Récurrence des cas de meurtres et de violences : Quand la famille livre les enfants à leurs bourreaux

Au Sénégal, la situation des meurtres devient de plus en plus inquiétante. En moins d’un mois, plusieurs enfants ont subi d’atroces maltraitances qui ont conduit certains d’entre eux à la mort. Ce phénomène installe la psychose dans les familles. Ces dernières qui ont quelque peu failli à leur mission de protéger la petite enfance deviennent son bourreau.

Les cas de violences suivies, parfois, de meurtre sur des enfants continuent de défrayer la chronique. Le dernier en date s’est produit à Bargny où une fillette de 8 ans a été tuée le 25 avril dernier dans des conditions atroces. Le présumé meurtrier qui est un voisin a été identifié et arrêté le lendemain de la découverte macabre.

Ce meurtre survient moins de 48 heures après l’agression d’un enfant de 8 ans à Thiès. Il a été retrouvé dans un état lamentable. Le cou et plusieurs parties de son corps entaillés. En fin mars dernier, un enfant dénommé bébé Lansana âgé de 17 mois a été retrouvée mort dans un puits à Kedougou.

L’auteure présumée de cette ignominie est une voisine de la famille à bébé Lansana qui a reconnu les faits non sans dire qu’elle a agi sous l’ordre de la coépouse de la victime et de sa grand-mère paternelle. Quelques jours après ce drame, un cas similaire a été noté à Velingara où bébé Kadia âgée seulement de 16 mois a été retrouvée elle aussi au fond d’un puits. Une enquête ouverte a permis d’arrêter sa maman et la nièce de cette dernière.

La maman de bébé Kadia a révélé aux enquêteurs qu’elle avait agi de la sorte pour se venger de son mari avec qui il n’était pas en bons termes. Il y a un peu moins d’un mois, une femme a été arrêtée à Nioro pour avoir ligoté et filmé les deux enfants de son mari âgées respectivement entre 3 et 4 ans.

Dans la vidéo qu’elle a envoyée à leur maman, on l’entend insulter copieusement ces jeunes innocents. Une autre affaire qui a ému plus d’un, c’est le cas d’un chirurgien-dentiste, pour se venger de son épouse qui l’a quitté, a empoisonné ses trois enfants les laissant souffrir jusqu’à leur dernier souffle avant de se couper les veines.

Cette situation très alarmante montre à suffisance que la société dans son ensemble a failli dans son rôle de protection des enfants. Pire, l’on constate que, de plus en plus, le bourreau est un membre ou proche de la victime.

Selon la directrice de la promotion des droits et de la protection des enfants qui s’exprimait en marge d’un atelier de validation de la stratégie nationale de protection de l’enfant, au-delà de l’État qui a comme mission régalienne de gérer la sécurité des citoyens et des enfants en particulier, il incombe à la famille de jouer son rôle pour protéger les enfants qui sont vulnérables par essence : « la famille constitue un socle premier de toute une société. Je lance un appel aux femmes, aux hommes mais aussi aux parents de garder les enfants à la maison, la place de l’enfant n’est pas la rue. Pour que le rôle premier de la famille soit joué, il faut que l’on revienne aux valeurs fondamentales de notre société qui se trouve être la protection des enfants », a-t-elle fait savoir.

« Le président Macky Sall a dégagé une politique de protection des enfants, la ministre de la femme est son bras ouvrier. Cependant, on ne peut pas avoir un policier ou un gendarme derrière chaque enfant », a-t-elle dit.

Abondant dans le même sens, Pèdre Ndiaye, journaliste et défenseur des droits des enfants, trouve que la dislocation de la famille et l’avènement de la nouvelle technologie font que les parents n’ont plus le temps de s’occuper des enfants : »l’État a bon dos et tout ce dont nous assistons est imputable aux parents. Auparavant, ce sont les grands parents qui éduquaient les enfants mais maintenant ce n’est plus le cas; nous sommes à l’ère des appartements et les enfants ne savent plus à quel saint se vouer », a-t-il déploré.

« Les parents consacrent plus leur temps sur les séries de télé et sur les réseaux sociaux ce qui est à l’origine du manque de vigilance. Et personne ne s’occupe de l’éducation des enfants. Ce qui fait qu’ils sont laissés à la merci des prédateurs sexuels et d’autres malades », a-t-il dit.

Audelà de la responsabilité des parents et de la famille au sens large du terme, les motivations des auteurs de ces barbares sont à dévoiler. Et ces crimes odieux dont les enfants sont victimes peuvent être compris sous deux angles. Selon le sociologue Dr Souleymane Lo, le premier est d’ordre social: « au Sénégal, encore, l’enfant naturel constitue une gêne aussi bien pour la famille maternelle que pour la famille à laquelle on attribue la paternité », rappelle-til d’entrée.

Sous ce rapport, poursuit-il, « plus l’enfant grandit, plus il rappelle l’opprobre à l’une ou à l’autre à telle enseigne qu’il devient une menace permanente qui pèse lourd devant chaque membre de la famille dont certains membres, à bout de souffle face aux regards inquisiteurs et quolibet désobligeants des voisins, finissent à se décider de mettre fin à cette situation estimée honteuse que sa famille traverse et dont la cause n’est autre que la vie d’un enfant né dans des relations soient abjectes soient prohibées par la société ».

L’autre motivation proviennent d’indications fétichiste, renseigne le sociologue : »la réussite sociale, étant le baromètre par lequel le statut social est jugé dans la société, est l’un des mobiles pour lesquels certains membres de la société, agissent sur les ordres voire indications d’un « faiseur d’avenir » qui les font comprendre que la solution à la situation peu enviable qu’ils traversent ne saurait provenir que par le sacrifice d’un innocent, c’est à dire un enfant non encore pécheresse.

Souvent, c’est selon la portée de l’indication que s’opère l’acte de meurtre allant de la recherche de sang frais à la disposition d’un organe vital signe de vie et de dynamisme chez l’être humain », explique le Dr Lo qui rappelle que ces organes privilégiés sont souvent le cœur et les reins « avec lesquels le féticheur convainc le « perdu » à la recherche de la réussite sociale par ce canal ».

Et à ce stade, obnubilé par le miracle d’un avenir meilleur, « le meurtrier agit comme possédé par un diable dans l’unique perspective d’ôter une vie pour en faire renaitre une autre notamment la sienne dans une société où il s’estimait ne valoir pas mieux qu’un chien ». Face à cette situation, il revient aux parents qui sont au banc des accusés de faire preuve de responsabilité afin de mettre un terme à ces barbaries dont sont victimes de jeunes innocents.

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Saphiétou Mbengue
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