Grosses Révélations de Oxfam France sur la dette du Sénégal : Banques Françaises, «le désintérêt humain» !

Un pavé dans les institutions financières Françaises privées établies au Sénégal ! L’ONG Ox­fam France vient de publier une étude accablante sur la dette des pays du Sud.

«Cette étude, qui s’appuie sur des bases de données recensant des dizaines de milliers de déclarations financières, montre que ces acteurs privés sont aujourd’hui les principaux créanciers des États à faible revenu ou à revenu intermédiaire, dont ils détiennent plus de 60% de la dette. Parmi eux, les principales banques françaises jouent un rôle central, notamment…au Sénégal, et ont réalisé de confortables profits pendant la pandémie», précise le rapport intitulé : «Taux d’intérêts financiers, désintérêt humain : le rôle des institutions financières françaises privées dans l’endettement des pays en développement».

Oxfam France de pointer : « Les données analysées par ce rapport montrent que les établissements financiers français privés sont actifs sur les trois segments qui concourent aujourd’hui à l’accroissement rapide de l’endettement des pays les plus pauvres : le crédit bancaire, les services d’émissions obligataires et l’achat d’obligations souveraines».

L’ONG de poursuivre : «Les créances bancaires détenues par des établissements hexagonaux (françaises, ndlr) sur les pays éligibles à l’ISSD (Initiative de suspension du service de la dette) ont ainsi été multipliées par quatre depuis 2010.

À la veille de la crise sanitaire, ils percevaient, chaque année, plus de 200 millions de dollars de remboursements, dont près de 40 millions de dollars d’intérêts.

Par ailleurs, ces banques françaises sont très actives dans la fourniture de services financiers lors des émissions d’obligations, pour lesquels elles perçoivent des commissions importantes : trois d’entre elles -BNP Paribas, Société générale et groupe Banque populaire / Caisse d’épargne (BPCE)- figurent ainsi dans les quinze groupes financiers mondiaux ayant pris en charge le plus grand volume d’émissions obligataires des débiteurs éligibles à l’ISSD depuis janvier 2011».

«Elles ont placé près de 8 milliards de dollars sur les marchés financiers, pour le compte de huit pays parmi les plus pauvres. Enfin, ces établissements financiers hexagonaux achètent également des titres de dettes sur les marchés et une banque française, le Crédit agricole, se hisse à la sixième position mondiale des principaux acheteurs d’obligations émises par les pays les plus pauvres», indique l’étude. Qui pointe : «Elle devrait ainsi percevoir plus de 100 millions de dollars d’intérêts au titre de la seule année 2021. Et plus le pays est considéré comme à risque de surendettement, plus le taux d’intérêt exigé est élevé : la moyenne des taux d’intérêts des obligations souveraines du Ghana et du Cameroun détenues par les investisseurs français atteint par exemple les niveaux exorbitants de 9,2 % et 9,5 %.»

«Entre mai 2020 et décembre 2021, le Sénégal devra rembourser 821 millions de dollars»

Dakar n’échappe pas à cette chape de plomb des banques !

«Le Sénégal est confronté au poids croissant de ses créanciers privés, qui détiennent près de 40 % de sa dette à fin 2020. La charge de la dette a été multipliée par six depuis 2010, pour atteindre près du quart du total des recettes fiscales du pays. Et si le Sénégal a demandé à participer à l’ISSD pour réduire ses échéances pendant la pandémie, il devra quand même rembourser 821 millions de dollars, entre mai 2020 et décembre 2021, aux détenteurs d’obligation souveraines», révèle le document de l’ONG.

Ladite source de renchérir : «La croissance de l’endettement et du poids des créanciers privés en augmente donc la charge pour les finances publiques sénégalaises. Le service de la dette a été multiplié par six depuis 2010, pour atteindre 906 millions de dollars en 2019 et près du quart du total des recettes fiscales du pays.

Cette même année, le Sénégal payait 359 millions de dollars d’intérêts, pour la plus grande part au titre de l’endettement obligataire (207 millions de dollars). Et si le pays a demandé à participer à l’ISSD pour réduire ses remboursements pendant la pandémie, moins de 20 % de ses échéances dues entre mai 2020 et décembre 2021 seront effectivement reportées (349,8 millions de dollars).

Le Sénégal devra rembourser 1,5 milliards de dollars à ses créanciers publics multilatéraux et à ses créanciers privés, pour l’essentiel aux détenteurs d’obligations souveraines (821 millions), alors que plus de 80 % de la population a connu une baisse de revenu pendant la crise de la Covid-1925 et que la Banque mondiale estime que la pandémie pourrait faire basculer 300 000 personnes supplémentaires dans l’extrême pauvreté. Sur la même période, entre mai 2020 et décembre 2021, les établissements privés de crédits devraient recevoir 330 millions de dollars, dont près du tiers au bénéfice de banques françaises (102 millions de dollars).

Finalement, en vingt mois et malgré l’ISSD, le Sénégal versera à ses créanciers l’équivalent des budgets annuels réunis de la santé, de l’éducation nationale et l’agriculture. Les seuls intérêts que devraient percevoir les détenteurs d’obligations souveraines (423 millions de dollars !) représentent davantage que le budget annuel du ministère sénégalais de la Santé et de l’Action sociale !

Le Sénégal s’endette donc toujours plus tandis que les banques françaises engrangent les commissions. Elles sont en effet impliquées dans la presque totalité des émissions obligataires internationales du pays depuis 2009, y compris celle intervenue en juin 2021, pendant la crise de la Covid-19.

Alors il urge pour le régime pour le Sénégal «de faire passer les droits fondamentaux de ses citoyens avant le service de la dette». Oxfam France recommande, pour ce faire, au gouvernement français de «contraindre les créanciers privés hexagonaux à prendre leur part dans les allègements à venir et de protéger, par des législations adéquates », le Sénégal, «contre les éventuelles procédures judiciaires lancées par les créanciers privés».

Qui plus est, la France doit mettre en place «un mécanisme multilatéral de restructuration des dettes souveraines, indépendant des créanciers, transparent et contraignant, qui donne la priorité aux droits humains et à la satisfaction des besoins fondamentaux des populations».

Oxfam France demande au régime de Macky Sall de « veiller à ce que tous les fonds issus d’allégements de dette actuelle ou à venir soient utilisés de manière transparente, en concertation avec les OSC afin de faire face aux impacts sociaux et économique de la crise du coronavirus».

24 Heures

Oumou Khaïry NDIAYE
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