Le droit a parlé, la République a tenu Par Babou Biram Faye

Il arrive des moments où les institutions, mises à l’épreuve, révèlent leur véritable force. Le 23 avril 2025 en fut un. En rejetant la loi dite « interprétative » de l’amnistie, le Conseil constitutionnel n’a pas simplement annulé un texte : il a opposé une résistance ferme à une tentative manifeste de manipulation du droit à des fins politiques.

Cette décision sonne comme une gifle républicaine à une majorité tentée par l’arbitraire, rappelant à tous (y compris les plus puissants) que la loi n’est pas un outil au service des vainqueurs, mais un pilier intangible de notre démocratie.

Le 23 avril 2025 restera, donc, dans nos mémoires comme le jour où la démocratie sénégalaise a refusé de plier sous le poids de la manipulation juridique. En rejetant la loi dite « interprétative » de l’amnistie, le Conseil constitutionnel a rendu une décision d’une portée symbolique et politique majeure : on ne réécrit pas les lois pour régler ses comptes, et encore moins après en avoir tiré tous les bénéfices.

Car soyons clairs : cette loi n’était ni plus ni moins qu’une tentative de verrouillage politique, déguisée en clarification juridique. Elle visait à restreindre la portée d’une amnistie qui, ironie de l’histoire, a permis à ceux qui sont aujourd’hui aux commandes de participer à l’élection présidentielle. La manœuvre n’a pas trompé. L’opposition parlementaire, unie et lucide, a su s’ériger en dernier rempart contre cette dérive.

Je salue ici le travail rigoureux des députés du groupe Takku Walu, des non-inscrits, notamment, ceux de Jamm Ak Njariñ, qui ont fait preuve de courage et de constance. Ils ont refusé de céder à la pression, ont posé les bons jalons au sein de l’hémicycle, et ont porté le débat jusqu’à la plus haute juridiction du pays. Ils ont agi non pour défendre des intérêts partisans, mais pour préserver l’ordre constitutionnel.

Ce combat, n’est  pas mené pour gagner un point contre la majorité, mais, pour rappeler une vérité simple : la loi est au-dessus de tous, y compris des vainqueurs du jour. Une majorité électorale, aussi large soit-elle, ne donne pas tous les droits. Elle n’accorde pas un blanc-seing pour réinterpréter à sa guise les textes fondamentaux de la République.

Mais pendant que le droit triomphe dans les palais de justice, une autre offensive, plus sournoise, se prépare : celle de l’intimidation judiciaire. Car à peine la décision du Conseil tombée, voilà que d’anciens ministres sont convoqués par la justice, à commencer par Ndèye Saly Diop Dieng. Elle, dont l’engagement au service de l’État n’a jamais été entaché, se retrouve aujourd’hui mise en cause sur la base d’allégations encore floues liées à la gestion des fonds COVID-19.

Soyons clairs : nous ne sommes pas opposés à la reddition des comptes. Bien au contraire. Il faut traquer sans complaisance les mauvais gestionnaires de nos maigres deniers publics. Mais il faut le faire dans un esprit de justice, non dans celui d’une chasse aux sorcières. Ce que nous dénonçons, c’est le soupçon croissant d’instrumentalisation de la justice à des fins de règlement de comptes politiques. C’est l’impression donnée que certains sont jugés pour ce qu’ils représentent, plus que pour ce qu’ils ont fait.

Ce n’est pas ainsi que l’on construit une démocratie forte. Ce n’est pas ainsi que l’on gouverne un peuple qui aspire à la justice, à la transparence et à la sérénité institutionnelle. Le Sénégal mérite mieux que ces représailles politiques déguisées. Il mérite une gouvernance à la hauteur des défis sociaux, économiques et humains qui se posent à nous.

Le rejet de cette loi interprétative n’est pas la fin du combat. C’est un point d’étape, un avertissement adressé à tous ceux qui seraient tentés de faire plier le droit à leurs ambitions. Aujourd’hui, c’est l’opposition parlementaire qui a tenu bon. Demain, ça peut etre l’ensemble de la société qui se lève pour dire non à l’arbitraire.

Nous continuerons à défendre la République. À protéger la justice.

À garantir les libertés. C’est notre devoir.

C’est notre responsabilité.

 Babou Biram Faye

Dieyna SENE
Up Next

Related Posts