Interview imaginaire avec le Président Macksall sur l’après deuxième mandat. Par Amadou Lamine Sall Poète

Amadou Lamine Sall Poète est le  Lauréat du Grand Prix International TchicayaUTam’si de la poésie africaine et  Lauréat des Grands Prix de l’Académie française.

 

 

AVERTISSEMENT : « Penser et penser positivement », voilà ce qui a conduit à cet exercice d’échange imaginaire entre un poète et un chef d’État, à l’insu de ce dernier. Il nous le pardonnera. Ainsi donc, rien d’autre ici, pour nous, qu’un délicieux jeu de l’esprit ! Pour d’autres, ce sera un crispant jeu de nerfs ! Pour rien !

L’imaginaire est défini dans le dictionnaire comme quelque chose « qui est créé par l’imagination, qui n’existe que dans l’imagination, qui est sans réalité. » Tout est dit ! En politique, notons que toujours, « la mémoire qui va chercher du bois…ramène le fagot qui lui plait ». Ici, dans cette interview-fiction, chacun prendra et comprendra ce qui est à son niveau, à son échelle, sans l’injure à la bouche, mais plutôt avec le sourire. Se détendre.

Pour notre part, nous n’avons été guidés que par une unique et ardente quête : apaiser le Sénégal. L’inscrire dans l’espérance, la tolérance, l’amour, le dialogue, la réussite et non dans le doute, l’angoisse, la machination, la peur. Son Chef qui s’exprime ici à son insu doit être accompagné de prières pour qu’il fasse, quoiqu’il advienne, le moment venu, le bon choix, celui qui réconcilie notre pays avec lui-même : le beau, le noble, le digne, le référent. Nous ne croyons pas que ce chef nous lira lui-même pour en… sourire. Son agenda lourd de plus de 1000 kg, accapare tout. Lire est pourtant un refuge, un lieu de renouvellement de toute vision, une lampe pour passer les impasses.

 

Mais un Président a beaucoup, beaucoup à faire ! Il appartient à son camp, ses amis, particulièrement les intellectuels d’État brillants qui l’entourent et que le cruel temps politique ne lui permet pas d’honorer la pensée, de l’aider à passer admirablement le gué, en faisant fermement preuve d’imprudence, de courage, d’attachement infaillible, face à un chef peu bavard que l’on murmure d’être abrupt, mais qui, dit-on, aime beaucoup plaisanter. Donc, il y a là un cœur à prendre ! Face à ce qui se joue devant nous d’ici et en 2024, la politique à elle seule n’a pas la clef, car le pouvoir enivre, enferme, anesthésie. Les murs sont hauts et insonorisés qui ceinturent le Patron. La raison close n’est pas la meilleure conseillère. C’est l’esprit seul qui a la clef !

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     -Monsieur le Président, et si nous parlions d’abord de l’éventualité d’un second mandat de cinq ans, même si la Constitution ne précise pas la durée des deux mandats effectifs qualifiés sans ambiguïté de « consécutif », terme que le dictionnaire définit comme : « Qui se suit dans le temps. Se dit de plusieurs choses qui se suivent sans interruption dans le temps ».

 

Si vous partez de notre Constitution, tout devient facile et aisé à comprendre et surtout à accepter de comprendre. Laissons les juges et le peuple arbitrer. Je me plierais avec respect à leur décision.

 

-Monsieur le Président, vous avez dit que la Constitution était « verrouillée », qu’est-ce à dire ?

 

Qu’elle est verrouillée et que nul ne peut faire plus de deux mandats consécutifs !

 

-Ce qui veut dire alors que vous bouclez votre dernier mandat en 2024, à moins de taquiner la ligne rouge ?

 

Vous répondre oui ou vous répondre non, changerait finalement quoi de fondamental ? Si je dis oui, mon camp et mes partisans seront comme désarmés, désenchantés, assommés, démobilisés, trahis, d’ici 2024 et mes adversaires jubileront avant de s’entredéchirer entre eux, installant notre cher pays dans un désordre total et indescriptible. Si je vous réponds non, mon camp jubile, se réarme davantage, se mobilise encore plus au service du développement, alors que mes adversaires comme c’est le cas en ce moment, continueront à me traiter de tous les noms d’hippopotame, s’époumonant sur une question résolue par notre Constitution mais dont ils se plaisent à me pousser à leur donner une réponse qu’ils connaissent déjà. Il y a un temps pour travailler. Un temps pour laisser le peuple juger du travail accompli. Laissez-nous travailler, car la tâche est immense. Le moment venu, laissez les juges accomplir leur mission et assumer leur responsabilité. Le peuple sénégalais, également, s’entend.

