Suite juridique du rapport sur la COVID-19 : pourquoi le Président Macky Sall sera difficile à croire

Le président de la République a adressé son message, comme de tradition à la veille de chaque nouvel an, loin du « concert de casseroles » que l’opposition jouait dans la capitale et d’autres villes du Sénégal.

A l’occasion il a avancé, entre autres annonces, que « le rapport de la Cour des comptes sur la gestion financière de la pandémie covid‐19 suivra son cours, conformément aux dispositions légales et règlementaires en la matière ». Un engagement que le passé, la configuration du Conseil supérieur de la magistrature et les enjeux de l’élection présidentielle à l’horizon mettent en rude épreuve.

Ce sont plus de 700 milliards qui avaient été mobilisés par les bailleurs et l’Etat du Sénégal pour la riposte Covid‑19. Fouillant leur gestion, la Cour des comptes a fait à leur sujet un rapport dans lequel les contrôleurs écrivent avoir relevé des surfacturations de plus de 2,7 milliards de francs Cfa sur le riz, qui devait être distribué aux populations dans le besoin durant le confinement. Ils pointent aussi une surfacturation des gels hydrologiques.

Le rapport étale également que 19 milliards ont été utilisés à des dépenses sans lien avec le covid‑19, telles par exemple l’achat de bacs de fleurs pour le ministère de l’Urbanisme ! Un rapport qui a suscité en conséquence indignation, mais aussi des rassemblements de contestation à la veille de l’année qui s’écoulait. Des détournements de deniers publics impudiques, en milliards, qui ne pouvaient pas laisser de marbre le président de la République.

Ainsi a‑t‑il promis que le rapport « suivra son cours ». Un engagement de la part de quelqu’un qui avait reconnu avoir des dossiers « sous le coude » qui rencontre bien des avis sceptiques. C’est le cas, à titre illustratif, de l’économiste Meïssa Babou. Il rappelait en décembre dernier que le rapport qui incrimine plusieurs ministères ne sera suivi par aucune mesure, « parce qu’on note des détournements par-ci par-là sans aucune suite pour élucider l’opinion ».

  1. Babou ajoutait que « de 2012 à nos jours, aucun homme du pouvoir ayant été épinglé dans un rapport des organes de contrôle n’a été inquiété ».

Un rappel qui a valeur de sentence assez partagée et soutenue. Probablement du fait que dans le rapport on trouve des directeurs épinglés par un corps de contrôle devenus ministres et des ministres rappelés ou maintenus dans l’actuel gouvernement. Un classement sans suite est de l’ordre du possible, car, encore, livrer un directeur de société nationale ou un ministre serait se passer de voix pour le compte du régime en place à l’occasion de l’élection présidentielle de février 2024. Plus qu’un an et le temps de la justice n’est pas celui des justiciables.

L’autre inquiétude de ne pas voir le rapport aller jusqu’au bout est résumée par François Patuel, spécialiste de l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International, qui laissait entendre dans les colonnes de Sud quotidien que : « L’indépendance de la justice et l’équité des procès ne peuvent être pleinement garanties dans un pays où le Conseil supérieur de la magistrature compte le président et le ministre de la Justice parmi ses membres ».

En somme ces trois raisons majeures ne peuvent amener qu’à se demander si vraiment « le rapport de la Cour des comptes sur la gestion financière de la pandémie covid‑19 suivra son cours, conformément aux dispositions légales et règlementaires en la matière », comme le Président Macky Sall l’a promis samedi dernier. Le passé, le présent et le futur proche font qu’il sera difficile de le croire.

Alerte

Saphiétou Mbengue
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