«La crise nous a rappelé l’importance d’assurer notre souveraineté alimentaire et sanitaire. Il est heureux de constater que durant la phase de résilience, le système de santé sénégalais s’est illustré par ses belles performances. Le Pap2A consacre une nouvelle séquence dans la gestion de la pandémie en passant d’une résilience réussie à une relance durable». Sic !
L’auteur de cet extrait, paru dans le Soleil du 9 novembre dernier, n’est personne d’autre que le défunt secrétaire général du ministère de l’Économie, du Plan et de la Coopération : Pierre Ndiaye. Ce message empreint d’enseignements, il l’avait prononcé le 5 novembre, dans un hôtel de la place. C’était à l’occasion d’un atelier du Bureau opérationnel de suivi (Bos) du Pse consacré à l’orientation stratégique du projet de relance de l’industrie pharmaceutique auquel votre serviteur avait assuré la couverture médiatique.
Votre pertinente intervention, ce jour-là, comme toujours d’ailleurs, avait fini par rassurer l’assistance, particulièrement les acteurs opérant sur la chaîne de valeur pharmaceutique. En un temps record, tu as rappelé les grandes lignes du plan de relance économique avec pédagogie et pertinence. En quittant la salle, j’ignorais que nous n’allions plus nous revoir. La force du destin en a décidé ainsi. Ta disparition brutale, mercredi dernier, a été tout simplement douloureuse. Le choc fut immense ; la tristesse et la consternation au comble. Mais nous ne pouvons que nous en remettre au Maître des Cieux et de la Terre.
Nous n’avons pas la prétention de retracer la vie de ce haut cadre de l’administration sénégalaise, car des compatriotes plus avertis et mieux placés seraient plus habilités à le faire. Le déluge de témoignages et d’hommages sur le défunt au lendemain de sa disparition montre la dimension exceptionnelle de ce statisticien-macroéconomiste pétri de bonnes valeurs. Les qualificatifs ne manquent pas pour décrire l’homme. Collaborateurs, amis et autres connaissances ont tous salué sa compétence, sa courtoisie, son engagement, sa discipline, son ouverture d’esprit, mais surtout sa disponibilité. Le discours est presque le même. Comme s’ils s’étaient tous passé les mots, dirait-on.
À travers ces lignes donc, nous souhaitons rendre hommage à un économiste doublé d’un statisticien et d’un pédagogue d’une rigueur et d’une concision qui forcent le respect. «Pierre était l’un des meilleurs statisticiens-macroéconomistes du pays», affirmait le chef de l’État, MackySall, dans un hommage rendu sur son compte twitter. Notre petite expérience de jeune reporter économique sur le terrain nous a permis de découvrir un pan des multiples facettes de compétences de Pierre Ndiaye sur les théâtres d’opérations.
Du quartier de Sacré-Cœur où étaient logés les services de la Direction de la prévision et des études économiques (Dpee) à la rue Carnot X Dr Thèze qui abrite actuellement la Direction générale de la planification et des politiques économiques (Dgppe), l’occasion nous a souvent été donnée de suivre les pertinentes interventions de Pierre Ndiaye.
Son œuvre est immense ; sa contribution à la conception et à la mise en œuvre des politiques publiques, ces dernières années, est incalculable. Deux points attirent notre attention : le Plan Sénégal émergent (Pse) et le Plan de relance de l’économie nationale post-Covid-19.
Sur le premier point, nous étions en 2014, lorsque l’État s’apprêtait à organiser le Groupe consultatif pour mobiliser des financements auprès des partenaires bilatéraux, multilatéraux et du secteur privé. À quelques jours de l’événement tenu les 24 et 25 février 2014, la Dgppe, dans une démarche inclusive et participative, s’était évertué à impliquer toutes les forces vives de la Nation (société civile, leaders d’opinion, secteur privé, partenaires techniques et financiers…) à travers des rencontres d’échanges et de discussions sur les orientations du Pse.
Au cours de ces tribunes, le défunt secrétaire général du Mepc, dans un langage dépoussiéré et limpide, parvenait à expliquer, avec aisance, pédagogie et pertinence, les contours du Pse. Il réussit à convaincre son auditoire.
Doté d’un grand sens de l’écoute, il savait également attirer le public et susciter l’intérêt autour de ses interventions. Ses dernières sorties publiques sur les grandes orientations du Plan d’actions prioritaires ajusté et accéléré (Pap2A) pour la relance de l’économie post-Covid ont encore démontré sa parfaite maîtrise des dossiers économiques.
Avec la disparition de Pierre, c’est un artisan et un architecte du Pse qui est parti à jamais. C’est l’une des pierres de l’édifice de l’administration sénégalaise qui s’est affaissée. Pour l’éternité.
Par Abdou Diaw, Journaliste économique