 

 – Monsieur le Président, comment pourriez-vous expliquer cet engouement à vouloir vous entendre dire vous-même, si oui ou non, vous allez vous représenter pour un après 2èmemandat ?

 

Je compte sur vous pour avoir l’explication de cet engouement dont vous parlez. Je ne peux pas dire plus que je n’ai déjà dit

  • Qu’avez-vous dit ?

 

Qu’il faut plutôt continuer à travailler que de s’attarder sur un problème déjà pris en charge et résolu de surcroît par la Constitution.

 

  • Monsieur le Président, en un mot, pourriez-vous envisager un après 2èmemandat ?

 

J’arrive ! Juste vous dire d’abord, en vous répondant, que ce ne sera pas ici, aujourd’hui, que mes adversaires seront libérés d’un poids qu’ils se sont eux-mêmes plu à porter et qui les empêche de dormir. Je les laisse à leur insomnie. Une fois de plus, laissez-moi juste terminer mon second mandat consécutif et non gémellaire ! Si d’aventure Macky Sall était demain candidat, ce ne serait point pour lui qu’il s’est dédit ni qu’il a bravé la démocratie, mais qu’il a plutôt donné l’occasion à notre justice, notre Constitution précisément, l’occasion de démontrer la solidité de sa mission et la fermeté de ses décisions face aux Sénégalais et au monde.

 

-N’est-ce pas des propos très habiles, ambigus, Monsieur le Président ? 

 

L’ambiguïté peut être une motivation au travail et la marche vers la quête de sa propre vérité. Notre Constitution, et vous pouvez compter sur elle, ne garantit pas l’ambiguïté. Je ne serais pas un président de la République à tout prix ! La politique n’est pas un jeu. Je supporterais très bien de ne plus être Président. D’autres facteurs jouent : la lassitude, la déception, le dépit, l’odeur des trahisons, les renoncements, la peur, non la mienne mais celle de mes proches. Pire encore : la punition morale.

C’est vrai que l’on peut s’attacher à une fonction. Il peut même être très difficile de s’en passer. Mais on part toujours. La conviction d’avoir pleinement rempli sa mission, doit primer sur les calculs politiques qui peuvent se révéler faux, maladroits, inopportuns et dangereux. Pour être franc, il faut toujours tenter de sauvegarder un idéal. Vous ne trouverez pas de plus complexe et de plus reptilienne que la vie politique. Ceux qui vous aiment doivent vous aider, vous protéger contre vous-même. Ce n’est pas toujours le cas. On m’a raconté comment l’épouse du Président Senghor ne cessait de hâter le départ de son époux du pouvoir.

L’avoir appris fut émouvant pour moi. Un parti est un milieu clos. Ce n’est pas un tribunal alors qu’il devrait l’être pour protéger le chef, malgré lui. Je sais que le peuple sénégalais est à l’écoute. Je lui dois tout. La tentation de rester au pouvoir est irrésistible partout. Mais le pouvoir est un prêt. Plus vite on le rend, mieux c’est. L’Afrique n’est pas toujours la mieux placée dans ce sens. Regardez ce qui se passe autour de nous. Il faut de l’habileté pour gouverner et de la lucidité pour partir. Ma conviction est que les honneurs et la puissance peuvent se trouver ailleurs que dans la seule haute fonction de chef d’État.

Mais notre Constitution y veille et elle doit être irréprochable. Je rêve d’un contrat politique qui nous permettrait d’aller à la transition sans guerre, sans haine. Hélas la différence entre nous et l’opposition, c’est comme le jour et la nuit. Difficile de combler le fossé. Il doit être possible de comprendre et d’accepter ensemble que c’est un leurre que de vouloir créer une société démocratique sans un chef élu qui gouverne, sans opposants, sans juges, sans sanction, sans tribunal, sans prison, mais seulement dans le laisser-aller, le laisser-faire, la peur, l’injure, la menace, la délation. Une tellesociété n’estni acceptable, ni fiable. Je refuse de plaider coupable en œuvrant pour une société gouvernée, civilisée et juste autant que possible. Voilà pourquoi il faut laisser la justice prendre ses responsabilités et laisser la Constitution s’appliquer à tous et que chacun s’y soumette.

