Boubacar Sèye, le président d’Horizon Sans frontières a récemment partagé avec la presse des séries d’échanges portant sur les découvertes de gaz et du pétrole au Sénégal. Dans cet entretien, il revient sur les enjeux du moment, mais surtout les risques pour les populations et l’environnement dans les pays de découvertes de gaz et pétrole…
Que pouvez-vous revenir pour le site www.lactuacho.com sur les enjeux géostratégiques liés à ces découvertes ?
Depuis la deuxième guerre mondiale, le pétrole est devenu un élément essentiel de la géopolitique. Il est l’épicentre des questions géopolitiques et géoéconomiques mondiales.
Des études sociographiques ont le lien causal des conséquences néfastes de sa mauvaise exploitation avec la pauvreté, les conflits, les changements climatiques etc., facteurs de propension à la migration.
De nouvelles découvertes d’hydrocarbures ont été faites au Sénégal , coté pétrole , on parle d’ une réserve estimée à plus de 2.5 Milliards de barils avec une fréquence de production de plus 100 000 à 120 000 barils par jour et plus de 540 M3 de gaz .
Cette nouvelle donne économique fera du Sénégal un pôle attractif de migration, de mixité et une cible des prédateurs économiques avec beaucoup de risques.
Il s’agit pour nous, Horizon Sans Frontières, de tirer la sonnette d’alarme en évaluant ces risques pour la mise en place de stratégies de prévention et de gestion de ces risques.
Paradoxe souvent noté : dans la plupart des pays producteurs du continent, aucun essor socioéconomique n’est constaté. Certains sont même classés pauvres. Comment l’expliquez-vous ?
Dans les pays producteurs, le pétrole appauvrit les populations. Les déversements d’hydrocarbures dus à la corrosion des oléoducs, les émissions de dioxyde de carbone (C02 ) des torchères de Gaz ont des effets néfastes sur les terres agricoles. Ils rendent les sols moins fertiles et font baisser leur productivité.
Ils détruisent les sources de subsistance des populations et constituent une menace pour la biodiversité et les écosystèmes. Par Exemple le 28 Aout 2008 l’éclatement d’un tuyau de l’oléoduc Trans –Niger a provoqué un important déversement dans la Baie de Bodo en Pays Ogoni .
Le pétrole s’est répandu dans la Baie en tuant les poissons, sources de subsistances des populations.
Avec un volume de production de 2.4 millions de barils par jour, le Nigeria est le premier pays producteur Africain et le 11ieme mondial. En 2005, le pétrole a rapporté au gouvernement central 37.7 milliards de dollars soit 80 % des revenus du pays et 95% de ses exportations.
Pourtant le pays est l’un des plus pauvres au monde avec plus 66% des populations qui vivent sous le seuil de la pauvreté.
Les sociétés qui explorent et même exploitent ont des moyens 10 fois supérieurs au budget du pays de découverte. Dans ce cas comment ces pays peuvent négocier sans être en position de faiblesse ?
De nombreux en Afrique souffrent de déficit en matière de Gouvernance économique et politique qui profitent aux compagnies pétrolières lors de négociations. Ces prédateurs économiques ne respectent pas les règlements de la pollution et les dépollutions en cas de marées noires.
Pour contourner leurs subterfuges, les Etats doivent adopter des lois strictes et républicaines allant dans le sens de l’intérêt général du pays et des populations.
La question sécuritaire est aussi au centre des enjeux. Comment se prémunir des « malédictions » qui existent dans ces zones minières, gazeuses ou pétrolières ?
Le Pétrole pollue essentiellement par la combustion de torchères de gaz à ciel ouvert et les déversements des oléoducs.
Entre 1976 et 2001, il y a eu selon le PNUD plus de 6800 déversements à travers le monde. Ces déversements de déchets et les émissions de c02 ont des risques pour la santé en augmentant les épidémies, les maladies respiratoires et les cancers.
Troublante coïncidence, la découverte de pétrole, finalement classé trop lourd, est simultanée avec la rébellion casamançaise. Est-ce exagéré de lier les deux ?
La forte dépendance des pays développés qui ont un modèle économique énergivore est-elle que la convoitise est à l’origine de beaucoup de guerres civiles ou conflits dans le monde.
L’Amérique du Nord 25% de la production et l’Europe 21% de la production mondiale consomment presque la moitié de la production mondiale contre 3 % pour l’Afrique
Aujourd’hui 1/3 des guerres civiles dans le monde ont lieu dans les pays producteurs contre 1/5 en 1992.
Avec ces découvertes au Sénégal, tous les prétextes sont bons créer une crise afin de s’ériger en pompiers pour gérer cette manne pétrolière ou gazière.
Les Sénégalais sont choques de voir certains medias français en l’occurrence France 24 remuer le couteau dans la crise qui secoue la Casamance. Horizon sans Frontières avait déjà mis en garde la France contre toute tentative de déstabilisation du pays en demandant au procureur de s’autosaisir, une chose qu’il tarde à faire depuis.
Que conseillez-vous à nos dirigeants pour se prémunir de cette malédiction ?
Les conséquences d’ une mauvaise exploitation de ces hydrocarbures dévoilent des problématiques de sécurité publiques , de dumping migratoire qui charrie le trafic d’ armes , de drogues et d’ êtres humains .
Le Sénégal doit développer des technologies de recherche appliquée dans le domaine de ces hydrocarbures et réserver l’exclusivité et la priorité aux entreprises nationales. Il faut développer le culte du patriotisme économique et fermer la porte aux prédateurs
Dernière question, ces découvertes, peuvent-elles être des lueurs d’espoir pour notre jeunesse dont une partie, au péril de sa vie migre illégalement ?
Effectivement cette manne d’hydrocarbure peut être une lueur d’ espoir , un moyen de lutter contre l’ extrême pauvreté et le chômage endémique et structurel des jeunes facteur de propension à l’ émigration clandestine a condition qu’ elle soit gérée par ses sénégalais eux-mêmes et dans le but de l’ intérêt de la nation et du peuple sénégalais .
Cependant il faudra un sursaut national contre la corruption, l’incurie des pouvoirs publics et la gestion clanique, clientéliste et partisane qui minent la société sénégalaise.