissé dont les prises de parole publiques n’étaient pas toujours bien appréciées au Palais. En tout cas, ministre de la Justice de 2012 à 2013, Première ministre de 2013 à 2014,

Envoyée spéciale de 2015 à 2019, Présidente du Conseil économique, social et environnemental de 2019 à 2020 et Coordinatrice du pôle parrainage dernièrement, Aminata Touré n’est vent debout que lorsque son mentor a fini de lui trouver sa planque. Visiblement, elle sait comment s’y prendre pour avoir droit à son strapontin. Mais à quel prix ? Car, entre-temps, le mythe  Mimi s’est littéralement effondré

Le Vrai Journal

Mamadou Nancy Fall
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