 

-Une Constitution vaut-elle plus que le verdict d’un peuple, Monsieur le Président ?

 

Entendons-nous bien. La Constitution est votée et adoptée par le peuple. C’est ce dernier qui la légitime, alors il doit la respecter. C’est bien elle sa meilleure et dernière représentante. Elle est le recours du peuple. C’est son bras armé. Voila pourquoi votre question me parait un peu étonnante, a moins que vous ne soyez pas allé au fond de votre pensée !

 

-A la vérité le fond de ma pensée est que la Constitution pourrait légitimer votre après 2èmemandat, alors que le peuple pourrait le rejeter !

 

D’abord, il ne faut pas jouer à ce jeu-là ! il est dangereux et irresponsable ! Certains ont fait du peuple une notion partiale. Le peuple, c’est nous tous. Il faut faire attention avec ce terme. Il nous faut être en phase avec nos institutions, notre justice, sinon tout est remis en cause. Les actes posés par la justice doivent être respectés par tous.  Sinon, ce sera à chacun sa justice. C’est intenable. Une démocratie a des normes minimales. Le peuple doit être garant de sa Constitution. Je vous rappelle d’ailleurs avec beaucoup de fierté, malgré les inacceptables pertes humaines survenues à l’époque, que finalement le peuple avait laissé la Constitution jouer son rôle qui avait permis à mon prédécesseur de participer au suffrage, même si on pouvait ne pas être du tout d’accord avec elle. C’est ainsi qu’elle a donc entériné la candidature de mon prédécesseur et vous connaissez la suite : le peuple, par les urnes, a rétabli son propre ordre en le mettant à la retraite. Je ne vous dis pas que l’histoire va se répéter. Cependant, nos institutions judicaires doivent être protégées, respectées. C’est à nous de prendre le temps de bien travailler, de bien savoir ce que nous voulons pour asseoir une Constitution solide, forte, garante des droits de tous et fondatrice d’une démocratie enviable au service des libertés et du développement.

 

  • Monsieur le Président, ne pensez-vous pas que tout s’apaiserait dans le pays si vous vous prononcez définitivement sur l’après 2ème mandat qui empoisonne notre vie politique et qui jette tant de doute et de suspicion sur votre posture, malgré vos tenaces explications et argumentations répétées à qui veut les entendre ?

 

Le mieux est de prendre en considération ce que j’ai déjà dit et répété et de passer à plus important : c’est-à-dire continuer à se mettre au travail. Nous ne pouvons pas passer tout notre temps à faire de la politique dans les médias, jour et nuit, à nous affronter sans répit.  Les Sénégalais nous attendent plutôt dans ce que nous leur apporterons pour mieux vivre.

 

  • Pourquoi, Monsieur le Président, avez-vous sommé votre parti et tous ceux qui ont accepté de travailler à vos côtés pour vous accompagner, de ne plus accepter d’évoquer ni de débattre de l’après 2ème mandat ?

Parce que nous nous laissons installer malicieusement dans un temps qui n’est pas le nôtre et qui est un piège tendu par nos adversaires fort avertis. Pourquoi perdre son temps à débattre d’une problématique une fois de plus résolue par notre loi fondamentale ?

Nous pousser et nous installer dans ce débat, c’est nous divertir, nous affaiblir, nous détourner des véritables objectifs pressants de développement qui nous attendent. L’opposition peut s’amuser. Pas nous qui sommes au pouvoir et comptables devant le peuple. Le moment venu, ce sont les Sénégalais seuls qui décideront. Alors qu’ils décident, le moment venu. Au travail et dans la discipline de majorité présidentielle!

 

  • S’il arrivait, Monsieur le Président, que vous ne vous représentiez pas à votre propre succession pour un après 2ème mandat tant décrié, cependant soutenu et souhaité par votre propre camp, ne pourriez-vous pas le regretter demain en compromettant en 2024 la candidature d’un des vôtres qui aurait pu saisir sa chance, avec votre appui, pour vous succéder, en se préparant mieux et suffisamment à temps, devant les Sénégalais seuls maitres des urnes ?

