Incivilités, délinquances et violences politiques

J’ai Peur. J’ai bien peur pour mon pays. Je n’ai même pas hâte d’arriver à février 2024. Tout est possible avec ces attitudes de défiance que l’on note, tant du côté du pouvoir que celui de l’opposition. Dans bon nombre de mes articles, je n’ai cessé, comme d’autres sénégalais épris de paix, de tirer sur la sonnette d’arme. Il faut que les politiciens, de quelque bord, qu’ils se situent, comprennent que ce pays-là, ne leur appartient pas. Ils n’ont pas le droit de le brûler ! Et tous les «ingrédients» pour que ce sinistre macabre arrive, sont désormais en place.

Tout part d’un constant : une véritable crise du bien social qui se manifeste d’abord par la montée des incivilités, des actes de délinquances et du sentiment d’insécurité -Pour un oui ou pour un non, on tue- dans les familles, dans la rue et dans certains milieux malsains -C’est ce que le sociologue Sébastien Roché appelle «rupture de l’ordre public, dans la vie de tous les jours, de ce que les gens ordinaires considèrent comme la loi».

Parmi ces incivilités, on peut citer entre autres, les dégradations de toutes sortes -destruction de biens publics ou privés, voitures et maisons d’autrui- vitres brisées, impolitesses, insultes, bruits intempestifs, actes de vandalisme. Des actes manifestant une véritable «crise des mécanismes sociaux d’apprentissage du contrôle de soi et du respect mutuel», une «crise du lien civil».

Devant une telle situation, le sentiment le plus partagé est celui, ni plus ni moins, d’une régression du processus de civilisation qui se manifeste par des manquements systématiques au «code des relations entre les personnes». Oui, sinon qu’est-ce- qui peut expliquer le réflexe de donner l’ordre de brûler la maison d’un paisible citoyen.

Cette régression constitue une menace grave, génératrice d’un sentiment d’insécurité, «pour soi, pour le corps social, mais aussi pour le corps propre». Cette dimension identitaire de l’incivilité serait selon Roché, à relier à l’envahissement d’un sentiment de peur exprimant «l’impossibilité de vivre ensemble, de se faire confiance, de respecter les droits des uns et des autres». Sous ce rapport un danger social et un risque personnel qui mettrait en cause les règles de la vie sociétaire en jetant le doute sur la possibilité de ce lien social -violence à l’Assemblée Nationale : «Booma toppé, diassi sapila». Quelle bassesse ! Un type de cet acabit ne mérite même pas d’être membre d’une assemblée aussi auguste.

Au moment où l’on traduit au conseil de discipline, des étudiants porteurs d’armes blanches à l’Université, que devrait-on faire à l’endroit de «députés», qui connaissent le même forfait au sein de l’hémicycle ?

Par ailleurs, toutes les analyses des statistiques de délinquance, criminalités et délits… s’accordent à reconnaître que la montée des indicateurs -infractions pénales, atteintes aux personnes et aux biens -constitue un fait réel. Ce phénomène a-t-il motivé le durcissement de la loi 65-61 du 21 Juillet 1965, portant code pénal et celle portant code de procédure pénale avec les mêmes références que la précédente ? Les points de vue divergent bien sûr selon qu’on se situe du côté du pouvoir ou de l’opposition, ou même simplement du citoyen Lambda, tout à fait neutre dans ses analyses. Je ne suis pas juriste, mais ma conviction profonde est que, les destructions des biens privés et publics du mois de mars dernier justifient amplement l’adoption d’une telle loi. Pourquoi brûler les magasins d’Auchan ?

En tout cas, les questions d’insécurité ont envahi la société sénégalaise avec toutes les conséquences qu’on connaît bien : obsession de la protection avec le recrutement des nervis, appels à l’Etat-gendarme replis individualistes etc…

Les questions d’insécurité sont bien réelles dans notre société. Il est impossible de ne pas relier cette sorte de «cercle vicieux de la sensibilité civile» à des évaluations lourdes par rapport à l’autorité, aux valeurs et à la norme sociale. Encore faut-il être prudent et bien prendre la mesure des divers facteurs du processus qui touche à la fois le rapport des individus aux institutions -Présidence de la République, notamment et prise de certaines décisions qui déclenchent une avalanche de réactions- «bou peunde bi wouré, jamm am».

Mais si l’on y prend garde, ces formes d’incivilités et de délinquances, même «mineures» peuvent être de mature à constituer les véritables prémices d’une violence politique rampante.

Aussi, la violence et les remous du mois de mars dernier ont-ils perturbé de manière traumatisante notre société dont l’opinion dominante prétendait qu’elle était parvenue à un état de tranquillité intérieure et à un consensus permanent. Il est à mon avis irresponsable, de la part de quelqu’un qui aspire à diriger ce pays, de tenir des propos du genre : «la deuxième vague sera plus meurtrière». En sera-t-il, lui-même épargné ? Jeunesse de mon pays, refusez systématiquement d’obéir aux injonctions de tel personnage. La violence doit cesser. Ses partisans ont tort. Aucun progrès n’est possible dans une société où prévaut la violence.

Pour parvenir à l’éradication de la violence, chacun doit prendre ses responsabilités : certains pensent que la loi telle qu’elle est «forgée», actuellement est de nature à engendrer des émeutes, donc la violence, d’autres incombent la faute à la société et non aux émeutiers ; autrement dit l’inadaptation des institutions et non la délinquance, et proposent la mise en œuvre de politiques publiques à caractère social, qui aboutiraient à donner aux émeutiers potentiels -masse de jeunes chômeurs- une plus grosse part du gâteau sénégalais. Il faut donc procéder à une modification véritable des pratiques sociales et politiques. «Inutile de mettre un sparadrap sur une tumeur cancéreuse !»

Unissons-nous : le Sénégal est notre bien commun !

Yakhya Diouf, Inspecteur de l’Enseignement Élémentaire à la retraite.

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