(S Banque mondiale)-Un air sain rime avec des économies plus prospères, des populations en meilleure santé, moins de dépenses médicales pour les familles et des enfants en meilleure capacité d’apprendre. Un air sain, c’est indispensable pour la santé de l’environnement et c’est bon pour le climat.
Dans le monde entier, des pays et des villes s’emploient à lutter contre la pollution de l’air : la ville de Mexico a réduit de 70 % la pollution depuis les années 1970 et en Chine, la province du Hebei est parvenue à une baisse de 40 % entre 2013 et 2017. De plus, lorsque les pays s’associent pour améliorer la qualité de l’air, ils font aussi des économies !
Du Sénégal à l’Inde, nous vous proposons un tour d’horizon des projets en cours, en chiffres et images, pour célébrer la Journée internationale de l’air pur, le 7 septembre.
De l’Inde au Sénégal : la puissance des solutions locales
Situé dans le sud-ouest de l’État indien du Bihar, le village de Lakhaipur se niche au cœur de la plaine indo-gangétique. Par une chaude journée d’été, des femmes sont rassemblées à l’ombre d’un arbre. Elles font partie du groupe d’entraide du village et assistent à une démonstration de modes de cuisson propres faite par une entrepreneure locale.
Annu a reçu une formation en marketing et en service après-vente dans le cadre de l’initiative JEEViKA, menée par le gouvernement du Bihar avec le soutien de l’institut TERI (The Energy and Resources Institute) et de la Banque mondiale. Aujourd’hui, dans le cadre d’une plateforme commerciale locale spécialisée dans le solaire, elle est intégrée, comme d’autres entrepreneures, dans les réseaux JEEViKA et travaille avec des villageoises dans tout le Bihar pour promouvoir des technologies de cuisson propres, et notamment des fourneaux améliorés.
Un travail qui permet non seulement de créer une activité génératrice de revenus pour les femmes dans les zones rurales, mais aussi d’améliorer la qualité de l’air et, partant, de sauver des vies. Les familles pauvres utilisent en effet traditionnellement du bois et de la bouse de vache comme combustibles, ce qui contribue à environ 40 % des niveaux de pollution de l’air ambiant à l’échelle de l’État. En utilisant des fourneaux améliorés, les familles peuvent cuisiner avec des combustibles plus propres et limiter considérablement l’exposition au monoxyde de carbone et aux particules fines, des émissions toxiques qui provoquent maladies respiratoires et cardiovasculaires et qui contribuent au changement climatique.
Surjmani Devi témoigne des changements profonds qu’apportent ces cuisinières modernes dans la vie quotidienne.
Lorsqu’on lui demande en quoi cet achat a changé la donne, elle raconte qu’auparavant sa fille devait rester dehors pendant la préparation du repas pour éviter d’inhaler les fumées qui provenaient du foyer. Désormais, l’adolescente peut rester aux côtés de sa mère dans la cuisine, pour faire ses devoirs la plupart du temps ou mettre parfois la main à la pâte.
Comme l’explique la mère de famille, son nouveau fourneau a aussi des avantages pratiques : il permet de cuire les aliments plus rapidement, ce qui lui laisse plus de temps pour se reposer ou se consacrer à d’autres tâches ménagères.
L’adoption de technologies de cuisson propres dans l’État du Bihar est l’une des nombreuses initiatives à fort impact qui impulsent des changements positifs en Inde et plus généralement en Asie du Sud, où 2 millions de personnes meurent chaque année de la pollution atmosphérique.
Depuis la clôture du projet pilote en 2022, les réseaux JEEViKA et d’autres groupes d’entraide ont développé cette initiative, avec un nombre croissant d’entrepreneures qui ouvrent des boutiques et vendent des technologies de cuisson propres et, à la clé, la création de nouveaux emplois pour les femmes dans le commerce et le marketing.
En 2024, on comptait 382 femmes propriétaires de magasins d’équipements solaires, contre 25 entrepreneures initialement. Entre 2021 et 2024, cette troupe de commerçantes est parvenue à vendre 7 749 fourneaux améliorés dans 14 districts du Bihar. Depuis 2012, ce sont 50 000 appareils qui ont été vendus dans l’ensemble de l’État grâce à l’initiative JEEViKA, et ce nombre continue d’augmenter.
La Banque mondiale poursuit sa collaboration avec les autorités du Bihar et les réseaux JEEVIKA et projette de toucher 5 millions de ménages ruraux dans cet État. Elle prévoit également le lancement d’autres opérations dans d’autres États indiens, tels que l’Uttar Pradesh, le Haryana et le Bengale occidental. Dans l’État voisin de l’Uttar Pradesh, la Banque prépare un programme pour la gestion de la qualité de l’air qui va promouvoir des solutions de cuisson propre par le biais de boutiques dirigées par des femmes membres de groupes d’entraide. Cette initiative s’appuiera sur un projet multipartenaire similaire piloté par les pouvoirs publics et visant à la fois à améliorer la qualité de l’air et à favoriser l’autonomie des femmes.
À quelque 6 500 kilomètres de là, au Sénégal, on observe la même dynamique : ce sont des artisans du changement ancrés dans leur territoire qui s’emparent de solutions pour améliorer la qualité de l’air dans leur communauté.
Fatou Touré en fait partie. À Dalifort, une banlieue de l’agglomération du Grand Dakar qui compte près de 40 000 habitants, Mme Touré est la responsable locale du projet pour la santé environnementale et la lutte contre la pollution (EHPMP).