 

Vous vous inquiétez beaucoup, beaucoup. Rassurez-vous, tout se passera bien et chacun se retrouvera à sa place.

 

  • Pour quoi Monsieur le Président n’avez-vous pas préparé à temps un dauphin, pour espérer faire longtemps vivre l’APR au pouvoir ?

 

Le temps des dauphins ne serait-il pas fini et depuis bien longtemps ? La démocratie se complait-elle avec ce type de système loin de laisser libre jeu à tous les acteurs politiques qui désirent aller conquérir le suffrage des Sénégalais ? C’est ma conviction. Je peux me tromper.

 

  • Monsieur le Président, pour l’avoir lu et appris dans les « Mémoires» de Maître Doudou Ndoye, permettez que je vous rapporte cette touchante histoire de l’ancien président de la République fédérale d’Autriche, Rudolf Kirschlager, qui avait refusé de briguer un 3ème mandat présidentiel proposé par les parties adverses, parce qu’un homme, disait-il, ne peut pas être supérieur à son peuple et à sa force institutionnelle. Votre avis ?

 

C’est une admirable et grande leçon de vie politique qui honore à la fois l’opposition et ce Président autrichien. Il serait intéressant d’étudier le pourquoi de l’impossibilité totale d’un tel schéma chez nous. Il doit s’agir, d’abord, à la fois d’un problème culturel et surtout de la forme des institutions politiques de l’État. Si je ne me trompe, l’Autriche est une République semi-présidentielle fédérale. Quand l’État et ses institutions sont solides, respectées, intraitables, tout est possible.

Pour dire que nous avons encore beaucoup de choses à fortifier, mais surtout beaucoup de choses à faire pour nous parler, nous écouter, nous entendre, trouver ensemble le meilleur pour nos peuples au lieu de s’entredéchirer et se détruire avec tant d’acharnement. J’avoue que c’est pour cette raison que j’ai cherché à ratisser large pour fédérer plus et avoir à mes côtés une forte coalition qui dépasse mon propre parti. Un parti à lui seul est vain. Les temps ont changé.

J’avoue que si par je ne sais quel miracle et quelle ivresse l’opposition sénégalaise me proposait pour un 3ème mandat, je déclinerais son offre. Elle m’aurait fait trop peur. Ce ne serait pas quelque chose de l’ordre du normal ! D’ailleurs, elle aussi a le droit de prétendre et d’accéder au pouvoir, si les Sénégalais sont prêts à le lui confier. Tous les droits politiques émanent du peuple, des citoyens, à travers des élections libres. Je n’exerce aucun pouvoir que les urnes ne m’ont pas donné. Alors, respectons les urnes. Elles sont au début et à la fin de toute vraie démocratie.

 

Pas toujours Monsieur le Président. Pas toujours. Surtout en Afrique : le Congo Brazzaville, le Cameroun et la Guinée équatoriale sont imbattables, la Guinée Conakry, le Rwanda, le Togo et d’autres pays et régimes plus intelligemment discrets et efficaces en matière de maquillage électoral. Sans compter les pays et régimes qui n’ont pas tout simplement d’urnes. Je souhaiterais tellement me tromper. Dites-moi que je me trompe, Monsieur le Président ?

 

Je vous laisse à votre décompte tranquille et à vos certitudes. On ne doit pas et on ne peut pas jouer avec les urnes ! C’est une forme de coup d’État déguisé ! Intolérable et inacceptable !

 

-Monsieur le Président, comment vos enfants accueillent-ils et vivent-ils votre statut de chef d’État ? Auraient-ils préféré plus de tranquillité et de proximité affectueuse avec un papa resté ingénieur et tout à leur disposition, avec des promenades, des sorties au restaurant sans protocole et sans sécurité encombrante ?

 

Je m’efforce de leur donner toute l’affection possible et toute l’attention requise. Je donne une grande place à la vie en famille. Mes enfants s’accommodent de ma lourde fonction de Président. Ils en comprennent le poids. Tout se passe bien.

 

-Monsieur le Président, comment auriez-vous défini la démocratie ?

