Portrait du bâtisseur de Darou Mouhty : Serigne Modou Awa Balla Mbacké, Itinéraire d’un Guide exemplaire

La communauté musulmane commémore  cette semaine le rappel à Dieu d’une illustre figure du Mouridisme  Serigne Modou Awa Balla Mbacké. Fils aîné et successeur de  Ma­me Thierno Birahim Mba­cké dont il a assuré le «Khali­fat»  pendant quarante ans, il a donné à Darou Mouhty, deuxième capitale du Mouri­disme, le visage d’une commune moderne.
Serigne Modou Awa Balla Mbacké a eu le rare privilège de faire partie des personnes  qui ont,  grâce à une fréquentation assidue de Cheikh Ahma­dou Bamba, di­rec­tement bénéficié de ses enseignements. Le statut dont il jouit au sein de la confrérie mouride lui a été en grande partie conféré par cette proximité avec le vénéré Cheikh et l’affection que ce dernier lui a toujours manifestée.

Affection illustrée par ces propos que Cheikh Ahmadou Bamba lui a tenus, en présence de son père : «Modou, sache que je t’ai balisé ton chemin. Tous tes désirs seront exaucés et tes craintes éloignées à jamais.»

Les enseignements et la formation religieuse qui lui ont été inculqués très tôt lui ont permis de synthétiser les trois dimensions spirituelles que doit réunir tout «mouride sadikh», à savoir le Tarbiya (Dévotion du talibé), le Tarkhiya (Acquisition des nobles qualités) et le Tasfiya (Aspiration vers Dieu par l’évocation).

Un parallélisme de cette proximité avec Serigne Touba peut être fait avec les liens particuliers qui unissaient son père, Mame Thierno Birahim, aux fils les plus âgés de Cheikh Ahmadou Bamba. Il les a, en effet, éduqués et initiés à toutes les sciences religieuses, en particulier Serigne Modou Mous­tapha Mbacké, Serigne Fallou et Serigne Mouhamadou La­mine Bara Mbacké. Comme le disait Serigne Fallou Mbacké, deuxième khalif de Khadimou Rassoul : «Notre père Thierno Birahim nous a inculqué un enseignement savant et nous a gratifié d’une éducation irréprochable.»

La dimension spirituelle de Serigne Modou Awa Balla n’a pas entamé son esprit pionnier et visionnaire ainsi que son ardeur au travail. Ces qualités lui ont permis de doter Darou Mouhty de la plupart des infrastructures socio-économiques indispensables à la vie décente et au bien-être des populations. Ses nombreuses réalisations ont largement contribué à faire de cette localité la seconde ville des Mourides après Touba, et le pôle de développement qu’il est devenu.

En effet, à la disparition de Mame Thierno Birahim Mbacké en 1943, il réussit dans des conditions très difficiles, à doter la localité, qui manquait cruellement d’eau potable, d’un forage. Ce problème était tellement crucial à l’époque que le célèbre écrivain Abdoulaye Sadji avait, dans un article paru le 20 juillet 1946 dans le «Paris-Dakar», évoqué la question.

Il affirme : «La ville de Darou Mouhty, étant donné sa position charnière entre les cercles de Louga et Diourbel, son niveau de production arachidière, l’intensité de la traite, le nombre de commerces libano-syriens installés et la qualité de ses habitants, mourides rangés, disciplinés, travailleurs et amis du progrès, pourrait rapidement se développer si le problème de l’eau était résolu.»

Son interrogation portait sur la question de savoir comment la ville a pu naître et prospérer à un endroit si aride.

Les autres infrastructures suivirent rapidement. Il s’agit entre autres du lotissement de la ville avec l’attribution des premiers permis d’occuper, de la création d’un poste télégraphique et téléphonique, d’un service postal (en 1952) desservi par du courrier régulier dont la distribution était assurée par un véhicule qu’il avait mis gracieusement à la disposition de l’administration, d’un marché équipé de cantines en 1954, et d’une gendarmerie implantée sur sa demande, pour assurer la sécurité des habitants, ainsi qu’un centre vétérinaire.

Il entreprit à partir de mai 1966, l’édification de la grande mosquée de Darou Mouhty, qui aura coûté au moment de sa première inauguration, plus d’un milliard F Cfa entièrement financée par la communauté mouride. Soit l’équivalant de plusieurs milliards de francs actuels.

Sa contribution dans le domaine de l’éducation aura été déterminante, avec l’implantation de «Daraas» réputés pour la qualité de leur enseignement et la philosophie de travail inculquée aux disciples qui les ont fréquentés. On peut citer comme exemples : «Madina» et «Yabal» (dirigés par Serigne Moustapha Absatou Diakhaté Mbacké son khalife actuel), «Karatièle» (confié à son fils Serigne Bassirou Astou Lô), «Darou-Rahmane» en 1944 (fief de Serigne Fallou Astou Dièye Mbacké), «Sarsara» (village rendu célèbre par Serigne Kosso Astou Lô), «Ndiarème  Yabal» (village de Serigne Kosso Ganar).

Mieux que toutes ces réalisations matérielles, Serigne Modou Awa Balla a su se mettre au service de la communauté avec altruisme. Il a toujours vécu dans la simplicité la plus totale avec un attachement profond aux valeurs originelles du mouridisme, fondées sur le diptyque amour du travail et soumission profonde à Dieu. C’est le sens de son renoncement, matérialisé par le fait qu’il ait toujours refusé de son vivant de construire en dur tout édifice autre que les édifices religieux (mosquée, Dara, etc.). Et c’est sa synthèse réussie des dimensions temporelle et spirituelle de l’homme qui fait de lui un des plus dignes héritiers spirituels de Cheikh Ahmadou Bam­ba.

Il demeure, par son exemplarité et son engagement au service de la communauté, un modèle pour les générations actuelles et futures.

Abdou Khadre Sall S lequotidien.sn

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