Financé par le Fonds pour l’environnement mondial (GEF), ce projet vise à réduire les polluants organiques persistants (POP) non intentionnels, tels que les dioxines et les furanes, qui sont généralement libérés dans l’atmosphère lors de la combustion d’ordures ménagères à l’air libre. Les POP sont très toxiques et peuvent causer toute une série de problèmes de santé, des troubles de la reproduction et du développement au cancer. Ils persistent durablement dans l’environnement, peuvent s’accumuler dans les tissus des organismes vivants et parcourir de longues distances
Les dépôts d’ordures à ciel ouvert sont courants dans la capitale sénégalaise et même les décharges officielles sont souvent submergées de déchets. En l’absence de mécanismes efficaces de collecte et de tri, les déchets sont brûlés pour libérer de l’espace. Alors Mme Touré et son équipe ouvrent de nouveaux horizons pour les habitants de Dalifort.
« Pour qu’un projet soit durable, il faut une approche participative et inclusive qui permette à la population de se l’approprier », observe la cheffe de projet.
Pour Mme Touré et son équipe, cette approche se manifeste par des efforts de mobilisation de la communauté qui reposent essentiellement sur des relais puissants : les bajenu gox, ou « marraines de quartiers ». Ces femmes reçoivent une formation dans le cadre du projet et font du porte-à-porte à Dalifort pour sensibiliser la population aux dangers causés par des pratiques polluantes. Pour cuisiner, beaucoup de femmes de la commune font brûler des sachets en plastique d’huile et de charbon de bois, ce qui expose les familles aux émissions de POP. Grâce aux bajenu gox, les ménages de Dalifort apprennent à faire les choses autrement pour se prémunir contre les fumées toxiques issues de la combustion du plastique.
Le projet vise également à améliorer les installations de gestion des déchets, en veillant à ce que la collecte, le recyclage et l’élimination des ordures ménagères s’effectuent selon des méthodes respectueuses l’environnement. Les « marraines » informent les résidents de l’existence des 28 nouveaux points de collecte des déchets mis en place par le projet afin d’éviter les décharges en pleine rue et de faciliter la collecte des ordures.
Et parce que les POP ne connaissent pas de frontières, ce projet s’inscrit dans un effort plus large de gestion des risques environnementaux et de promotion de la santé publique qui couvre cinq pays africains : la Tanzanie, le Ghana, le Kenya, la Zambie et le Sénégal.
a pollution atmosphérique tue sept millions de personnes chaque année. Mais grâce à l’esprit d’innovation et à la détermination qui animent les forces vives locales, le vent commence à tourner et les promesses d’un ciel plus bleu se profilent à l’horizon.
Vivre dans un air sain, c’est l’une des clés de la prospérité. Ce sont des travailleurs en meilleure santé et plus productifs, et moins d’absences pour maladie. Un air plus pur, ce sont moins de dépenses médicales pour les familles, des enfants en meilleure santé et mieux à même d’apprendre pour devenir les enseignants, les infirmiers, les médecins et les entrepreneurs de demain.
Et une main-d’œuvre plus productive est synonyme de bénéfices plus élevés pour les entreprises locales, avec à la clé des recettes fiscales accrues pour les collectivités locales qui permettront de financer la construction et l’entretien des hôpitaux, des transports publics et des infrastructures, ainsi que d’autres services essentiels.
Partout dans le monde, des pays s’efforcent d’améliorer la qualité de l’air dans leurs villes et leurs villages en mettant en œuvre des solutions globales et multisectorielles qui s’attaquent aux diverses sources de la pollution atmosphérique : énergie, industrie, transports, agriculture…
Mais, pour accélérer leurs progrès, la coopération régionale est essentielle. Car les polluants de l’air peuvent parcourir de longues distances, traverser les frontières des villes, des provinces et des nations, et être piégés dans de grands bassins atmosphériques modelés par le climat et la topographie. De fait, dans de nombreuses agglomérations urbaines d’Asie du Sud, seul un tiers de la pollution de l’air provient des villes elles-mêmes (a). Il en est de même ailleurs dans le monde : dans les Balkans occidentaux, un autre foyer majeur de pollution, 30 à 40 % de la pollution atmosphérique provient des pays voisins (a).
En outre, lorsque les pays unissent leurs efforts pour améliorer la qualité de l’air, ils réalisent aussi des économies. Une analyse de la Banque mondiale sur l’Asie du Sud montre que des mesures coordonnées entre États pour lutter contre la pollution atmosphérique peuvent réduire globalement les coûts de 45 %.
La Banque mondiale finance l’amélioration de la qualité de l’air depuis plusieurs décennies. Elle a investi à ce jour plus de 16 milliards de dollars, de l’Amérique latine à l’Afrique, en passant par l’Europe et l’Asie. Ces investissements fructueux ont par exemple aidé la ville de Mexico à réduire la pollution atmosphérique de 70 % au cours des quarante dernières années. À l’autre bout du monde, au Bangladesh, la Banque mondiale a approuvé en 2022 un projet qui devrait permettre d’améliorer la qualité de l’air pour plus de 21 millions de personnes et de réduire les émissions de gaz à effet de serre d’un million de tonnes au cours des cinq prochaines années (a).
Pour parvenir à mettre fin à la pauvreté sur une planète vivable, il sera essentiel d’accélérer l’accès à un air sain. Et cela passe par un soutien fort à celles et ceux qui sont porteurs de changements durables sur le terrain, comme Annu dans le Bihar ou Mme Touré à Dakar.
Extraits d’un dossier de la Banque Mondiale