Le concept du «Gokhi» : Entre vertus thérapeutiques et risques d’excès Par Serigne Babakar Diop

Ceux qui ont à gérer des biens du pays doivent rendre compte de leur gestion. Difficile de ne pas adhérer sans réserve à cet impératif catégorique : difficile de ne pas lui accorder respect et sympathie. Des biens du Sénégal et des Sénégalais ont servi à enrichir clandestinement des personnes et catégories de personnes, à satisfaire des intérêts privés. Rien de plus exact, ni de mieux connu dans le pays. Pourtant, il faut bien le dire : rien n’a été entrepris pour mettre fin à l’escroquerie

Dans un passé récent, nous avons été témoins de politiques de recouvrement de biens publics

Ces politiques n’ont jamais eu les résultats escomptés. Elles nous ont légué le problème de la corruption et de la dilapidation des biens publics, non sans les enrichir. La lutte contre l’enrichissement illicite est à présent de retour sur la scène, théorisée par un gouvernement qui veut lui insuffler du sérieux, de la vigueur et de l’efficacité. Sous le nom non moins innocent de Gokhi, elle doit ramener aux Sénégalais ce qui leur a été pris clandestinement.

Le Gokhi ne réveille point d’enthousiasme chez certains compatriotes. Il ne semble point réchauffer leurs cœurs. Il fallait s’y attendre. Qui veut faire les frais du Gokhi ? Qui souhaite être une victime du grand déluge du Gokhi ? Le procédé n’est pas sans danger pour les estomacs sensibles.

Le Gokhi est un réflexe de protection de l’organisme. Par des procédés plus ou moins grossiers, l’estomac se vide pour se débarrasser de ses troubles et de ses maux. Ces bienfaits hygiéniques et curatifs pour le corps et l’estomac sont bien connus et ne souffrent d’aucune contestation.

Au Sénégal, le Gokhi est aujourd’hui une exigence morale et politique. Une exigence qui ne tolère aucun compromis. Le gouvernement se doit d’être, sur ce sujet, d’une extrême radicalité. Ce pays a trop souffert de la grande gourmandise d’une partie de ses classes dirigeantes. Il a trop souffert de la primauté des intérêts privés sur l’intérêt public

Comme tout retour, la nouvelle carrière de la traque des biens acquis frauduleusement n’ira sûrement pas sans excès et sans quelques aventures. Le gouvernement devra éviter de s’exposer au reproche de politisation du Gokhi.

Toute intention de museler l’opposition ou de chicaner ceux qui ont pris parti contre le nouveau régime doit y être absente. Il n’y a aucun honneur, aucune grandeur, aucune intelligence, de se couvrir d’une idéologie des mains propres pour combattre des oppositions.

Le gouvernement doit se garder d’une telle utilisation parasite et perverse

Il faut avouer qu’il existe dans ce pays une masse de citoyens soustraits à la coercition des règles du bon sens, de la morale et de la religion. La masse est avide d’excitation. Il existe dans la société un grand réservoir de soupçon, de jalousie, de pulsions autoritaires et de reflexes d’hostilité. On ne peut que constater, avec inquiétude et malaise, cette évolution. Nous devons curer ces maux et insuffisances. Nous n’avons pas le droit de les aiguiser

Serigne Babakar Diop Allemagne

Dieyna SENE
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