Programme de transition politique en marche de la junte de Guinée : progrès et les défis de sa mise en œuvre *Par Paul Ejime

 

Le Conseil national de transition (CNT) guinéen, composé de 81 membres et dirigé par le Dr Dansa Kourouma, joue un rôle législatif crucial dans la transition politique précaire du pays après le coup d’État du 5 septembre dirigé par le colonel Mamady Doumbouya, qui a renversé le président Alpha Condé.

 

Dans le cadre des efforts de CNT pour mobiliser le soutien international en faveur du programme de transition, Kourouma, 43 ans, médecin avec une expérience entreprenante en matière de société civile et de gouvernance, sera conférencier invité à Chatham House London, le principal centre de réflexion politique du Royaume-Uni, le mercredi 30. Août 2023.

 

Il profitera de l’occasion pour mettre en lumière les progrès de la transition politique et le travail du CNT, composé de partis politiques, de la société civile, des forces armées, d’organisations d’employeurs, de syndicats et d’autres groupes d’intérêt, dont des agriculteurs.

 

Le Conseil met en œuvre un programme en 10 éléments convenu par la junte et la CEDEAO en décembre dernier, qui prescrit un calendrier de 24 mois pour le rétablissement de l’ordre constitutionnel en Guinée d’ici janvier 2025.

 

Le régime militaro-civil du colonel Doumbouya a budgétisé 600 millions d’euros pour le processus de transition, comprenant la réalisation de deux types de recensement de la population, la préparation d’un registre électoral, une nouvelle constitution, la création d’un corps électoral et la conduite d’élections (référendum, locales, législatives, et présidentielle), aboutissant à la passation du pouvoir.

 

La charte de transition stipule expressément qu’aucun des soldats ni aucun autre membre du gouvernement de transition ne doit participer à l’administration suivante.

 

Il existe cependant un argument selon lequel la transition aurait dû se concentrer principalement sur les activités visant à rétablir l’ordre constitutionnel, car l’ajout d’autres éléments pourrait prolonger le processus.

 

Le financement risque également de poser un défi.

 

Mais le Comité de pilotage, chargé de suivre la mise en œuvre de la transition, composé d’acteurs locaux et internationaux, tels que la CEDEAO et les partenaires au développement, a annoncé à l’issue d’une récente réunion à Conakry que la transition était en bonne voie.

 

Le colonel Doumbouya a également réitéré son engagement et son assurance de respecter le calendrier de transition.

 

L’ancien président de la République du Bénin, Yayi Boni, est le médiateur de la CEDEAO en Guinée, même si certains analystes ont noté que la CEDEAO n’est qu’un « observateur » au sein du Comité directeur, sans rôle majeur. Cela peut être corrigé au fur et à mesure que le processus progresse.

 

Le président déchu Condé, 85 ans, est en grande partie responsable d’avoir provoqué le malheur du coup d’État en modifiant obstinément la constitution nationale en 2020 pour son troisième mandat après avoir servi 10 ans au pouvoir, suivant apparemment les traces du président ivoirien Alassane Ouattara.

 

Condé, dans son cas, a été contraint à un référendum et à des élections nationales pendant la grave pandémie de Covid-19, qui a tué plusieurs responsables du gouvernement guinéen et le président de la Commission électorale nationale, Amadou Salif Kébé, en 2020.

 

Le gouvernement Condé a alors réagi en réprimant impitoyablement l’opposition et les manifestations de rue, entraînant la mort de certains manifestants.

 

Condé est officiellement en Turquie pour suivre des soins médicaux, mais le sort de celui-ci reste en grande partie un mystère.

 

Il fait également face à des accusations de la junte pour corruption et mauvaise gestion financière ainsi que pour violations des droits de l’homme lors des manifestations contre son projet de troisième mandat.

 

En outre, Condé fait partie des 40 personnes et entités répertoriées en décembre dernier pour des sanctions de la part des États-Unis pour des allégations de corruption et de violations des droits de l’homme dans neuf pays.

 

Par ailleurs, riche mais appauvrie par une mauvaise gouvernance, la Guinée, contrairement à d’autres anciennes colonies françaises d’Afrique, a toujours tenté d’affirmer une certaine indépendance vis-à-vis de la France, notamment dans la gestion de son économie et de sa monnaie locale, le franc guinéen.

 

Paris a certes condamné le coup d’État de Doumbouya, mais, à l’instar de la CEDEAO, il a effectivement salué les progrès tardifs vers le retour à l’ordre constitutionnel en Guinée.

 

En revanche, les États-Unis ont suspendu la Guinée de l’African Growth and Opportunity Act, apparemment parce que le pilier économique de la Guinée – les exportations de bauxite sont désormais principalement destinées à la Chine et aux Émirats arabes unis.

 

Comme le dit le proverbe, la preuve du succès est dans la mise en œuvre du programme de transition en Guinée.

 

Les observateurs surveillent également les autres États membres de la CEDEAO dirigés par l’armée – le Mali, le Burkina Faso et le Niger.

 

La voie à suivre consiste à gérer, guider et mettre au pas de manière stratégique les États membres capricieux de la CEDEAO, en minimisant les dommages et les conséquences négatives.

 

Les dirigeants politiques de la région ont également le devoir et l’obligation constitutionnels, envers les quelque 400 millions de citoyens de la Communauté, d’assurer une bonne gouvernance et d’éviter les comportements, tendances et dispositions qui encouragent les incursions militaires.

 

*Paul Ejime est un analyste des affaires mondiales et consultant en communications sur la paix, la sécurité et la gouvernance.

Momar Diack SECK
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