Objectifs de sécurité alimentaire d’ici 2030 : Les donateurs doivent doubler leurs investissements pour pouvoir éradiquer la faim, selon un étude de la FAO

Il faudra que les donateurs fournissent en moyenne 14 milliards de dollars américains supplémentaires par an entre 2020 et 2030, soit environ le double de leurs dépenses actuelles en faveur de la sécurité alimentaire et de la nutrition.

C’est ce qui ressort des dernières études réalisées par le Centre de recherche pour le développement (ZEF) de l’Université de Bonn, l’Université Cornell, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI) et l’Institut international du développement durable (IIDD).

Si les donateurs doublaient leurs investissements et dépensaient ces fonds judicieusement, ils contribueraient à éliminer la faim d’ici à 2030, a indiqué une coalition de groupes de recherche dans le cadre d’un appel à l’action lancé à l’approche de la Journée mondiale de l’alimentation.

Maximo Torero, Économiste en chef à la FAO: «Le monde produit suffisamment de nourriture pour tous les êtres humains. Par conséquent, il est inacceptable que 690 millions de personnes soient sous-alimentées, que deux milliards de personnes n’aient pas accès, de façon régulière et en quantité suffisante, à des aliments sains et nutritifs et que trois milliards de personnes n’aient pas les moyens de s’alimenter sainement.

Si les pays riches doublaient leurs promesses d’aide et aidaient les pays pauvres à accorder la priorité à des interventions d’un bon rapport coût-efficacité dans les domaines de la recherche et du développement en matière d’agriculture, de la technologie, de l’innovation, de l’éducation, de la protection sociale et de la facilitation du commerce, à cibler correctement ces interventions et à les transposer à plus grande échelle, nous pourrions éliminer la faim d’ici à 2030.»

Selon le communiqué, cet appel à l’action découle de l’union de deux projets: Ceres2030 – Sustainable Solutions to End Hunger [des solutions durables pour éliminer la faim], dirigé par l’Université Cornell, l’IFPRI et l’IIDD, et une étude conjointe réalisée par la FAO et le ZEF. Les résultats de ces deux projets seront présentés lors d’une manifestation organisée par le Gouvernement allemand, qui se déroulera le 13 octobre. À cette occasion, il est prévu que des donateurs s’engagent à contribuer financièrement au Programme mondial sur l’agriculture et la sécurité alimentaire (GAFSP).

Par des méthodes différentes, Ceres2030 et l’étude FAO-ZEF sont parvenus à la même conclusion, à savoir que les donateurs devraient doubler leurs dépenses. Ceres2030 a abouti à la construction d’un modèle économique informatisé d’équilibre général permettant de déterminer le meilleur moyen d’éliminer la faim durablement, conformément à l’objectif de développement durable 2 des Nations Unies.

David Laborde, chargé de recherche principal à l’IFPRI: «Nous avons établi que, si les donateurs doublaient leur aide et que, en parallèle, les pays les plus pauvres augmentaient les dépenses imputées sur leur budget propre, nous pourrions, à la fin de la décennie, avoir éliminé la faim, doublé les revenus de 545 millions de petits agriculteurs et limité les émissions liées à l’agriculture, conformément à l’Accord de Paris sur le climat.»

Joachim von Braun, Directeur du ZEF et Président du groupe scientifique qui conseille le système des Nations Unies au sujet du Sommet sur les systèmes alimentaires qui se tiendra prochainement: «Notre étude montre qu’il faudrait 39 à 50 milliards de dollars américains supplémentaires par an pour éliminer la faim d’ici à 2030, tel que le prévoit l’objectif de développement durable 2. Pour tenir la promesse que les pays du G7 ont faite à Elmau en 2015, à savoir libérer 500 millions de personnes de la faim, il faudrait que des donateurs dépensent 11 à 14 milliards de dollars américains supplémentaires par an, soit environ le double de leurs dépenses actuelles en faveur de la sécurité alimentaire. Ces investissements doivent contribuer au développement et à la durabilité à long terme.»

Par ailleurs, les chercheurs de Ceres2030 ont mis au point un nouvel outil révolutionnaire d’apprentissage automatique, décrit dans un article paru dans la revue Nature Machine Intelligence.

Grâce à celui-ci, une jeune équipe de plus de 70 chercheurs de 23 pays, dirigée par une femme, a pu répondre à huit questions concernant notamment la pénurie d’eau et l’emploi dans une perspective d’avenir. Ses conclusions ont été publiées dans le cadre d’une série de huit articles examinés par des pairs et parus dans la revue Nature Research.

Elles indiquent comment les États pourraient cibler au mieux leurs dépenses destinées à éliminer la faim, tout en accroissant les revenus des petits agriculteurs et en réduisant l’impact de l’agriculture sur l’environnement.

Les équipes chargées des études Ceres2030 et FAO-ZEF recommandent que les donateurs effectuent des interventions fondées sur des éléments factuels et conçues pour se renforcer mutuellement, y compris qu’ils investissent dans la recherche et le développement en matière agricole, prêtent un appui aux programmes de protection sociale fournissant de la nourriture ou une aide monétaire aux personnes dans le besoin, et favorisent l’inclusion, notamment en contribuant à améliorer le degré d’alphabétisation des femmes et des filles et à former les jeunes ruraux.

Les dépenses doivent être concentrées dans les zones où les besoins sont les plus grands – principalement en Afrique subsaharienne mais aussi en Asie du Sud.

Mme Carin Smaller, Directrice chargée de l’agriculture, du commerce et des investissements à l’IIDD: «Il ne nous reste plus que 10 ans pour atteindre les objectifs de développement durable des Nations Unies. Nous devons donc mener une action concertée et coordonnée qui soit fondée sur des éléments factuels et financée par des ressources suffisantes. Nos cinq organisations ont fourni aux donateurs les éléments concrets dont ils avaient besoin pour éliminer la faim de façon durable. Il est maintenant temps d’agir!»

Mme Agnes Kalibata, Envoyée spéciale du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (ONU) pour le Sommet sur les systèmes alimentaires, et M. Gerd Müller, Ministre de la coopération économique et du développement de la République fédérale d’Allemagne, ont rédigé l’avant-propos du document qui résume les résultats de Ceres2030: «Cette étude paraît à un moment critique. En effet, les conséquences dramatiques de la crise du COVID-19 aggravent les souffrances des plus vulnérables, en particulier dans les régions les plus pauvres du monde. Pour ces personnes, la pandémie du COVID-19 est aussi une pandémie de faim. Au vu de ces éléments, le Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires, qui se tiendra l’an prochain, sera l’occasion de lancer des actions, d’appliquer des solutions et d’adopter des stratégies nouvelles et courageuses afin de faire progresser la réalisation des 17 Objectifs de développement durable, dont chacun repose sur des systèmes alimentaires plus sains, plus durables et plus équitables.»

Oumou Khaïry NDIAYE
Up Next

Related Posts