 

Gouverner, voir l’opposition s’opposer, dire et prendre la posture que j’ai librement prise face au débat interminable sur le 3ème mandat, assister à la libre expression de tous, tout cela atteste que nous sommes au cœur d’une bonne démocratie où chacun est libre d’avoir sa posture en respectant celle de l’autre, quoique cela coûte !  Pour tenter de la définir, la démocratie est un consensus porté par tous, défini, consigné selon des règles garanties par l’État et qui s’appliquent à tous, protègent tous dans leur liberté individuelle de citoyen dans la limite des lois établies. Finalement, en plus simple, la démocratie n’est rien d’autre que la liberté individuelle quand on en use dans le culte du respect de l’État, de ses institutions, de ses lois et de ses semblables en une commune volonté de vie en société. En somme, en démocratie, « la souveraineté appartient au peuple ».

 

-Vous prenez le Sénégal comme un pays démocratique ?

 

Oui, à tous points de vue, même si mes opposants vont se tordre de rire ! Entendons-nous bien: force doit rester au citoyen si force reste d’abord à la loi que le citoyen a votée. L’indiscipline, l’injure à la bouche, n’ont jamais rien servi d’autre que l’anarchie. Je ne supporte pas l’anarchie, l’incivilité, la bravade insolente et irrespectueuse. Nos cultures rejettent un tel mode et un tel principe de vie commune en société. On peut se respecter sans haine ni couteaux ni fusils.

Voilà notre défi aujourd’hui et il est loin d’être gagné ! Nous sommes tous coupables et la solution ne viendra que de nous tous et non pas de la seule volonté de l’État. Mais l’État sera inflexible, pour sa part.

 

-Monsieur le Président, l’opposition sénégalaise vous juge sévèrement, si elle ne vous considère pas tout simplement comme un dictateur ?

 

Cela ne devrait pas vous étonner. S’arrêter au seul dictateur, est déjà clément. J’ai entendu pire. C’est la règle. Il faut l’accepter. J’ai été dans l’opposition et je crois connaitre ses déceptions, ses revers, ses espoirs aussi. C’est dur d’être de l’autre côté, mais c’est cela qui conduit au changement si on sait bien tenir le cap et attendre son tour. Je regrette simplement que l’opposition ne soit pas constructive tant soit peu. Elle est toujours à l’offensive, ses missiles toujours chargés. Seul le palais compte. Il faudra bien pourtant qu’elle attende encore, car j’ai beaucoup d’autres rendez-vous avec le Sénégal. L’année 2024 sera un condensé d’histoire forte et dont notre pays sortira sans blessure, malgré les mauvais augures.

 

-Monsieur le Président, la Constitution des États-Unis d’Amérique fixe à quatre ans renouvelables, la durée du mandat que peut exercer le président de la République. Point final. Au Royaume Uni, la Constitution est un ensemble de règles constitutionnelles non codifiées issues de la loi, de la jurisprudence, d’usages constitutionnels. Et cela fonctionne. En France, le mandat présidentiel est limité à deux. Cela fonctionne. Comment expliquez-vous que tout soit le contraire en Afrique, que rien n’est sûr de fonctionner, sans compter les coups d’État à la fois militaires et civils. En un mot, rien n’est respecté et la démocratie fort bien malmenée.

 

Vous auriez dû commencer par la culture et l’histoire, sans compter les impacts terrifiants de la colonisation. L’Afrique c’est l’Afrique. Au commencement, tout tournait autour d’un chef unique qui décidait de tout. Cependant, tout membre de la société avait droit à la parole. C’était cela, à notre manière, la démocratie. Mais c’est la parole du chef qui primait, en définitive et tout le monde se rangeait derrière lui. Nous devons toujours revenir à nos cultures, notre histoire. Bien sûr que je ne dis pas qu’il nous faut conserver ce schéma au 21ème siècle. Ce serait absurde. Nous devons toujours raison garder. Nous devons, cependant, toujours faire une relecture négro-africaine de notre marche et de notre place dans le concert mondial face à des idéologies et des systèmes qui ne sont pas nôtres. Mon lointain prédécesseur, Léopold Sédar Senghor, ne cessait de le rappeler à ses opposants communistes qui avaient bu tout Marx.

La démocratie occidentale ne peut pas forcément s’imposer à nous. Elle n’est pas forcément le bon modèle. Elle porte ses propres limites, ce qui ne veut pas dire qu’elle n’a pas ses réussites et ses acquis, dont particulièrement des Constitutions solides qui garantissent des transitions paisibles. Mais la place faite aux libertés extrêmes, peut entrer en conflit avec nos cultures et nos civilisations africaines.

