Levee du corps des reporters de Leral : Les déboires de la presse sénégalaise refont surface

L’hôpital Principal de Dakar a refusé du monde, hier, lors de la levée de corps des trois reporters du groupe Leral. La presse sénégalaise, fortement mobilisée, a tenu à rendre un ultime hommage à Ousmane Ndiaye, Mamadou Yoro Diallo et Abou Mamadou Sy.

L’émotion était vive, l’atmosphère insoutenable… Les familles et proches des trois disparus n’ont su retenir leurs larmes. Sur les visages défaits se lisaient consternation et tristesse. Entre cris de douleur, pleurs à chaudes larmes, les parents d’Ousmane Ndiaye, Mamadou Yoro Diallo, Abou Sy auraient tout donner pour les revoir, une dernière fois. A la vue des trois corbillards, certaines femmes n’arrivèrent plus à tenir sur leurs jambes. La séparation a été trop brutale, d’autant plus que ces jeunes reporters sont décrits comme des personnes serviables, altruistes et sans histoire.

Du côté de Leral.net, on confirme que leur absence sera d’un lourd poids. ‘’C’est un vide incommensurable. Je me demande si je vais pouvoir continuer à exercer ce métier, sans ces trois collègues qui sont devenus pour moi des frères. Ils sont irremplaçables’’, confie le coordonnateur de la rédaction Mamadou Cissé, la voix à peine audible. ‘’Ils sont tombés les armes à la main’’, lance la chargée de communication du ministère de la Santé, Ngoné Ngom.
‘’Aidez et considérez plus les jeunes reporters’’
La cérémonie de levée de corps s’est finalement déroulée en privé, dans l’enceinte de l’hôpital. Seul un groupe restreint des familles y a assisté, pendant que, dehors une foule immense patientait. La presse sénégalaise, dignement représentée, a saisi l’occasion pour, une fois de plus, déplorer les conditions de travail.

‘’Yoro Abou et Ousmane n’aimaient que leur travail. Ce sont des amis, nous étions ensemble 24h sur 24. Je lance un cri de cœur aux patrons de presse. Aidez et considérez plus ces jeunes qui sont dans les rédactions. On voit souvent des reporters qui, après une journée de travail, n’ont ni de quoi dîner, ni transport. Ces jeunes n’ont rien, mais sont braves. Ils sont sur le terrain et travaillent le plus souvent par passion. On parle de l’assainissement de la presse, mais qu’on assainisse d’abord les rédactions. Les conditions de travail sont extrêmement difficiles. Tout comme hier, nous demandons aux patrons de presse d’aider les jeunes reporters, ils sont fatigués, épuisés, sans contrat, sans assurance, sans rien. Ne laissons pas ces jeunes périr comme ça’’, interpelle le président du Groupe des jeunes reporter Buur Gueweul, avant d’éclater en sanglots.

La journaliste Maimouna Ndour Faye à la tête de 7TV propose pour sa part une journée dédiée à la mémoire des défunts, chaque 31 mai. ‘’Il est vraiment temps qu’on nous accorde un minimum de respect. Dieu seul sait dans quelles conditions les reporters vont en mission. Tu pars sans argent de poche, sans prime de risque, sans rien’’, lance, dépité, un employé de Leral.net. Un avis que partage le journaliste Mamdou Ibra Kane pour qui le meilleur hommage qu’on puisse rendre à ces reporters c’est de donner plus de respect et de considération à la presse, surtout à ses jeunes reporters.

Les revendications du 3 mai ont refait surface, mais cette fois, dans la douleur. Difficile cependant d’arracher un seul mot aux deux rescapés de l’accident. Pour le secrétaire général du Syndicat des professionnels de l’information et de la communication (Synpics), cet événement tragique rappelle à tous la fragilité de l’existence humaine. ‘’Ces trois jeunes gens se sont retrouvés pour le travail. Ils ne savaient ce qui les attendait, ce jour-là. Je pense qu’on doit tout remettre entre les mains de Dieu. Il faut qu’on sache que quelque soit notre passion pour le journalisme, nous ne sommes que des êtres humains. Que Dieu veille et protège leurs familles, car c’est vraiment l’inquiétude, aujourd’hui. Ce sont presque des enfants qui sont partis. Que chacun se souvienne qu’on y passera tous’’, soutient Bamba Kassé.

‘’La route tue’’

Au-delà du décret divin, les journalistes sénégalais estiment que l’Etat doit prendre des mesures dans le cadre de la sécurité routière. Le projet de construction d’une route entre les villes de Tambacounda et Kédougou devrait voir le jour, insiste le journaliste Alassane Samba Diop, qui ajoute: ‘’c’est ce qu’on attend du ministère des Transports. La route tue. Nous sommes vraiment fatigués de ces décès.

Combien de fois nous assistons à des courses sur nos routes entre les véhicules de transport en commun ? Les policiers également doivent faire leur travail. A chaque fois c’est pareil ! C’est l’émoi et après, plus rien. Aucune mesure ne suit. C’est le cas du drame bateau du Joola. On n’en a tiré aucune leçon. Il y a une grande anarchie dans ce pays qui doit cesser et cela engage tous les citoyens. Que chaque Sénégalais change, pour que le pays change’’.
Même son de cloche chez son confrère Ibra Kane : ‘’Il faut qu’on accentue la sécurité routière, du côté de Kédougou, Tamba, Kaolack. Il y a tellement de camions qui circulent là-bas. On doit aussi revoir nos comportements’’. Quant au directeur de publication de l’Observateur, il préconise une prise en charge globale de la problématique. ‘’ Il y a un manque de chaussée, un problème de comportement et une absence de mesures pour au moins diminuer les accidents. De nos jours, il y a beaucoup de jeunes chauffeurs sur la route, ce qui en fait une tranche d’âge exposée, car les jeunes sont assez insouciants. On doit davantage les sensibiliser. Le premier rôle de l’Etat, c’est de communiquer avec sa population’’, pense Alioune Badara Fall.

Par ailleurs, l’Association des caméramans professionnels du Sénégal appelle le journaliste Adama Gaye à plus de retenue. Cette invite fait suite à un de ses posts Facebook, à l’annonce des décès. Le corps du chauffeur Ousmane Ndiaye repose désormais à Touba, celui du cameraman Mamadou Yoro Diallo à Ziguinchor et le journaliste Abou Mamadou Sy à Podor.
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Mamadou Nancy Fall
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