Diomaye Moubarak ! Par Yàga Féké, billetiste de l’hebdo Comment

Billet publié dans l’hebdo Comment du 29  mai : Comment devrais-je dire ça sans me faire taper sur les doigts ? Mais subir des reproches n’est rien devant le risque d’excommunication que je cours en proclamant à la face du monde le désir qui me tenaille de crier que j’en ai assez, voire plus qu’assez. Ras-le-bol, je vous dis, de ces journées remplies de vide !

Un rapide sondage dans mon entourage immédiat me rassure sur un fait : je ne suis pas le seul à être l’objet de tant d’attentions de la part du monde tout autant virtuel que réel de la messagerie instantanée. Le phénomène est récent. Il n’est apparu qu’avec l’avènement des smartphones, ces objets « intelligents » qui permettent à tout le monde et à n’importe qui d’avoir un accès illimité et, surtout, gratuit aux applications de messagerie modernes.

De la plus populaire, WhatsApp, à la moins fréquente, Wickr Me, en passant par Telegram, Facebook Messenger, Signal ou l’inusable Viber, on a cette sensation de gratuité que n’offraient pas les téléphones portables d’antan, inspirateurs du langage SMS avec ses mots systématiquement abrégés. Et son système de facturation qui, en dépit desdites abréviations, laissait des traces bien visibles dans le porte-monnaie.

Aujourd’hui, point d’abréviations puisqu’on n’écrit plus rien. D’autres le font à notre place, rivalisant d’imagination en matière de créativité. La maîtrise du digital facilite tellement la création, voire la prolifération de messages stylisés, que l’on n’a plus qu’à ramasser ce qui se présente. Il y a aussi des extraits du Coran, par des versets souvent coupés un peu n’importe comment. Ainsi, à travers WhatsApp, incontestablement l’appli autonome de chat et de voix la plus en usage au monde avec plus de deux milliards d’utilisateurs actifs mensuels, je ne suis donc pas le seul à en recevoir à la pelle, vraiment beaucoup, tous les jours.

« Bon lundi ». « Magnifique mardi ». « Mercredi béni ». « Excellent jeudi ». « Très bon samedi ». « Bonjour. Agréable dimanche ». « Excellent week-end »… Mais chez nous, le pic est atteint le vendredi. C’est le jour où tout le monde reçoit de partout et de n’importe qui (sauf de moi, bien sûr) un souhait de « bonne journée sainte » décliné sous toutes les formes et sur tous les tons. « Dioumâ Moubarak » à la française, « Jumma Mubarak » à l’anglaise, « Joumah Moubarack » à la n’importe quoi !

J’en reçois même de non musulmans, voire d’agnostiques ou d’athées, car il faut faire comme tout le monde. Mais je ne réponds jamais. Sauf, de temps en temps, à certains aînés dont je respecte l’effort d’avoir eu une pensée pour moi. Oui, en bon Sénégalais, j’ai aussi ma petite part d’hypocrisie.

Une amie d’enfance, que je n’ai pas vue physiquement depuis des lustres, m’en a fait la remarque. « Tu ne réponds jamais à mes messages », m’a-t-elle reproché. « Euh… ben, mais je crois que c’est quelqu’un d’autre qui les a écrits, donc c’est pas tes messages », ai-je bredouillé.

Par moquerie, par plaisanterie, mais surtout par défi, j’ai inventé, quelques jours après le 24 mars passé, une formule censée suggérer subtilement que je ne prends pas au sérieux ce semblant de politesse quotidienne de la part de gens oisifs qui ne vous envoient rien d’autre que cela toute l’année. Et certains, plusieurs fois dans la même journée.

La formule que j’ai inventée et qui aurait dû décourager ces infatigables remplisseurs de ma boîte de réception, devenue, par la force des choses, une boîte de déception, c’est : « Diomaye Moubarak !»

Hélas, elle n’a pas produit l’effet escompté.

Que Dieu vous protège et embellisse votre journée !

 

Yàga Féké, billetiste de l’hebdo Comment.

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