Et puis, pourquoi voulez-vous que les autres soient forcément nos modèles ? Savoir mieux que nous ce qui est bon pour nous, c’est fini ! L’une des plus grandes puissances actuelles au monde, la Chine, n’a pas pris comme modèle l’Occident et elle gagne ! Et si nous inversions les rôles ? l’Afrique a beaucoup à apprendre au monde. L’avenir le prouvera et très vite. Quant aux Présidents qui se prélassent au pouvoir, les coups d’État militaires et civils comme vous dites, tout cela sera vite dépassé. Ce constat est amer, inacceptable et assombrit l’image de notre grand continent. C’est un temps de l’Afrique que les jeunes leaders à venir fermeront très vite. D’ailleurs, ce n’est pas toute l’Afrique qui est touchée. Nous avons des ilots.

 

-Le Sénégal restera-t-il vraiment un ilot avec les polémiques et noires prévisions des présidentielles de 2024 à venir ? 

 

Rassurez-vous ! Sans hésiter, oui le Sénégal est bien un ilot et il le restera. Il le restera avec son grand peuple et sa culture démocratique que l’on nous envie en Afrique. Il le restera face au monde. Il n’y a aucune raison que je fasse moins que mes prédécesseurs, sinon plus. Je ne suis pas inscrit dans cette vision.

 

-Monsieur le Président, la Charte issue des Assises nationales a été retenue comme la plus complète, la plus avancée et la plus consensuelle à tous points de vue. Aurait-elle des chances de voir un jour gouverner davantage notre démocratie ?

 

Oui, je le souhaite et je le souhaite profondément. Ce serait un haut projet de Constitution qui nous rassemblerait davantage et consoliderait notre démocratie en marche Ne me demandez pas pourquoi alors je ne l’ai pas soumise au référendum, dans son intégralité. Toute chose en son temps.

 

-Monsieur le Président, on raconte qu’un homme tombait du 5ème étage et à chaque fois qu’il passait devant un étage il criait :« jusqu’ici tout va bien » Tout ira-t-il finalement bien à la fin ?

 

Le meilleur parachute c’est celui qui vous remonte là-haut avant de toucher le sol. Si vous êtes un croyant, vous connaissez le nom de ce parachute. Je voudrais vous demander pourquoi vous parlez de quelqu’un qui tombe et non de quelqu’un qui, plutôt, monte et monte haut. Mon gouvernement et moi à leur tête, ne chutons pas d’un 5ème étage. Nous montons très haut au regard du travail jusqu’ici accompli dans notre pays et croyez-moi, ce n’est pas fini.

 

-Monsieur le Président, le pouvoir ne serait-il pas plutôt un sarcophage ? Êtes-vous vraiment bien dans votre peau en ce moment, à seulement une année près de la fin de votre second mandat et de votre supposée retraite de chef d’État ? 

 

Rassurez-vous, je suis bien et dans ma peau et dans mes fonctions de chef d’État. Je ne suis pas inanimé encore moins dans un sarcophage. Je travaille et je travaille dur et c’est là l’essentiel ! Je laisse à d’autres gérer la problématique devenue presque psychiatrique chez certains, d’un 3ème mandat. De loin, aujourd’hui, il y’a plus important, plus urgent, plus constructif à faire pour notre pays. Nous continuons à mettre le Sénégal sur les rails d’un développement que nul ne peut contester.

On ne gouverne pas pour être détesté, mais pour être aimé, pour avoir la confiance et le respect de son peuple. Je me suis résolument inscrit dans cette option. Je sais que j’ai de puissants ennemis, mais Dieu est plus Puissant que nous tous réunis. Lui, Il sait ce que mon cœur et ma conscience me dicteront en 2024. Que ceux qui savent LUI parler répondent aux mortels, à ceux-là qui prient à rompre leur chapelet pour que je sombre, à ceux-là qui ont confié leur destin à ma décision ou non d’annoncer ma candidature pour 2024. Que dire et que penser d’un jury qui en lieu et place de couronner un auteur, couronne le jury lui-même ?

A méditer ! Travaillons davantage ! Soyons sereins. Rassemblons-nous. Donnons-nous la main. Pensons à ce grand peuple sénégalais qui nous fait confiance. Ne le décevons pas ! Pensons à cette jeunesse nombreuse, inquiète, courageuse, qui attend. Certes, 2024, c’est déjà demain, mais un demain qui verra d’ici là bien des vies être remplies et un Sénégal nouveau ! C’est mon vœu et j’y travaille avec un gouvernement de majorité présidentielle fort, loin d’être poussif et grelottant. Vous en verrez les preuves, bientôt !

 

  • Monsieur le Président, avec mon respect, vous êtes considéré par certains comme dur, flegmatique, vindicatif, peu clément, perfide même. Est-ce juste de vous accuser de tant de maux ?

 

Je ne suis pas l’ami de tout le monde. Je suis protégé de ces qualificatifs honteux, haineux et méchants, par mon origine sociale, mon éducation, mes principes de vie, ma formation, ma haute considération de la personne humaine, ma foi religieuse. Mais justement la nature humaine est telle, que vous perdriez tout le temps de votre vie à tenter de comprendre pourquoi et comment des personnes s’échinent à trouver à leurs semblables ce qu’eux-mêmes portent en eux. Je n’ai vraiment pas le temps d’être tout ce que vous dites que je suis au regard de certains de mes compatriotes. Cela m’amuse.La vérité, est que quand on gère et veille sur deux familles dont une particulière et fondamentale de près de 17 millions de membres, on a intérêt à être organisé, prudent, attentif, disponible, prévenant, ferme, inflexible.

 

  • En votre intime conviction, Monsieur le Président, ne concentrez-vous pas entre vos mains trop de pouvoir, sans compter celui de la raison d’État dont on dit, vrai ou faux, qu’il devient supérieur à toutes les lois ?

 

Je n’ai en mon pouvoir que le pouvoir que la Constitution m’a conféré. Rien de plus, rien de moins. C’est également là, un enjeu de démocratie. Vous n’empêcherez jamais ceux qui négativent tout, de dire, à leur aise, ce qu’ils veulent. Dans ce contexte, il faut bien un arbitre : la justice. Ne me dites pas et si elle aussi était corrompue ? Ce serait alors la fin de l’État. Ce n’est pas le cas au Sénégal et ce sera pas le cas !

 

  • Si vous aviez un défaut, Monsieur le Président, ce serait lequel?

 

Celui d’être trop, trop ambitieux pour le Sénégal ! C’est un défaut qui restera même quand demain je quitterais mes fonctions de Chef d’État. Ce défaut est forcément pesant en face de ceux qui s’amusent à vouloir vous divertir et vous pousser toujours sur les routes de la confrontation.  Il est difficile pour un Chef d’État d’être un homme heureux, car on ne pourra jamais rendre tout un peuple heureux, encore moins vos opposants qui de jour comme de nuit vous ont en joue. Et croyez-moi, leurs balles ne sont pas à blanc !

Demain, quand ils seront au pouvoir par la volonté du peuple sénégalais -et ils le seront bien un jour-, ils seront à leur tour mis en joue ! Voyez, ainsi va la marche des chefs, des hommes et des peuples. J’ai appris que pour faire de grands pas, laisser un grand héritage, il faut souvent travailler à contre-courant de son époque, pour avancer. Mais le plus important surtout à retenir est que le Sénégal sera toujours plus grand et il vaincra toujours plus que les hommes à qui il a été donné de le gouverner !

 

-Un mot Monsieur le Président sur notre armée nationale ?

 

Elle est notre parure la plus belle. Elle le restera. J’aime beaucoup cette réponse que le Président Senghor faisait à tous ceux qui lui demandaient comment donc le Sénégal faisait-il pour échapper aux coups d’État militaires :

« Lorsque des officiers et sous-officiers lisent, écrivent, dissertent en latin et en grec, il ne saurait y avoir de coup d’État militaire. Ce sont de petits caporaux analphabètes qui se risquent à faire des coups d’État. » Tout est dit !

 

-Monsieur le Président, voyez alors comment la culture gouverne l’excellence, la rigueur, la grandeur, le beau, plus que tout. Je suis de ceux qui croient que parmi les premières forces de sécurité d’un pays, le niveau de culture de ses citoyens, compte. Il n’existe pas de pays sous-développés. Il n’existe que des femmes et des hommes sous-développés, c’est-à-dire sans culture, sans éducation, sans formation. Voyez l’image pourrie et tragique de notre Assemblée nationale parmi d’autres faits dégradants et regrettables.

 

Je vous rejoins. Nous sommes en phase. Partout, l’inculture est une tragédie !Elle est le glaucome de notre civilisation !

 

  • Monsieur le Président, je suis de ceux qui croient que parmi les premières forces de sécurité d’un pays, il y a le niveau de culture de ses citoyens. Il n’existe pas de pays sous-développés. Il n’existe que des femmes et des hommes sous-développés, c’est-à-dire sans culture, sans éducation, sans formation. Voyez l’image pourrie et tragique de notre Assemblée nationale !L’image que donne aujourd’hui au monde notre pays, ne pourrait-elle pas, à tort, être inséparable de la vôtre, c’est-à-dire l’entacher ?

 

Le Sénégal ne date pas d’aujourd’hui. C’est un grand pays qui s’est construit à la fois dans la grandeur de ses fils et les faillites du développement. Le Sénégal fait la fierté de l’Afrique. Ce pays est dans le cœur de nombre de peuples dans le monde. Ce pays n’est pas un doute, il est une certitude. Le monde a changé. De très profondes mutations ont bouleversé les systèmes politiques et économiques, si elles ne les ont pas tout simplement remplacés par une préoccupante paralysie. Le paradoxe est que, dans ce contexte, c’est l’Afrique qui émerge le mieux et qui porte sur son front l’avenir. Le continent jadis occupé, pillé, humilié, monte petit à petit les marches du monde et s’impose. Mon image compte forcément comme président de la République. Mais celle qui compte le plus, c’est celle d’un nom : Sénégal. Je prends partout par le monde, le pouls de la sympathie, de l’attachement, du respect que l’on a pour notre pays. A nous de nous ressaisir et de redevenir ce que nous devons être face à ceux qui nous aiment. C’est vrai que l’actualité peut être préoccupante, mais vous avez constaté toutes ses voix qui se sont levées pour condamner ce qui s’est passé au sein de notre hémicycle. Croyez-moi, cela ne se reproduira plus. Chaque Sénégalais est interpellé, concerné. Pour ma part, je prendrais mes responsabilités et l’État avec.

 

  • Pour être juste, il faut l’avouer, vous avez beaucoup bâti Monsieur le Président : une nouvelle ville moderne et avancée dans le futur et j’espère que vos successeurs ne l’abandonneront pas à elle-même, après vous. Des stades pour des sportifs comblés, des pistes, des routes, des autoroutes, des ponts, des lycées et universités, des mosquées, des églises, des centrales solaires. Seules manquent de grandes industries de transformation qui sont sans doute en route. C’est incontestablement un grand bilan !Le Sénégal porte un nouveau visage de ce côté-là. Reste, entre autres, la grande dame : la culture. Elle est un peu nue, mais elle reste celle qui fait « « connaitre, savoir, découvrir, émouvoir, attendrir, créer, inventer ».Qu’attendez-vous pour mieux l’habiller ? Qu’allez-vous lui laisser ?

 

Le mérite revient au peuple sénégalais, à la nation, au pays. Nous avons eu beaucoup de retard par le passé, retard dû à des problèmes économiques et financiers qui ont plombé la vision de mes honorables et prestigieux prédécesseurs. Chacun a fait ce qu’il a pu, en phase avec le temps du monde et la complexité des systèmes économiques et financiers défavorables. Après moi, d’autres viendront et continueront mon travail. Ce pays a désormais pris un tournant décisif. Revenir en arrière est impossible. Nous avons de nouvelles ressources qui nous aideront à aller plus vite et à combler notre retard sur l’éducation, la formation, l’offre d’emploi. Beaucoup de travail reste à faire. Oui, vous avez raison, la culture pourrait être considérée comme frustrée, orpheline. Je n’ignore pas combien elle porte ce pays, combien elle en est une parure. Rassurez-vous, je vais vous surprendre et bientôt !

 

  • Pour conclure cet échange Monsieur le Président, avez-vous peur de l’histoire, de votre image, de votre héritage de chef d’État, de ce que finalement vous laisserez aux générations futures ?

 

L’histoire ne retiendra pas ce que je n’aurais pas laissé. Je compte laisser quelque chose de grand, de noble, de juste. Ce pays est trop grand pour voir naitre de petits chefs d’État.Pensons et pensons toujours positivement !

 

Décembre 2022.

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